maternage.free.fr

Editorial n° 6 - novembre 2003

Où va l'école de France ?

Scolarisation à 2 ans, phobie scolaire, 12 % d'illetrisme, échec du collège unique, crise des enseignants...

Dans le primaire comme dans le secondaire, rien ne va plus.

Tout commence par la première rentrée de maternelle qui est souvent un véritable cauchemar avec 30 enfants qui arrivent le même jour (mais pourquoi ne pas étaler la rentrée sur la première semaine, vraiment, pourquoi ?) dans un lieu nouveau, entouré d'inconnus. Avec des instits plus ou moins bien formés, qui profitent d'un enfant qui a le dos tourné pour dire à ses parents de s'esquiver rapidement, au mépris de la psychologie la plus basique ; des enfants qui pleurent de toutes leur tripes avec seulement deux paires de bras pour les consoler tous. Lisez un témoignage de rentrée scolaire.

Ca se poursuit avec des années de maternelle où l'école, devenue plus paternelle que maternelle, se donne déjà des objectifs à atteindre pour des bouts de choux malmenés dans leur rythmes, obligés de se couler dans le moule. Là le témoignage d'une institutrice sur la notation en maternelle. Des enfants par ailleurs bien souvent livrés à eux-mêmes dans l'arène des récréations quotidiennes où ils sont sommés de se socialiser de force, sans repère ni modèles pour apprendre à gérer leurs conflits.

Ca continue avec des années d'école primaire où les devoirs à faire après l'école sont toujours en vigueur malgré leur suppression officielle, comme si des enfants de cet âge n'avaient pas tout autant besoin de temps pour jouer sans objectif éducatif, révâsser, s'ennuyer...

Avec un apprentissage de la lecture qui se fait dans l'urgence et la douleur, révèlant de nombreuses dyslexies. Alors que la recherche sur le fonctionnement du cerveau lors des apprentissages a démontré que le plaisir était nécessaire à leur fixation. Il y a aussi cette édtue de l'Uvinertisé de Cmabrigde, qui a dtrémoné que l'odrre des ltteers dnas un mto n'a pas d'ipmrotncae, la suele coshe ipmrotnate est que la pmeirère et la drenèire soeint à la bnnoe pclae. Le rsete peut êrte dnas un dsérorde ttoal et vuos puoevz tujoruos lrie snas porlbème. C'est prace que le creaveu hmauin ne lit pas chuaqe ltetre elle-mmêe, mias le mot cmome un tuot... Et pourtant les méthodes de lecture globales sont toujours pointées du doigt et désignées comme de mauvaises méthodes ! Mais c'est le peu de temps (1 trimestre, voire 2 si on est magnanime) qu'on laisse aux enfants pour apprendre à lire qui est en cause. Pourtant mes enfants ont appris à lire en prenant leur temps, et en conservant toujours le plaisir de lire, avec la méthode de la voie directe prônée par l'AFL, et ce sont désormais (et pour toujours) de grands lecteurs (12 romans en 2 mois pour ma fille de 14 ans cet été).

S'ils sont formés à la pédagogie en IUFM, les futurs professeurs des écoles (c.ad. les anciens instituteurs du primaire) ne reçoivent que rarement un enseignement aux pédagogies dite actives. Cent années de pédagogies dites nouvelles ou actives n'y ont rien changé. Freinet, Montessori, Cousinet, Steiner et tous les autres, peuvent se retourner dans leur tombes ! Pourtant ces pédagogies offre l'avantage majeur de conserver intact le désir inné d'apprendre des enfants, en ne refusant pas leur curiosité naturelle, à l'inverse des méthodes actuellement employées qui font de l'école un lieu où l'on doit se rendre sans savoir pourquoi, afin d'y apprendre à répéter sans réfléchir et sans plaisir, des connaissances tirées arbitrairement du Savoir universel.
Ici, une nouvelle liste de discussion sur les écoles libres.
Et un lien vers le plus ancien et le plus riche annuaire des ecoles différentes.

Lisez le poème sur l'école de Chloé, 14 ans, élève en 3ème dans un collège public

Au collège, les élèves comme les enseignants vont mal. Préparés huit années durant à respecter les règles, à apprendre par coeur, à travailler sans rechigner, à ne pas utiliser leurs compétences créatives et à discipliner leur curiosité, les premiers ont perdu tout sens de l'initiative et toute joie d'apprendre. En revanche ils savent déjà très bien gruger, mentir ou faire semblant.
Les seconds ne sont, eux, jamais formés à la pédagogie. Ca paraît absurde, mais c'est bien réel. Ils ont certes le niveau requis en maths, en français, en histoire-géo, en langue, etc, mais ils n'ont aucune compétence pédagogique. Ils seraient comme des bouchers, incollables sur les différentes parties du boeuf, mais incapable de vous tailler un steak. Le par coeur est toujours la seule bonne manière d'apprendre, le plaisir est toujours absent de l'enseignement qui doit être triste et rigoureux pour être honnête, et les punitions de toutes sortes (mises au coin, copies de ligne, retenues) sont toujours les seuls "outils pédagogiques" connus et utilisés.

On est alors pas étonné d'entendre ci et là des manifestations de frustration de la part de profs excédés et incapables de communiquer d'être humain à être humain avec les élèves. La plupart sont "pollués" par une vision de l'enfance totalement fausse. Les enfants sont interdits de baîller alors que c'est une action physiologique et que 4 heures de cours à 11 ans c'est long ; baillonnés de scotch pour qu'ils soient moins bavard ; mis au coin pour avoir fait tomber une règle qui sera d'ailleurs confisquée... les exemples absurdes ne manquent pas.
On entend parfois parler de respect mutuel entre élèves et adultes, mais c'est seulement un thème à la mode. Dans les faits les élèves ne sont jamais respectés car ils sont toujours considérés comme étant inférieurs, ayant encore tout à apprendre des adultes. En revanche on exige d'eux des efforts démesurés, équivalents -ou pires ?- à ceux des adultes : se lever tôt 5 jours par semaine, rester concentrés et attentifs 7 à 8 heures durant avec de courtes pauses bruyantes, sans pouvoir même soulager leur vessie bien souvent, manger une nourriture probablement équilibrée mais totalement dénuée de saveur dans une ambiance bruyante, et pour finir, travailler à la maison 1 à 2 heures encore chaque soir. Et jamais on ne leur laisse la possibilité de s'exprimer sur ce qu'ils vivent en classe, de dire qu'ils n'ont pas compris sans risquer de se le voir reprocher, jamais on ne leur offre d'espace de création et d'expression libre pour déverser un peu de tension, jamais on ne leur fait confiance, jamais on ne les écoute. Lisez "Pourquoi les enfants oublient presque tout ce qu'ils apprennent à l'école ?" . Pour finir, on ne tolère ni retard ni absence de leur part mais les enseignants peuvent eux manquer très régulièrement à l'appel et ne pas être remplacés tout un trimestre pour cause de maternité par exemple ou bien de dépression (une affection en progression chez les enseignants).

Finalement, l'école n'a en rien évolué malgré toutes les réformes qu'elle a subie. Les enfants sont toujours assis en ligne, n'ont toujours pas le droit de "réfléchir ensemble", expérimentent toujours la compétition en lieu et place de la collaboration, sont toujours sanctionnés par des notes, vécues comme des sentences et n'ont toujours pas le droit de parler dans les rangs... Si évolution il y a eu c'est vers une fermeture sans-cesse croissante de ce lieu qui ressemble de plus en plus à une prison, où il faut montrer patte blanche pour entrer et sortir. "L'école change, mais la classe reste" et les enfants continuent de surveiller la trotteuse de leur montre tandis que la société se prive des possibilités de renouveau par des nouvelles générations porteuses d'idées neuves.

Alors certains parents, consients des enjeux qui se trament, décident d'instruire eux-mêmes leurs enfants -rappelons au passage que seule l'instruction est obligatoire, et non la scolarisation. Lisez le témoignage d'un père dont les enfants ne vont pas à l'école. Mais ces familles connaissent des difficultés et sont marginalisées. Lisez les deux éditoriaux de Marc-André Cotton : l'éducation nationale : creuset de la pensée unique et en France, il n'y aura bientôt plus de liberté d'enseignement.

Notre pays, à travers l'enseignement qu'il dispense et contrôle ne cherche donc toujours qu'à former de bons petits soldats, obéissants et ne remettant rien en cause, soldats de la guerre d'aujourd'hui, préparés non plus à se sacrifier sur l'autel des boucheries militaires, mais sur celui de la guerre économique mondiale : de la chair à production, disciplinée, privée de libre arbitre, sage, exploitable et ... jetable conformément aux besoins de notre société consumériste !

Emmanuelle Blin

Réactions d'internautes

Absolument, mais alors là absolument re-mar-quable !
Vraiment, impeccable. Du grand art, vraiment !

Non sérieusement, c'est absolument parfait. Pas trop long, donc pas soporiphique, parfaitement bien écrit, plein de bon sens et de réalités, et je ne crois pas
que tu aie oublié d'élément particulier, presque tous les sujets ont étés abordés, dans l'empathie pour les enfants, l'humanité, le réalisme total, et en plus
avec des pistes de solutions (pédagogies alternatives, échelonnage de la rentrée en maternelle, etc.)

Très franchement, c'est tout à fait génial.

Si tu n'y vois pas d'inconvénient, j'aimerais poster un lien vers cet édito dans les news de mon site et sur le forum. (www.pour-nos-enfants.com).

@++ et encore bravo.
Kero.

Oui, pour connaître moi aussi de l'intérieur le fonctionnement de l'Education nationale, je trouve qu'il y a d'énormes problèmes dans le recrutement. Il faut croire que la crise des vocations est bien réelle !

Ces réflexions sur l'école me touchent énormément. Je ne peux qu'être d'accord avec les critiques concernant le système éducatif, son aspect normatif, ses effets néfastes sur l'épanouissement des enfants, que je constate tous les jours en enseignant dans un collège.
Mais ça me bouleverse d'autant plus que j'ai l'impression de n'avoir aucune prise là-dessus, ni dans ma pratique professionnelle, ni dans la vie de mes enfants !

Je m'explique : ça fait un bon moment que je rêve de changer mes pratiques pédagogiques dans le sens de mes principes éducatifs, que je suis intéressée par les méthodes actives en pédagogie ; mais dans le même temps je ne sais pas comment ça peut s'appliquer au collège où je me sens coincée par un cadre très rigide et l'isolement parmi des collègues plus enclins à déplorer le bon vieux temps où les gamins prenaient des raclées pour leur apprendre la vie… Je caricature à peine !
Les nouveautés pédagogiques du type Itinéraires de Découvertes sont bien plus proches de ce que j'aimerais faire… mais je n'ai pas une salle informatique ou un CDI à ma disposition tous les jours ! J'aurais aimé que ces IDD servent à faire évoluer les mentalités de mes collègues, qui les apprécient d'ailleurs quand ils les pratiquent, mais je crains encore un enterrement de première classe pour ce genre d'actions…

En ce qui concerne mes propres enfants, c'est encore plus compliqué.
L'école, il faut bien le prendre en compte, c'est aussi un mode de garde quand les parents travaillent ! ;-) Et je n'envisage pas d'arrêter de travailler. Pourtant ça me désole d'imaginer que ma fille pourrait devenir une collégienne blasée et passive, infantilisée, inapte à se prendre en charge dans ses apprentissages… Et pourtant, elle est en CP, elle aime l'école. Alors pourquoi me prendre la tête ? ;-)

Comment dire ? Intellectuellement j'adhère complètement aux critiques de l'école, et dans la pratique je fais complètement partie de ce système, ce que je n'ose remettre en cause parce que ce serait trop déstabilisant !

La maîtresse d'Iris distribue bons points et images, les reprend à l'occasion, je ne peux m'empêcher de trouver ça absurde et pénible à la longue, mais Iris le prend bien, alors ? La maîtresse donne des devoirs écrits, ce qui est interdit, ce que je trouve inutile et profondément pénible, et pourtant je n'ai rien dit parce qu'au début ma fille en réclamait, était fière d'en avoir et moi j'étais contente de savoir ce qu'elle faisait en classe chaque jour. Maintenant, elle en a marre, heureusement la maîtresse a diminué le rythme à 2 fois par semaine quand je lui ai parlé de la fatigue d'Iris.

Gabriel a 3 ans et ne va pas encore à l'école, mais dans un jardin d'enfants municipal. Connaissant l'école, et surtout la maîtresse qu'il aurait dû avoir cette année, je me félicite chaque jour qu'il n'y aille pas, mais après tout il ira l'année prochaine parce qu'on n'aura plus le choix !
Et après tout, en souffrira t-il forcément ?
Bon, bref, ce message est bien long mais c'est aussi le cas de mes interrogations, qu'en plus le papa ne partage pas !

En gros, je reste dans un entre-deux où je regarde comment mes enfants évoluent, en me disant que si un problème grave se posait, je pourrais toujours avoir recours à la déscolarisation mais… comment faire quand on travaille ? ;-)

Alexandra

Je me permet de réagir puisque que je suis professeur des écoles!

Vous avez, 100 fois, même 1000 fois raison ! Il n'y a que de grandes paroles dans ce système bien trop lourd à gérer.
Des formations qui n'en sont pas : à l'IUFM on ne forme pas, c'est à peine si on informe! Les enseignants ne connaissent rien à la pratique d'une classe, puisqu'ils sont très peu à être passés par l'école primaire (en temps qu'enseignants bien sûr!!). Beaucoup sont là pour ne pas être en face d'élèves... effectivement tout le monde se tient bien sagement sur les rangs des IUFM, on attend que ça se passe avant de se jeter, démuni, dans la gueule du loup !!
Quant aux instituteurs maitres formateurs beaucoup sont plus que blasés et ne font ça que pour un peu plus de reconnaissance, un peu de changement dans leur quotidien... voire une fausse promotion.
Et puis "la formation continue" : les demies journées obligatoires, où les enseignants ne sont présents que parce que c'est obligatoire et en tant qu'ancien bon élève : on ne sèche pas!!
Les stages que l'on peut demander : une occasion de passer un mois sans sa classe (triste vérité). On se retrouve autour d'une table, à échanger sur nos pratiques (enfin on peut toujours enjoliver) de classe, un échange souvent bien peu constructif... une thérapie de groupe peut-être !!
Peut-on alors parler de formation?

Et puis on se retrouve démuni, dans sa classe, avec une pression : l'inspecteur (qui subit lui même des pressions) il n'est pas là pour aider mais pour tenir ses troupes : pas de vague merci !!
Et une autre pression : le parents !! Il faut faire ses preuves !! Pourquoi ne donnez vous pas de devoirs le soir ??? Heureusement j'ai l'argumentation qui suit, mais si on manque de répondant ? Les parents sont aussi perdus face à ces enseignants "qui ne font pas comme avant" !! Car OUI il y en a !! Heureusement certains ne veulent pas entrer dans le moule, osent dire que l'école à deux ans c'est trop tôt. Qu'un enfant a besoin de temps, temps qui n'est pas le même que le nôtre (non on n'apprend pas à lire en CP, ou sinon on apprend à déchiffrer.. sans intérêt, ce n'est pas de la lecture !!!) Que malheureusement l'école n'est pas faite pour tous, loin de là ! Elle est faite pour reproduire la société, par classe. Malgré tous les beaux discours, on ne donne pas sa chance à chacun, on se cache derrière une maladie ou une autre : dyslexie, disphasie... mais la faute n'est à personne. Surtout pas à notre société.
Tout le monde est rassuré : "je n'était pas très doué à l'école, c'est la faute de l'instit, bof c'est un manuel, il fait des cahiers de vacances ça l'aide etc..." Chacun se débrouille, fait à sa sauce...

Bien triste cette école, "cette école" ? Non, c'est un morceau de l'école, parce que oui il y a des enseignants blasés, certains qui laisseront un enfant (diagnostiqué précoce : ça fait peur) toute la journée debout au bureau pour "qu'il se concentre", d'autres qui leur donneront plein de devoirs le soir (eux ils bossent ;-) ) et puis il y en d'autres, beaucoup d'autres, qui sont humains, aiment leur métier, pensent aux enfants, interdisent les devoirs le soir, ne crient pas, ne s'énervent pas (prennent sur eux!!), expliquent, discutent, échangent, finissent la journée fatigués mais contents d'eux, satisfaits malgré les remises en cause continuelles !!
Mais c'est aussi pour ces enseignants qu'il ne faut pas se décourager et essayer de vraiment faire bouger les choses !
L'école est plus qu'utile, c'est la base de notre société, et elle a de nombreux rôles, parfois vitaux. Ils ne faut pas qu'elle se referme sur elle-même, mais c'est à tous de la re-créer.

Dans l'histoire se sont les enfants qui sont au milieu, j'ai envie de dire : comme toujours!!

Désolée, j'ai été longue et peut-être peu claire, mais il y a tant de choses à dire, ou à crier! Etre au centre de tout cela rend la chose encore plus terrible!

Merci de m'avoir lue !!

Lisa