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Editorial n° 8
- mars 2004
Des laits interchangeables... vraiment ? A force
de l'acheter embouteillé en magasin, on finit par croire que
le lait est un aliment comme un autre, un quelconque sous-produit de
l'élevage... Pourtant, le lait n'est pas un aliment anodin, mais
un aliment biologique très spécifique. La seule substance
qui soit produite uniquement par les femelles du genre animal des mammifères
auquel nous appartenons. Le seul aliment capable de nourrir à
lui seul un bébé de longs mois durant, alors même
qu'il est dans une phase majeure de croissance cérébrale
et physique. Dans
des temps moins modernes, alors que la science ne cherchait pas encore
à tout expliquer, la sagesse populaire parlait communément
de "grossesse de sang" et de "grossesse de lait".
Or les nombreux travaux menés au cours du XXème siècle
ont permis de démontrer et de faire admettre la réalité
de cette spécificité très humaine. La nature a fait en sorte que nous puissions naître, sans décéder ou tuer notre mère. Ainsi nous pouvons cesser de nous développer en son sein ... et nous retrouver sur ses seins nourriciers pour y poursuivre notre développement de manière optimale... |
Fabriqué
par chaque mère mammifère pour nourrir ses petits, les
différents laits animaux sont extrêmement divergents.
Leur adaptation aux besoins spécifiques de chaque espèce
est parfaite. Ils
répondent à tous les besoins nutritionnels du bébé
mais aussi aux besoins liés à son développement
particulier, grâce à leurs éléments
constitutifs, si nombreux qu'on ne les connaît pas encore
tous, si complexes qu'on n'a pas encore décodé toutes
leurs fonctions... Les
effets bénéfiques
de l'allaitement maternel sur la santé sont largement étudiés
depuis les années 80. Mais notre langage est biaisé,
car on devrait plutôt parler des effets
négatifs de l'alimentation au lait de substitution. Préparés
à base de lait de vache -rappelons-le, car tout le monde ne
le sait pas-, les laits de substitution ont des effets majeurs sur
le développement à cause, notamment, des facteurs de
croissance, spécifiques à chaque lait. Il est vraisemblablement raisonnable d'affirmer aujourd'hui que l'augmentation de notre taille au cours des derniers siècles est due en bonne partie à la progression de la consommation des produits laitiers (très majoritairement à base de vache) dans notre alimentation. Cela peut paraître une bonne chose à première vue, mais l'est-ce vraiment ? Etre plus grand ne veut pas dire avoir des os plus solides, au contraire, si l'on observe le risque de fracture et d'ostéoporose très important dans nos sociétés consommatrices de produits laitiers, pourtant censés apporter tout le calcium nécessaire à nos os... |
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Le non-allaitement a aussi des effets sur notre croissance pondérale. Il a été démontré que la croissance des enfants allaités diffère de celle des enfants nourris au lait de substitution, tant et si bien que l'OMS révise actuellement les courbes de croissance des carnets de santé à partir d'enfants allaités selon leurs recommandations (6 mois d'allaitement exclusif). Et l'on sait aussi maintenant que l'allaitement maternel réduit le risque ultérieur d'obésité, d'une manière véritablement dose-dépendante à la dose de lait maternel reçue. La composition même du lait est bien là encore en cause. Enfin, selon une étude d'avril 2002, le lait de vache provoquerait une altération de l'ADN des enfants qui en sont nourris. Consommer dès la naissance un autre lait que celui prévu par la nature, serait donc source de mutations... Quand aux effets sur l'intelligence, ils restent controversés malgré différentes études publiées. Les détracteurs de cet aspect d'un bénéfice possible de l'allaitement maternel affirment qu'il est difficile d'évaluer la part de l'aspect nutritif de celle de l'aspect relationnel induit par l'allaitement au sein. Pourtant une étude l'a fait, en prenant pour population des enfants prématurés nourris de lait maternel, ou non, par sonde de gavage. Elle a montré un impact évident sur leur QI. |
Il reste encore beaucoup de choses à découvrir et à étudier sur la composition du lait humain, mais tout permet de penser qu'il joue un rôle important non seulement pour la protection de l'enfant pendant la période d'allaitement, mais aussi à plus long terme, en raison de son impact sur la mise en place du système immunitaire global de l'enfant. Différentes études ont en effet prouvé que l'allaitement maternel offre une protection significative contre les allergies, contre l'obésité, contre le diabète, contre les maladies neurologiques, bref, contre la plupart des maux qui connaissent aujourd'hui une véritable explosion et constituent des enjeux de santé publique majeurs. Est-ce vraiment un hasard ? Je suis convaincue que non, et que nous payons aujourd'hui les conséquences du nourrissage précoce et massif de nos nouveaux-nés avec le lait d'une autre espèce. Bien
sûr les arguments santé ne suffisent pas à eux
seuls à faire allaiter une maman qui ne le "sent vraiment
pas". Ces mamans-là ont besoin d'un accompagnement particulier
qui leur permettrait de comprendre et dans la plupart des cas, de
lever leurs blocages. Mais les arguments santé peuvent au moins
influencer les mamans qui hésitent ou choisissent l'alimentation
au biberon et lait de substitution seulement pour pouvoir "laisser
bébé de temps en temps" (car ce n'est pas incompatible
avec l'allaitement exclusif). Pour cela encore faudrait-il que les futures mères reçoivent durant leur grossesse une information claire et objective sur l'allaitement maternel, comme le préconise la troisième recommandation du label "Hôpital ami des bébés". Ce qui n'est bien entendu absolument pas le cas aujourd'hui en France. Se cachant derrière la soi-disante volonté de ne pas culpabiliser les mamans qui ne désirent pas allaiter, les professionnels de santé dans leur majorité ne donnent aucune information sur l'allaitement, et masquent ainsi, au mieux leur incompétence, au pire leur propre culpabilité de ne pas avoir allaité leurs enfants. Il serait donc temps de sortir de ce discours stérile et de mener enfin une véritable campagne d'information pour l'allaitement et de formation des professionnels, compte-tenu des enjeux de santé publique qu'il représente, comme on mène campagne contre le tabac. Et puisque la mesure semble fonctionner pour ce dernier, pourquoi ne pas taxer les laits de substitution et utiliser l'argent ainsi récolté pour fournir une information et un soutien à l'allaitement maternel qui soit enfin de qualité... Emmanuelle Blin |
Réactions d'internautes |
Une mienne parente, jeune maman, s'indignait devant un
parterre compatissant du fait que le lait "hypoallergénique",
fort coûteux, ne soit pas remboursé par la sécurité
sociale. Anne |