ALLAITEMENT ET INTELLIGENCE

Breast-feeding and intelligence. EL Mortensen, KF Michaelsen, SA Sanders, JM Reinisch. Ugeskr Laeger 2003 ; 165(13) : 1361-66. Mots-clés : allaitement, développement intellectuel.

Un certain nombre d'études ont conclu que le non-allaitement avait un impact négatif sur le développement neurologique. Le sujet reste toutefois très débattu. Le but de cette étude était d'évaluer les relations entre la durée
de l'allaitement et le niveau d'intelligence chez de jeunes adultes.

Pour cette étude prospective longitudinale danoise, 973 personnes des deux sexes âgées en moyenne de 27,2 ans ont été enrôlées, et ont été évaluées par l'échelle d'intelligence de Wechsler pour les adultes. 2280 jeunes hommes d'en moyenne 18,7 ans ont été évalués par un test d'intelligence utilisé pendant le service militaire. Toutes ces personnes ont été divisées en 5 groupes en fonction de la durée pendant laquelle elles avaient été allaitées. 13 variables confondantes ont été prises en compte : le statut parental, le niveau d'éducation parental, le fait que la mère soit ou non célibataire, l'âge, le poids, la taille et la prise de poids de la mère pendant la grossesse, le tabagisme pendant la grossesse, la parité, le poids et la taille de naissance, l'âge gestationnel au moment de la naissance, le déroulement de la grossesse et de l'accouchement.

La durée de l'allaitement était positivement corrélée à des scores significativement meilleurs aux tests. Après correction pour les autres variables confondantes, le QI moyen était respectivement de 99,4, 101,7, 102,3, 106 et 104 chez les personnes qui avaient été allaités pendant au plus 1 mois, 2 à 3 mois, 4 à 6 mois, 7 à 9 mois, et plus de 9 mois. Ces résultats suggèrent un impact dose dépendant de l'allaitement sur le QI à l'âge adulte.

Les auteurs concluent que, après correction pour de nombreux facteurs, il existait une corrélation significative entre la durée de l'allaitement et le développement intellectuel, et ce chez 2 cohortes de jeunes adultes évalués par le biais de 2 tests différents. Si la durée de l'allaitement est probablement corrélée avec le niveau maternel d'intelligence et avec la qualité des interactions mère-enfant, il semble bien que le lait maternel en soi puisse avoir un impact favorable à long terme sur le développement cognitif et intellectuel.

 

IMPACT DE L'ALLAITEMENT SUR LE DEVELOPPEMENT NEUROLOGIQUE D'ENFANTS DE PETIT POIDS DE NAISSANCE

Effect of breastfeeding on cognitive development of infants born small for gestationnal age. MR Rao, ML Heidiger, RJ Levine, AB Naficy, T Vik. Acta Paediatr 2002 ; 91(3) : 267-74.
Mots-clés : allaitement, développement cognitif, petit poids de naissance.


Un certain nombre d'études ont constaté un meilleur développement neurologique chez les enfants nés à terme ou prématurés qui avaient été allaités. Mais aucune étude n'a encore été publiée sur ce sujet concernant les enfants nés à terme et hypotrophiques, dont la croissance pourrait théoriquement être améliorée par une supplémentation. Les auteurs de cette étude prospective norvégienne et suédoise (pays où la durée de l'allaitement exclusif est plus importante que dans de nombreux autres pays occidentaux) se sont penchés sur le sujet.

Ils ont enrôlé à la naissance 220 enfants nés à terme et hypotrophiques, ainsi que 299 enfants nés à terme avec un poids normal. Toutes les mères avaient déjà 1 ou 2 enfants. Elles ont répondu à des questionnaires portant sur les facteurs démographiques, socio-économiques, ainsi que sur les variables connues pour avoir un impact sur le développement de l'enfant. Des données ont aussi été recueillies sur la pratique de l'allaitement, l'âge de l'enfant au moment de l'introduction d'autres aliments, et quels étaient ces aliments. Les enfants ont été vus par des spécialistes à la naissance, puis à 6 semaines, 3, 6, 9, 13 mois et 5 ans. A chaque visite, des données détaillées étaient collectées sur l'alimentation de l'enfant, et en particulier sur la durée de l'allaitement exclusif. A 13 mois, les enfants ont été testés par l'échelle de Bayley. A 5 ans, ils ont été testés à l'aide des échelles de Wechsler pour les enfants de cet âge.

Les enfants nés hypotrophiques ont commencé à recevoir d'autres aliments en moyenne plus tôt que les enfants nés avec un poids normal ; à 12 semaines, 37% de ces enfants étaient toujours exclusivement allaités, contre 55% des enfants nés avec un poids normal. A 16 semaines, ces chiffres étaient respectivement de 17% et 29%. Cela n'avait aucun impact sur leur croissance : à 24 semaines, les enfants nés hypotrophiques qui recevaient d'autres aliments avaient une croissance similaire à celle des enfants nés hypotrophiques qui étaient toujours exclusivement allaités à cet âge, et que les enfants nés avec un poids normal. Par ailleurs, la durée de l'allaitement exclusif était plus longue chez les mères non fumeuses, celles qui avaient un niveau socio-économique et culturel plus élevé, et chez les mères qui avaient un QI plus élevé.

Après correction pour les diverses variables, la durée de l'allaitement exclusif avait un impact significatif sur les résultats obtenus aux tests de développement chez tous les enfants. Les enfants nés hypotrophiques avaient de meilleurs scores aux tests à l'âge de 5 ans lorsqu'ils avaient été allaités exclusivement pendant les 6 premiers mois que s'ils avaient reçu d'autres aliments à partir de 3 mois. La différence moyenne était de 11 points de QI supplémentaire chez ces enfants. L'avantage de l'allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois était encore plus net chez ces enfants que chez les enfants nés avec un poids normal (avantage de 3 points de QI chez ceux qui avaient été exclusivement allaités pendant 24 semaines par rapport à ceux qui avaient été allaités pendant 12 semaines).

Les auteurs concluent que l'allaitement exclusif pendant les 6 premiers mois a un impact significatif sur le développement neurologique des enfants, cet impact étant particulièrement net chez les enfants nés hypotrophiques. De plus, il permet chez ces enfants une croissance staturo-pondérale tout à fait satisfaisante.

 

UNE ETUDE AUSTRALIENNE SOULIGNE LES BIENFAITS DE L'ALLAITEMENT AU SEIN

mercredi 25 septembre 2002, 16h01
SYDNEY (AFP) - Une étude australienne de pédiatrie ayant porté sur le développement de près de 4.000 enfants sur une période de 21 ans fait état de la supériorité de l'allaitement au sein.

L'équipe médicale de l'université de Brisbane a étudié de près le développement de 3.880 enfants et établi que ceux nourris au sein présentent un développement intellectuel supérieur à ceux qui ont été nourris au biberon.

L'étude qui vient d'être publiée aux Etats Unis dans le Journal of Paediatrics and Child Health est le résultat d'un travail commencé en 1981 au début de la grossesse des mamans des enfants étudiés.

Les mères dont 80% ont nourri leurs enfants au sein ont été interrogées une fois que leur enfant avait six mois. Cinq années plus tard les enfants ont été soumis à des tests portant sur le développement de la parole et sur l'intelligence.

Le professeur de sociobiologie Jake Najman, responsable de la recherche, explique que cette dernière a consisté à "déterminer comment la santé de la mère et de l'enfant se modifient dans le temps et quels sont les facteurs qui influencent ces changements".

Le Pr Najman explique que les résultats ont été modulés en fonction des facteurs biologiques et psychosociaux tels que la situation de famille, les conditions économiques, le niveau d'instruction de la mère etc.

"Quels qu'aient été les facteurs pris en compte, à conditions égales les différences de quotient intellectuel entre les enfants nourris au sein et les autres demeurent", a-t-il affirmé.

Cette étude a été publiée une semaine après celle d'une recherche conjointe effectuée par l'université Otago de Nouvelle Zélande et l'Université McMaster dans l'état de l'Ontario au Canada selon laquelle l'allaitement au sein pouvait avoir des effets négatifs sur certains enfants susceptibles de développer des allergies et de l'asthme.

 

CORRELATIONS ENTRE L'ALLAITEMENT ET L'INTELLIGENCE A L'AGE ADULTE

The association between duration of breastfeeding and adult intelligence. EL Mortensen, KF Michaelsen, SA Sanders, JM Reinisch. JAMA 2002 ; 287(18) : 2365-71. Mots-clés :

Un certain nombre d'études ont constaté une association positive entre l'allaitement et le développement cognitif et intellectuel chez des enfants.

Toutefois, les études à long terme montrent une certaine instabilité des résultats aux tests de développement, en particulier entre les résultats dans la petite enfance et à l'âge adulte. Une étude a retrouvé de meilleurs scores chez des adolescents de 15 ans, et une autre faisait état de meilleurs résultats scolaires chez de jeunes adultes de 18 ans, chez ceux qui avaient été allaités. La correction par toutes les autres variables confondantes abaisse cet impact de l'allaitement, voire l'annule dans certaines études. Il faut toutefois noter que ces études présentent des biais méthodologiques, tels que définition approximative de l'allaitement, données recueillies rétrospectivement. Le but de cette étude était de déterminer de façon plus fiable les relations entre la durée de l'allaitement et l'intelligence chez de jeunes adultes.

Pour cette étude prospective longitudinale danoise, deux cohortes différentes ont été enrôlées : une cohorte de 973 participants (490 hommes et 483 femmes), et une cohorte de 2280 hommes. Tous étaient nés entre octobre 1959 et décembre 1961 à Copenhague après une grossesse non gémellaire. Ils ont été enrôlés à leur naissance, dans le cadre d'une grande étude sur l'impact à long terme de divers facteurs périnataux. Ces 2 cohortes ont été divisées en 5 sous groupes, en fonction de la durée de l'allaitement :1 mois maximum (16%), 2 à 3 mois 14,9%), 4 à 6 mois 15 ;7%), 7 à 9 mois 13,3%), et plus de 9 mois 15,2%).

Des données ont été recueillies pendant la grossesse sur le statut démographique et socio-économique, sur le déroulement de la grossesse et de l'accouchement. Les données sur l'allaitement ont été recueillies à l'occasion d'une visite médicale de l'enfant à 12 mois. Tous les sujets ont été évalués à l'âge 27,2 ans en moyenne pour la cohorte mixte à l'aide du test d'intelligence Wechsler pour adultes, et à l'âge de 18,7 ans en moyenne pour la cohorte masculine par le test Børge Priens Prøve. Les autres variables prises en compte étaient le fait que leur mère était mère célibataire, l'âge et le poids maternel, le gain de poids pendant la grossesse, le tabagisme pendant la grossesse, la parité, l'âge gestationnel à la naissance, le poids et la taille à la naissance, et les éventuelles complications pendant la grossesse et l'accouchement.

La durée de l'allaitement était positivement corrélée de façon significative à de meilleurs résultats aux tests dans les 2 cohortes. Pour la première cohorte, et après correction pour les autres variables confondantes, le QI moyen retrouvé par le test d'intelligence Wechsler pour adultes était de 99,4 chez les personnes allaitées un mois au plus, de 101,7 chez celles allaitées 2 à 3 mois, de 102,3 chez celles allaitées 4 à 6 mois, de 106 chez celles allaitées 7 à 9 mois, et de 104 pour celles allaitées pendant plus de 9 mois. On observait des résultats similaires dans la seconde cohorte, avec des scores pour le test Børge Priens Prøve qui étaient respectivement de 38, 39,2, 39,9, 40,1 et 40,1. La prévalence d'un QI inférieur à 90 était environ 5 fois plus élevée chez les personnes qui avaient été allaitées pendant au maximum 1 mois que chez celles qui avaient été allaitées plus de 9 mois.

Les auteurs concluent qu'il existe une nette corrélation entre l'allaitement et un meilleur développement intellectuel et cognitif, dans 2 cohortes indépendantes de jeunes adultes suivies prospectivement, et étudiés à l'aide de 2 tests différents. Cette différence restait significative après correction pour les autres variables. Il est possible qu'une durée d'allaitement plus longue soit un marqueur d'un intérêt et d'un investissement plus importants de la mère pour son enfant pendant toute la période d'enfance et d'adolescence. Il est par ailleurs tout à fait compréhensible que l'alimentation reçue par l'enfant à une période où la croissance de son cerveau est très rapide puisse avoir un impact sur les fonctions neurologiques. Certains auteurs estiment que les acides gras polyinsaturés du lait humain (et en particulier le DHA) jouent un rôle dans le développement neurologique. Le DHA est un important constituant du système nerveux central et de la rétine. Quoi qu'il en soit, il semble bien que l'allaitement puisse avoir un impact favorable à long terme sur le développement intellectuel.


Réactions à cette étude…

C'est vrai qu'il est difficile d'éliminer les biais dans les études sur allaitement et développement intellectuel. Cela dit, les auteurs de cette étude semblent s'y être particulièrement attachés. Il s'agit de personnes allaitées au début des années 60. Je ne suis pas sûre qu'on retrouve à cette époque le biais socio-économique comme quoi ce sont les classes favorisées qui actuellement allaitent le plus.
D'autre part, je trouve particulièrement intéressant que comme pour les bénéfices physiologiques, l'effet soit "dose-dépendant", c'est-à-dire que le QI augmente avec la durée de l'allaitement. Est-ce que les mères qui allaitent 9 mois seraient plus particulièrement attachées à l'éveil de leur enfant que celles qui allaitent 6 mois ?
On sait depuis un certain temps que le lait maternel contient des acides gras essentiels particulièrement importants pour la construction du cerveau. Pourquoi serait-ce donc si extraordinaire ou douteux que cela ait des
conséquences sur le QI ? C'est le contraire qui me semblerait étonnant.

Claude-Suzanne Didierjean


C'est vrai que les statistiques sont "trompeuses". Ou plutôt c'est la façon dont on les utilise ou on les manipule. C'est parfois très simple, et c'est d'ailleurs aussi pour cela que dans la plupart des études médicales on parle des "avantages de l'allaitement" au lieu de parler des "inconvénients du lait industriel".

Prenons par exemple 2 groupes de X enfants (le même nombre dans les 2 groupes), un groupe d'enfants allaités, et un groupe d'enfants nourris au lait industriel. Mettons que sur une durée de par exemple 1 an, il y a eu 75 otites dans le groupe des enfants allaités, et 100 otites dans le groupe des enfants nourris au lait industriel. Habituellement, les études concluent en pareil cas que les enfants allaités on un risque d'otite plus bas de 25% par rapport aux enfants allaités. Mais avec exactement les mêmes chiffres, on peut aussi dire que les enfants nourris au lait industriel ont un risque d'otite plus élevé de 33%. En l'ocurrence, tout dépend de ce qu'on prend comme base de calcul.

> Ce que j'avais entendu dire autour de cet article (par des gens qui n'avaient pas particulièrement l'air pro-allaitement, d'ailleurs) donnait la sensation que l'article était complètement biaisé et qu'il laissait entendre que, en gros, le lait maternel (et non pas l'allaitement) faisait physiologiquement des cerveaux plus compétents, ce qui évidemment, les faisait hurler...

A noter que la première étude qui a été publiée sur QI et allaitement, il y a une dizaine d'années, était une étude de Lucas, qui portait sur des prématurés qui avaient été nourris ou non de lait maternel par gavage (ce qui éliminait le lien spécifique de l'allaitement directement au sein). L'impact sur le QI était encore plus évident chez des enfants nés prématurément.

Par ailleurs, et sans parler de QI (ce qui fait effectivement souvent hurler), d'autres études ont mesuré des paramètres tels que la fonction visuelle en rapport avec l'allaitement, pour constater qu'elle était habituellement meilleure chez les enfants allaités ...

Françoise Railhet

 

IMPACT DE L'ALLAITEMENT SUR LE DEVELOPPEMENT NEUROLOGIQUE A 5 ANS

The effets of breastfeeding on child development à 5 years : a cohort study.PJ Quinn, M O'Callaghan, GM Williams et al. J Paediatr Child Health 2001 ; 37(5) : 465-69. Mots-clés : allaitement, développement neurologique.

Un certain nombre d'études ont constaté un moins bon développement neurologique chez les enfants qui n'étaient pas allaités, mais il reste difficile d'apprécier quelle est la part de l'alimentation reçue par l'enfant et celle des facteurs psychosociaux. Le but de cette étude australienne était de tenter de mieux cerner l'impact de l'alimentation infantile, et celui de la durée de l'allaitement sur le développement cognitif.

3880 enfants ont été enrôlés à la naissance et suivis prospectivement. La durée de l'allaitement a été évaluée à l'aide d'un questionnaire administré à 6 mois post-partum. A l'âge de 5 ans, l'enfant a passé le test de vocabulaire révisé de Peabody. Les scores obtenus à ce test ont été corrigés pour de nombreux facteurs biologiques et psychosociaux. Les relations entre la durée de l'allaitement et les scores obtenus ont été analysés par
régression logistique multiple.

Il existait une relation fortement positive entre la durée de l'allaitement et les résultats obtenus au test de vocabulaire révisé de Peabody. Après ajustement pour toutes les variables confondantes, les scores étaient plus bas de 8,2 points chez les filles et de 5,8 points chez les garçons qui avaient été nourris exclusivement au lait industriel par rapport à ceux qui avaient été allaités pendant au moins 6 mois.

Les auteurs concluent que le développement neurologique des enfants est d'autant meilleur que l'allaitement a été long.

 

ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT NEUROLOGIQUE

Breastfeeding and brain dévelopment. A Reynolds. Pediatr Clin North Am 2001 ; 48(1) : 159-71.
Mots-clés : alimentation infantile, développement neurologique.

De nombreuses études ont constaté que les membranes cellulaires et les érythrocytes des enfants nourris au lait industriel contenaient moins de DHA que ceux des enfants allaités. Toutefois, les implications cliniques de cet état de fait restent difficiles à apprécier. De nombreuses études ont constaté que les enfants allaités avaient un meilleur développement neurologique. Il reste cependant difficile de dire si cela est dû à un impact biologique du lait humain, à un impact comportemental de l'allaitement, à des facteurs génétiques, à des facteurs environnementaux, ou, probablement, à une combinaison de tous ces facteurs.

L'impact des acides gras essentiels sur le développement des structures neurologiques est un domaine actuellement très étudié. Bien que l'acide arachidonique (AA) et l'acide docosahexaénoïque (DHA) ne soient pas présents dans les laits industriels, ils peuvent être synthétisés par l'enfant à partir de leurs précurseurs, l'acide alpha-linolénique (ALA) et l'acide linoléïque (LA). Mais cette synthèse ne couvre pas les besoins très importants des nourrissons.

Les cellules photosensibles de la rétine sont celles de notre corps qui contiennent le pourcentage le plus élevé de DHA. En conséquence, un certain nombre d'études ont tenté d'évaluer l'impact de l'alimentation sur la fonction visuelle, chez des enfants nés à terme et des prématurés, et elles ont constaté de meilleurs résultats chez les enfants recevant un lait " riche " en DHA (lait humain ou lait industriel enrichi). Cependant, ces études présentent de nombreux biais, et portent souvent sur de petits échantillons, ce qui limite leur portée. Il serait nécessaire de faire des études plus approfondies.

L'impact de l'alimentation sur le développement cognitif reste un sujet très controversé. Cela s'explique en partie par l'importance des autres facteurs confondants (QI et niveau d'éducations des parents, environnement, interactions parents-enfants.). De nombreuses études ont constaté que les femmes qui allaitaient présentaient des caractéristiques qui sont, par elles-mêmes, susceptibles d'avoir un impact favorable sur le développement de l'enfant. Une méta-analyse publiée en 1999 a constaté que les études qui avaient la meilleure qualité méthodologique retrouvaient un impact minime mais mesurable de l'allaitement sur le développement cognitif, cet impact étant dose-dépendant, et plus important chez les enfants nés prématurément.

Les études effectuées sur les prématurés montrent que l'impact du non-allaitement est encore plus important chez eux. Les enfants de très petit poids de naissance (entre 750 et 1000 g) ont un QI plus bas en moyenne de 13 points lorsqu'ils n'ont pas reçu de lait humain, ce qui correspond à un risque plus élevé de 50 à 60% d'avoir besoin d'une éducation spécialisée par la suite. Chez ces enfants, une augmentation de quelques point de QI
pourrait avoir un impact particulièrement important.

L'impact de l'allaitement sur le développement neurologique est mineur à l'échelle individuelle. Toutefois, même une faible différence peut avoir un impact appréciable à l'échelle d'une population. D'autres études seraient utiles sur ce sujet. Quoi qu'il en soit, les avantages de l'allaitement, tant pour les enfants à terme que pour les enfants prématurés, sont suffisamment nombreux par ailleurs pour en faire la promotion.

 

ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT COGNITIF A 1 ET 5 ANS

Breastfeeding and cognitive development at age 1 and 5 years. NK Angelsen, T Vik, G Jacobsen, LS Bakketeig. Arch Dis Child 2001 ; 85 : 183-88. Mots-clés : allaitement, développement neurologique.

Une méta-analyse récente a conclu que le non-allaitement avait un impact négatif mesurable sur le développement cognitif des enfants. Cette méta-analyse a porté essentiellement sur des études ayant comparé des enfant qui avaient été allaités à des enfants qui avaient été exclusivement nourris au lait industriel. Cependant, très peu d'études ont évalué l'impact de la durée de l'allaitement dans des pays où quasiment tous les enfants sont
allaités, ne serait-ce que pendant quelques semaines. En Scandinavie, quasiment toutes les mères allaitent, et plus de 50% des enfants sont toujours allaités à 6 mois. Par ailleurs, la population scandinave a un niveau socio-économique et culturel relativement élevé et homogène en comparaison avec d'autres pays, ce qui limite l'impact des biais environnementaux. Le but de cette étude était de vérifier que, dans la population scandinave, la durée de l'allaitement n'avait pas d'impact significatif sur le développement neurologique moteur et cognitif.

Pour cette étude prospective, des femmes norvégiennes ont été enrôlées pendant leur grossesse. Elles avaient déjà 1 ou 2 enfants, et leur grossesse n'était pas gémellaire. A leur entrée dans l'étude, elles ont répondu à un questionnaire détaillé portant sur des données démographiques et socio-économiques, sur un éventuel tabagisme. Les femmes qui ont accouché prématurément ou dont l'enfant avait un trouble congénital ont été exclues de l'étude. Des données sur l'alimentation de l'enfant ont été collectées à 6 semaines, puis à 3, 6, 9 et 13 mois (en particulier durée de l'allaitement exclusif et durée totale de l'allaitement). A 13 mois, l'enfant a subi divers tests de développement psychomoteur, et la mère a répondu à un questionnaire destiné à évaluer l'environnement de l'enfant. A l'âge de 5 ans, les enfants ont de nouveau passé des tests destinés à évaluer leur développement cognitif et moteur, et leurs mères ont passé un test destiné à évaluer leurs caractéristiques cognitives et relationnelles. Les spécialistes qui ont fait passer les tests aux enfants et à leurs mères n'avaient aucune donnée sur l'alimentation reçue par l'enfant.

Toutes les données ont pu être recueillies pour 345 enfants. Ils ont été répartis en 3 groupes en fonction de la durée de l'allaitement : moins de 3 mois (G1, n = 59), entre 3 et 6 mois (G2, n = 72) et plus de 6 mois (G3, n =
214). Le niveau d'éducation de la mère a été défini comme étant inférieur à la moyenne (moins de 12 années de scolarité) ou supérieur à la moyenne (plus de 12 années de scolarité). La moyenne des résultats aux tests de tous les enfants et de leurs mères a été calculée ; des scores inférieurs à cette moyenne ont été définis comme étant bas, les scores supérieurs à cette moyenne étant définis comme élevés. La durée de l'allaitement était plus longue chez les mères plus âgées, chez celles qui avaient obtenu de meilleurs scores au test, et chez celles qui avaient un niveau d'éducation élevé ; les mères fumeuses allaitaient aussi moins longtemps.

Les scores obtenus par les enfants à 13 mois étaient d'autant meilleurs que l'allaitement avait été long ; la différence entre ceux qui avaient été allaités moins de 3 mois et chez ceux qui avaient été allaités pendant plus de 6 mois était de 7,8 points. Les enfants qui avaient été allaités moins de 3 mois avaient un risque plus élevé de moins bon développement cognitif. Le développement psychomoteur n'était pas significativement affecté par la durée de l'allaitement. Après analyse par régression logistique multiple, le seul facteur qui était corrélé à la fois à la durée de l'allaitement et au développement de l'enfant à 13 mois était le score obtenu au test par leur mère. Après ajustement pour ce facteur, l'impact de la durée de l'allaitement était abaissé, mais restait significatif.

A l'âge de 5 ans, les enfants qui avaient été allaités moins de 3 mois avaient un risque plus élevé d'avoir un score inférieur à la moyenne aux tests cognitifs, et un QI plus bas. Après analyse par régression logistique multiple, les facteurs confondants étaient le niveau maternel d'éducation, l'âge maternel, le résultat de la mère au test, et le tabagisme pendant la grossesse. L'ajustement des résultats pour ces facteurs abaissait l'impact de la durée de l'allaitement, mais ce dernier restait mesurable. La durée de l'allaitement avait un léger impact positif sur le développement moteur, mais la différence n'était pas suffisante pour être statistiquement significative.

Les mères enrôlées avaient été sélectionnées par tirage au sort, et elles n'ont pas été averties de l'objectif de l'étude afin de ne pas modifier leur comportement vis-à-vis de leur enfant. C'est aussi pour supprimer un biais potentiel que les spécialistes chargés de faire passer les tests n'ont pas été avertis non plus de l'objectif de l'étude. Il est donc très probable que la différence constatée entre les enfants après correction pour les divers biais retrouvés était liée à la durée de l'allaitement. Cette étude vient donc s'ajouter à celles qui ont obtenu des résultats similaires.

Dans un pays où le QI de la population est en moyenne de 109, quelques points supplémentaires n'ont probablement pas d'impact mesurable à l'échelle individuelle. Il est cependant de plus en plus évident que l'allaitement permet un meilleur développement cognitif, et que cet impact est dose-dépendant. Il est possible que cet impact soit, tout au moins en partie, en rapport avec la relation privilégiée qu'est l'allaitement. Par ailleurs, le lait humain est spécifiquement adapté au petit de notre espèce, et contient de nombreux facteurs susceptibles d'affecter son développement neurologique (acides gras polyinsaturés, facteurs de croissance.). L'impact de l'allaitement sur le développement moteur n'était pas significatif dans cette étude. Une étude danoise avait constaté un moins bon développement moteur chez des enfants qui avaient été nourris au lait industriel que chez des enfants qui avaient été allaités. Ici, même si la différence n'était pas significative, on ne peut pas exclure un impact négatif minime d'un allaitement de moins de 3 mois sur le développement moteur, qui serait devenu significatif si la cohorte étudiée avait été plus importante.

 

ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT NEUROLOGIQUE

Breast milk feeding and cognitive ability at 7-8 years. LJ Horwood, BA Darlow, N Mogridge. Arch Dis Childhoo Fet Neonat 2001 ; 84 : F23-27. Mots-clés : alimentation infantile, développement neurologique.

L'impact de l'alimentation sur le développement neurologique et cognitif reste un sujet très débattu.

Les auteurs de cette étude ont évalué l'impact de l'alimentation reçue pendant la petite enfance sur 280 enfants, âgés de 7 à 8 ans, nés avec un très faible poids de naissance. Ils ont recueilli des données sur leur alimentation, et les enfants ont été évalués sur le plan des performances verbales et du QI.

73% des mères avaient tiré leur lait pour leur enfant, et 37% d'entre elles avaient allaité pendant 4 mois et plus. Les performances des enfants aux tests augmentaient parallèlement à la durée pendant laquelle ils avaient été allaités. Les enfants qui avaient été allaités pendant 8 mois et plus avaient des résultats supérieurs de 10,2 points aux tests de performances verbales et de 6,2 points aux tests du QI que les enfants qui n'avaient jamais reçu de lait maternel. Cette corrélation était abaissée après correction pour les autres facteurs, mais elle restait significative : après correction, les enfants qui avaient été allaités pendant 8 mois et plus avaient des résultats aux tests de performances verbales plus élevés de 6 point que les enfants qui n'avaient jamais reçu de lait maternel.

Les auteurs concluent que ces résultats sont en faveur d'un impact à long terme, modéré mais significatif, de l'alimentation reçue par le nourrisson sur le développement neurologique et cognitif de l'enfant.

 

ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT COGNITIF : UNE META-ANALYSE

Breast-feeding and cognitive development : a meta-analysis. JW Anderson, BM Johnstone, DT Remley. Am J Clin Nutr 1999 ; 70(4) : 525-35. Mots-clés : développement cognitif, allaitement, alimentation au lait industriel.

Un certain nombre d'études comparant le développement cognitif chez des enfants allaités et des enfants nourris au lait industriel ont retrouvé de meilleurs résultats chez les enfants allaités. D'autres n'ont pas retrouvé cet impact, et beaucoup de chercheurs estiment que la différence constatée en faveur des enfants allaités est en relation avec des variables socio-économiques, ou avec le niveau d'éducation de la mère.

Le but des auteurs était d'effectuer une méta-analyse des différences constatées entre des enfants allaités et des enfants nourris au lait industriel en ce qui concerne le développement cognitif. Ils ont passé en revue toutes les études publiées sur le sujet afin de vérifier leur méthodologie, et ils ont regroupé et analysé les résultats de ces études.

3 critères de base ont été définis pour choisir les études : elles comparaient des enfants qui avaient été essentiellement allaités à des enfants qui avaient été principalement nourris au lait industriel, elles utilisaient un ou des tests de mesure du développement cognitif largement utilisés (afin de faciliter les comparaisons entre les études), et les sujets étaient évalués entre la petite enfance et l'adolescence. Sur les 20 études répondant à ces critères, 11 études prenaient en compte au moins 5 covariables, et présentaient leurs résultats avant et après correction. Toutes ces études avaient été effectuées dans des pays industrialisés (essentiellement Royaume Uni et USA). 18 d'entre elles étaient prospectives.

Un avantage moyen de 5,32 points de QI était trouvé par ces études chez les enfants allaités avant ajustement pour les covariables ; après ajustement, cet avantage était en moyenne de 3,16 points de QI. Cette différence après ajustement était stable et homogène. Les enfants allaités avaient des tests de développement cognitif significativement meilleurs que les enfants nourris au lait industriel entre 6 et 23 mois, la différence constatée étant stable pendant toute cette période. Lorsque l'enfant était un prématuré, cette différence entre les enfants allaités et les enfants nourris au lait industriel était plus importante : gain chez les enfants allaités d'en moyenne 5,18 points de QI après correction pour les covariables ; il semble donc que le lait humain présente encore plus d'intérêt pour les prématurés que pour les enfants nés à terme. Par ailleurs, l'analyse des résultats montrait que les résultats aux tests de développement cognitif étaient d'autant meilleurs que la durée de l'allaitement avait été longue.

Cette méta-analyse montre que, après ajustement pour les autres variables confondantes, les enfants nourris au lait industriel obtenaient des résultats significativement moins bons aux tests de développement cognitif que les enfants allaités, et ce après correction pour les divers biais. Cette différence était perceptible dès 6 mois, et le restait à 15 ans (âge le plus élevé où les enfants ont été évalués). La raison de cet état de fait est difficile à cerner avec exactitude. On sait que certains acides gras polyinsaturés présents dans le lait humain mais non dans le lait industriel sont très important pour les structures neurologiques ; le rôle de l'acide docosahexaénoïque semble particulièrement important. Une différence moyenne de 3 points de QI est peu importante à l'échelle individuelle, mais l'est davantage à l'échelle d'une population ; le passage d'une population d'un QI de 100 à un QI de 103, soit du 50ème au 58ème percentile, pourrait avoir un impact sur le niveau global d'éducation et les caractéristiques de la société.

 

DUREE DE L'ALLAITEMENT ET DEVELOPPEMENT NEUROLOGIQUE PENDANT LA SECONDE MOITIE DE LA PREMIERE ANNEE

Duration of breastfeeding and developmental milestone during the latter half of infancy. M Vestergaard, C Obel, TB Henriksen, HT Sorensen, E Skajaa, J Ostergaard. Acta Paediatr 1999 ; 88(12) : 1327-32.
Mots-clés : durée de l'allaitement, développement neurologique.


Un certain nombre d'études ont montré que l'allaitement semblait avoir un impact sur le développement neurologique à long terme. Toutefois, l'interprétation de ces résultats est rendue difficile par le nombre de variables confondantes. Peu d'études ont examiné des enfants de moins de 12mois, en dépit du fait qu'une évaluation aussi précoce permette d'éliminer un certain nombre de biais.

Les auteurs ont recherché les éventuelles corrélations entre la durée de l'allaitement exclusif et le développement neurologique chez des enfants de 8 mois : développement moteur général, motricité fine, vocalisations. Ils ont suivi une cohorte de 1656 enfants nés à terme et en bonne santé, issus d'une grossesse non gémellaire, dont le poids de naissance était supérieur à 2500 g, nés entre mai 1991 et février 1992 à Aarhus (Danemark). Les mères ont été interrogées à 16 semaines de grossesse, puis à la naissance et à 8 mois post-partum. Le développement moteur des enfants a été évalué à 8 mois, par une équipe qui ne connaissait pas le but de l'étude.

Les enfants ont été répartis en 4 catégories, en fonction de la durée de l'allaitement exclusif : 0 à 1 mois, 2 à 3 mois, 4 à 5 mois, et plus de 6 mois. Plus la durée de l'allaitement exclusif avait été longue, et plus les résultats obtenus aux tests par l'enfant étaient élevés. La correction des résultats par les divers biais (niveau socio-économique et culturel des parents, âge de la mère, tabagisme pendant la grossesse, poids de naissance, âge gestationnel à la naissance, famille monoparentale, nombre des épisodes de maladies.) n'avait qu'un impact minime sur l'amplitude des différences retrouvées.

Les auteurs concluent que l'allaitement exclusif a un impact bénéfique sur le développement neurologique chez les enfants de moins de 12 mois.