maternage.free.fr
Editorial n° 7
- janvier 2004
De
la maternologie
à l'instinct maternel... Le 23 octobre, France 2 a diffusé dans son émission "Envoyé spécial" un reportage sur un service hospitalier unique en son genre : l'unité de maternologie de l'hôpital Charcot. Dans ce service où l'on traite les "accidents de maternité", une dizaine de femmes sont prises en charge de quelques jours à plusieurs mois. Elle viennent là de leur plein gré car leur rendez-vous avec le bébé s'est mal passé, plus ou moins vite après sa naissance. Comme près d'une maman sur dix, elles ressentent douleur, frustrations et difficultés à exercer leur nouveau rôle avec ce bébé. Le
décryptage des difficultés, différentes pour chaque
mère, est fait par une équipe pluridisciplinaire en visionnant
un enregistrement vidéo. Au départ, 13 ans en arrière,
toutes les interactions mères-enfants été filmées,
mais ils se sont vite aperçus que les séquences de nourrissage
à elles seules, révélaient toutes les clés...
En effet, selon Jean-Marie Delassus, le chef de ce service, l'allaitement
-qu'il soit au sein ou au biberon, peu importe le lait- est "le
moment le plus révélateur du lien mère-enfant en
étant révélateur de la capacité du don,
don au sens profond : se donner l'un à l'autre"... |
Pourtant, le bébé est programmé pour vouloir sa mère. Son instinct à lui, la réclame. Il la veut pour se nourrir parce que c'est le meilleur moyen qu'a trouvé la Nature pour ne pas séparer ces deux-làs. Totalement inachevé à sa naissance et encore de longs mois durant, le bébé a besoin de sa mère tout autant pour son lait que pour ses bras, son regard, son balancement, sa chaleur, sa protection, son soutien pour un développement psycho-moteur et une structuration mentale et psychique optimaux. Mais
le bébé veut aussi sa mère pour la construire.
En l'obligeant à être disponible pour lui, à son
écoute permanente, cherchant à interpréter ses
signaux que l'on sait très structurés, à répondre
à ses besoins, à maintenir la symbiose commencée
pendant la grossesse grâce au lien physiologique et psychique
puissant qu'est celui de l'allaitement au sein ; l'enfant "fait"
sa mère. Quand il ressent (parfaitement bien) qu'elle va mal,
il se manifeste comme il peut pour "forcer la relation"
afin de guérir sa mère. Finalement,
dans cette unité de maternologie on cherche à guérir
la mère séparément de son bébé
à l'aide de médicaments et d'entretiens quotidiens avec
des thérapeutes, tout en mettant à distance son premier
et meilleur thérapeute qu'est son bébé. N'est-ce
pas lui qui a révélé le problème à
l'entourage et à sa mère, par son comportement et ses
somatisations ? |
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En
décembre, sur le plateau de l'émission Psychologies
sur France 5, Boris Cyrulnik nous dit que l'instinct maternel
ne veut plus dire grand chose pour les êtres humains. Qu'à
peine né nous réfléchissons, nous construisons
de la pensée, nous devenons humains en baignant dans la culture.
Mais plus loin, il dit aussi que c'est différent lorsque des
hormones sont en jeu. Jean-Marie Delassus, quand à lui -dans le sujet sur la maternologie-, refuse que l'on parle d'instinct maternel. Ce mot dangereux coincerait les mères dans une identité anormale (si l'instinct existe, pourquoi est-ce-que je ne ressens pas d'élan pour ce bébé ?) et les priverait d'espoir (on ne peut soigner le défaut d'instinct). Michel Odent nous dit lui, qu'en se privant du cocktail d'hormones naturellement en jeu lors d'une maternité naturelle (durant la grossesse, la naissance et l'allaitement) on se prive de ce que la nature a développé tout au long des millénaires pour nous permettre d'assurer la saine reproduction de l'espèce. Alors, va-t-on continuer encore longtemps à ignorer que l'instinct maternel est directement lié à la présence des hormones physiologiques mises en jeu lors d'une maternité naturelle ? Cela a été vérifié chez toutes sortes de mammifères, y compris chez nos cousins les grands singes, mais on persiste à nier que cela puisse compter pour l'espèce humaine. |
Pour
devenir mère, c'est comme pour tout autre apprentissage, il faut
"s'y coller" ! La nature a tout prévu, laissons-là
faire. Et n'oublions pas que si nos arrières-grands-mères et nos grands-mères n'ont pas aimé être mères, ce qui nous a amenés au féminisme à la française ; c'est parce qu'on a cassé leurs élans, en les culpabilisant sans cesse de suivre leur instinct maternel ; maintenir le bébé dans un état d'hygiène parfait, "régler" l'enfant, le maîtriser, prévalaient alors. Retrouvons la joie de materner en s'y laissant aller, la joie d'être dans le don de soi, pour l'épanouissement des mères, des pères et de leurs enfants. Emmanuelle Blin |
Réactions d'internautes |
Comme c'est beau ce que tu écris, Emmanuelle, et tellement vrai! Sans partir de cas aussi graves que ceux traités par l'unité de maternologie, combien de "baby-blues" pourrait-on éviter ou tout au moins limiter à quelques jours en laissant les mamans suivre leurs instincts ? Je me souviens, lors de la naissance de ma fille aînée (il y a 12 ans déjà !), avoir voulu l'allaiter. Ce que j'ai fait, malgré les pesées avant et après tétée imposées à la maternité et les compléments quand elle n'avait pas pris assez. Ma mère était venue me rendre visite et me demandait ce que je ressentais d'avoir ma fille au sein. Je ne trouvais pas les mots pour le dire, si ce n'est que c'était extraordinaire et ma mère m'a dit "Oui, c'est jouissif!". C'est exactement cela que je ressentais sans oser le dire aussi "crûment". Je me souviens du début de ma dépression psot-partum qui a commencé avec l'introduction des biberons pour préparer la reprise du travail. Dépression qui a duré longtemps et s'est trouvée ravivée lors des passages au biberon des enfants suivants pour la reprise du travail... Et puis, quelques années plus tard, j'ai divorcé, j'ai trouvé un nouveau compagnon qui a eu envie d'avoir des enfants avec moi parce que lui n'était pas encore père et qu'en me voyant m'occuper des 3 autres, il me trouvait parfaite. Enceinte, j'ai découvert le réseau des marraines d'allaitement maternel, puis la Leche League et Lactaliste et j'ai découvert une autre manière de vivre la maternité et l'allaitement. Je me suis "autorisée" à suivre ce que je ressentais pour materner et allaiter Lison, elle a dormi avec nous pendant 2 ans pour notre plus grand bonheur, n'a pas été sevrée du sein de sa mère à la reprise du travail (malgré ma mère qui d'allaitement jouissif était passée à esclavage à cause de la durée et de mes yeux cernés, sans prendre en compte mon épanouissement et celui de notre fille). Grand bien m'en a fait, pas de dépression post-partum à l'horizon! Des coups de fatigue ou de blues, oui, comme toute mère de 4 enfants qui doit en plus assumer un travail à plein temps... Aujourd'hui, ça fait 6 semaines que Léo a rejoint la tribu, avec une naissance sans péridurale, sans hormones synthétiques et ça aussi c'est un grand moment. Je me sens désormais "complète", entièrement femme, en accord avec mon corps! Lison et lui sont co-allaités... Axelle, maman de Chloé (24-09-91), Claire (29-03-94), Camille
(30-09-96), Lison (24-10-01) et Léo (11-12-03) co-allaités,
Boulay, 57 |
Merci pour ce très bel édito...il tombe
à point pour me remonter le moral. Pour la première fois
en trois mois, je m'interroge sur notre choix de pratiquer le cododo...bb
tête plus la nuit actuellement, et je suis un peu fatiguée...mais
tu me confortes, et je sens bien que je suis "dans le vrai",
bébé va bien, notre relation s'est instaurée si
joliement...les réactions des mamans sont également fort
intéressantes, bravo ! Hélène, maman de Léonie, 5 ans et demi, allaitée trois mois et d'Augustin, 3 mois, allaité. |
Je viens régulièrement parcourir votre site
et j'y ai trouvé notamment des informations sur la dépression
du post- partum à un moment de ma vie où il était
important pour moi d'avoir un maximum de renseignements à ce
sujet. Je poursuis certainement le même but que vous en témoignant de la difficulté maternelle, comme vous je refuse que lon cherche à sinterposer entre moi et mon enfant, comme vous je refuse toute mainmise sur ma façon dêtre mère et si contrairement à vous qui ne parlez que du bonheur dêtre mère, je parle de lenvers de la maternité cest bien pour quau final nous puissions être aidées quand nous narrivons pas à être en harmonie avec notre enfant. Alors sous prétexte de ne pas avoir vu lombre dun
sein, dun cododo ou dun portage, sous prétexte que
là bas on se refuse à parler dinstinct maternel
ou dhormones qui assuraient à chaque mère lautomaticité
de sa maternité, vous balayez dun revers de main, une unité
de soin pour femmes en détresse (sachez là bas que lon
reçoit des mères victime de psychose puerpérale
ne voulant pas les faire passer par la case psychiatrie). Allez vous leur prescrire systématiquement une ordonnance de
maternage intensif ou un patch de ces fameuses hormones prouvant lexistence
dun instinct maternel et que lon a trouvé chez les
souris, pour aimer leur enfant ? Quelle tristesse pour moi et ces femmes qui sont venues témoigner
de leur douleur, de voir que vous n'avez retenu que l'absence de mamans
donnant le sein, auraient-elles été plus crédibles
que nous dans leur souffrance de mère ? Je ne comprends pas ce jugement venant dun site qui a le souci
de défendre les mères et la maternité. Cordialement. Beauvois Temple Nadège |
Moi je vous trouve un petit peu trop intégristes
à mon goût. Personnellement si j'avais pu, j'aurais préféré
être dans une unité de Maternologie plutôt qu'en
hôpital psy. Eh oui, car j'ai fini par y atterrir tellement j'étais
malade...Bien sûr que je voulais allaiter mon bébé,
mais je prenais des médicaments, donc que faire ? Ne pas prendre
les médicaments et et laisser la dépression m'emporter
? Allaiter malgré les médicaments ? |
Cela fait un certain temps que je connais le site "Maternage" (que je connais pour avoir fréquenté la Lactaliste, et fréquenter encore la LPC et la LN) que je lis les éditoriaux, parcours les articles, etc. Ce matin, j'ai découvert le dernier éditorial au sujet de l'émission portant sur le service de maternologie de Jean-Marie Delassus. Alors que votre site m'avait toujours semblé respectueux de chacun(e), j'ai été très mal à l'aise par le contenu et la forme de cet éditorial. Le paragraphe suivant m'a fortement heurtée : "Evidemment, dans le sujet présenté, les mères biberonnent toutes... Et si l'allaitement avait pu préexister à l'entrée du service de maternologie, il y serait mis à mal puisqu'ici les mères et les enfants sont obligatoirement séparés durant la nuit ; le bébé étant pris en charge par une infirmière qui le nourrit au biberon, pendant que sa mère récupère en dormant à l'aide de pillules." Il est tout à fait faux de dire que mères et enfants sont obligatoirement séparés. Rien n'est obligatoire dans ce service, sinon le "laisser agir". Certains mères demandent sans doute la séparation pour la nuit, d'autre pas. Aucun jugement n'est porté sur leur décision, me semble-t-il. Je prends le risque de rétablir cette "vérité" bien que n'ayant jamais séjourné dans ce centre mais je sais ne pas mentir, connaissant une maman y ayant séjourné de longs mois et y ayant trouvé assez de soutien et d'autonomie pour se reconstruire comme mère. Les derniers paragraphes qui s'achèvent sur cette phrase "Ce faisant, n'est-on pas aussi en train de décaler le problème à la génération suivante", qui sonne plus comme une sentence que comme une conclusion, me semblent vraiment très réducteurs de ce qu'est la difficulté maternelle et l'accompagnement proposé par le service de maternologie. N'est-ce pas justement parce que ce service existe et que des mères y trouvent le soutien nécessaire pour aller au bout de leur difficulté maternelle que cette difficulté peut enfin prendre fin et ne plus se répercuter aux générations suivantes ? Et si on cessait de croire que, sous prétexte que l'instinct maternel est en chacune de nous, que nous sommes des mammifères et avons en nous toutes les clés d'un maternage "naturel" avec tout ce que cela comporte comme non-interventionnisme (du monde médical, des artifices divers tels que le biberon, etc.), si on cessait de croire, disais-je, qu'il est évident pour toutes de vivre ce maternage-là ? Personnellement, je ne remets pas du tout en cause ceci : "Alors, va-t-on continuer encore longtemps à ignorer que l'instinct maternel est directement lié à la présence des hormones physiologiques mises en jeu lors d'une maternité naturelle ? " Je ne nie en aucune façon le rôle crucial de ces hormones. Oserais-je même préciser que je le vis chaque jour depuis la naissance de ma fille. Je sens du fond de mes tripes qu'allaiter et pratiquer le co-dodo a contribué (et continue de le faire) à exprimer ce que d'aucun appelle l'instinct maternel. Cependant, toutes les mères ne vivent pas dans un contexte familial, social, émotionnel, "générationnel" (en cela j'inclus leur passé familial et leur éducation) et psychologique favorable à l'épanouissement de ce que je préfère appeler l'évidence maternelle. Alors, dire que pour devenir mère, il faut s'y "coller" !!! Le jeu de mot était facile mais il ne doit pas nous faire perdre de vue que, dans la réalité, les choses sont moins simples, non ? Pour terminer, je pointerai la conclusion de l'éditorial : "Retrouvons la joie de materner en s'y laissant aller, la joie d'être dans le don de soi, pour l'épanouissement des mères, des pères et de leurs enfants." ... "en s'y laissant aller" ... oui, c'est bien à cela aussi que sert le service de maternologie en "laissant agir" ce qui doit agir, même si ce n'est pas ce fichu instinct maternel ! Merci d'avoir pris le temps de lire ma réaction. Il me semblait essentiel de ne pas rester silencieuse face à ce que je vis comme une injustice et comme une forme d'intégrisme maternel. Je suis une maman qui allaite, qui porte en écharpe, qui co-dodote mais j'espère ne jamais oublier que ce qui est une évidence pour moi ne l'est pas forcément pour les autres. Néanmoins, et je terminerai par cette note plus sympathique, merci et félicitations pour ce site dans lequel je me retrouve et je me sens bien (d'où la nécessité pour moi de réagir quand un sujet me heurte). Je tâcherai de réagir également positivement à d'autres éditoriaux que je ne manque jamais de lire ;-) Claire Dupont |
Comme je suis d'accord avec toi. |