maternage.free.fr

Editorial n° 4 - juillet 2003

Laissez nous vivre nos enfantements...

La maternité française est en crise, comme l'a souligné le rapport du dernier collège national des gynécologues obstétriciens français, dans l'indifférence des pouvoirs publics, obligeant les chefs de service de nombreuses maternités à menacer de se mettre grève à la fin de l'hiver dernier.
En effet, la politique de fermeture des petites maternités mise en place il y a deux décennies, dans le but de récupérer des places pour faire face au vieillissement de la population, a abouti à la surcharge des grosses maternités. Celles-ci sont devenues de véritables "usines à bébés" où des professionnels en nombre insuffisant accouchent à la chaîne des femmes qu'ils n'ont généralement pas suivies. A cette pénurie de gynécologues obstétriciens, organisée de longue date par le numerus clausus, s'ajoute l'effet de la mise en place des 35 heures dans les services hospitaliers conjugué à celui de la forte reprise de la natalité dans notre pays. Enfin, la judiciarisation du secteur médical a encore sans doute aggravé la situation en accroissant la peur du risque obstétrical, qui amène les médecins à se retrancher derrière toujours plus de technologie.

En France, nous pratiquons 18 % de césariennes, contre des chiffres inférieur à 10 % dans les pays du Nord de l'Europe. Nous pratiquons aussi l'épisiotomie dans 72 % des cas lorsque la femme accouche pour la première fois alors que cet acte n'a pas prouvé son efficacité dans ce qu'il est censé éviter. Enfin, selon l'OMS, le monitoring en continu n'a pas -lui non plus- prouvé son efficacité et conduit à des décisions non appropriées comme des césariennes. D'autres informations en page naissance.

Le choix français de l'hypermédicalisation de la naissance est un choix coûteux, puisqu'il mutiplie en les systématisant des actes la plupart du temps inutiles, qui a aggravé la mauvaise situation économique du secteur de santé, tout en ne tenant pas sa promesse d'améliorer les résultats périnataux.
Malgré tous nos progrès technologiques, la France se place encore au 10ème rang européen en matière de mortalité et morbidité périnatale, loin derrière la Suède, le Danemark et les Pays-Bas. Dans ce dernier pays, la grande majorité des accouchements sont accompagnés par des sages-femmes, dont 30 % se déroulent à domicile ; et c'est pourtant ce même pays qui affiche les taux de prématurité, de césarienne et de mortalité maternelle les plus bas...

Etre enceinte n'est pas une maladie. Il est donc inutile d'hypermédicaliser systématiquement toutes les grossesses et toutes les naissances comme cela est fait dans les grosses maternités où il nous est dorénavant imposé d'accoucher, la moitié des lieux de naissance ayant déjà disparus.
Il est possible de concilier les progrès de l'hygiène et de la connaissance des phénomènes qui se déroulent pendant la grossesse et la naissance, dont on dispose aujourd'hui, avec l'humanité que requiert un tel instant, si précieux et si rare... Donner la vie est un acte totalement naturel et physiologique, auquel les sages-femmes sont bien mieux formées, tout particulièrement en France, avec leurs 4 500 heures de cours sur la physiologie de la grossesse et de la naissance, que n'importe quel médecin.
Désormais on sait parfaitement détecter les problèmes maternels de bassin, de placenta praevia, de toxémie et autres, comme les problèmes foetaux, qui étaient responsables ensemble du taux de mortalité foetale et/ou maternelle jusqu'au temps de nos grands-mères. On oriente alors ces femmes vers la technologie médicale qui leur permettra de survivre à la naissance d'un enfant qui survivra aussi, dans des degrés de chance qui varient avec sa prématurité éventuelle.

Mais pour les autres femmes, les 85 à 90 % de femmes qui n'ont aucun problème durant leur grossesse, le respect complet de la physiologie amène à un bon déroulement de l'accouchement qui est alors vécu comme une véritable aventure, comme le racontent avec bonheur certains témoignages sur ce site. Accoucher est alors l'aboutissement normal d'une grossesse qui n'a nécessité qu'un accompagnement global -tout au long de la grossesse et tout au long de l'accouchement. Ainsi peut s'établir avec la sage-femme une relation de confiance très rassurante pour la femme enceinte qui se sens véritablement accompagnée sur le chemin d'une naissance qu'elle se prépare néanmoins à affronter, sur le plan physiologique comme sur le plan psychique.

D'autres pays l'ont compris et développent une politique radicalement différente de la nôtre, avec les maisons de naissance. Mais la France traîne les pieds, et malgré de belles déclarations politiques, les projets montés ici ou là ne parviennent pas à exister légalement...

La technologie médicale permet certes aujourd'hui d'extraire chirurgicalement, sans difficultés la plupart du temps, et en moins de 30 minutes au total, un foetus viable du corps de sa mère, s'il s'avère que celle-ci ne peut pas accoucher par les voies naturelles.
Mais doit-on pour autant désirer cela pour toutes les femmes, comme le préconisent certains obstétriciens, qui n'y voient qu'un confort accru ?

Cette technologie ne permet à aucun moment à la mère d'accoucher de son enfant et donc, sans doute partiellement au moins, cela ne lui permet pas non plus d'enfanter correctement de sa maternité, ou maternitude, sur un plan plus psychique...
Les femmes cherchent autre chose. Elles veulent un meilleur accompagnement de la naissance, comme le montrent les entretiens menés par le Dr Naiditch avec des sociologues. Le rôle du psychisme dans l'enfantement et le devenir-mère est essentiel (lisez ou relisez "Le mystère des mères" de Catherine Bergeret-Amselek ) et il est malheureusement trop évacué dans les grandes maternités. Cet aspect n'y est pas traité tout au long de la grossesse par une même personne qui prends le temps d'écouter la femme raconter ses peurs et angoisses et ne la considère pas uniquement comme un corps à surveiller de près par de nombreux examens le plus souvent inutiles, toujours stressants et parfois néfastes.

L'augmentation des dépressions du post-partum en est probablement une des tristes conséquences, parmi d'autres, comme la survenue de plus en plus fréquente de difficultés psychologiques infantiles, maternelles et parentales, qu'il serait temps de prendre en compte en commençant par réhumaniser d'urgence l'entrée dans la vie.

Emmanuelle Blin

Lisez le plaidoyer pour les petites maternités en forme de poème, de Denise Massat.

Réactions d'internautes

Ton éditorial m'a fait revivre un sale moment de ma vie. Peut être le seul moment où j'ai été réellement impuissante face à des gens qui me faisaient du mal.
Bien sur, la naissance s'est bien "deroulée", tout le monde allait bien, et la mère et l'enfant, la sage femme et le médecin se sont félicités chaleureusement à la fin...
Mais cela reste un évènement difficile pour moi.

Le travail se déroulait plutot bien tranquillement à la maison, je gérais les contractions douloureuses dans la maison silencieuse. L'arrivée à la maternité (une enorme usine à bébés) a bouleversé tout cela...
Une sage femme m'a installée directement en salle de travail (grande salle d'op, très blanche et très impressionnante) sur le lit, monitorée en permanence.
Là bien sûr, confiante, je cherche de nouvelles positions pour supporter les douleurs mais quand elle revient (elle ou une autre...c'etait un roulement constant), elle me sermonne que le monitiring a bougé et qu'elle ne voit plus rien, qu'il faut que je me mette sur le dos sans bouger car "si vous bougez, votre enfant peut mourir car je vois plus rien au monitoring"...
Cette phrase me revient sans cesse en tête quand j'y repense car cela a été pour moi le début de la fin. La peur est devenue incontrolable, les contractions sont devenus ingérables et très douloureuses et le travail n'avançait plus...
Normal me direz vous, maintenant que je sais que bloquée sur le dos avec ma peur et ma douleur, je n'aidais plus du tout mon enfant.
La suite logique s'est enchainée : percage de la poche des eaux (très douloureux ), perfusion d'ocytocine pour "aider" le travail (qui m'a fait hurler pour avoir l'anesthésiste...), péridurale massive, perte totale des sensations, imposibilité de pousser, épisiotomie et sage femme pratiquement allongée sur mon ventre pour pousser le bébé...
Bien sûr, je n'ai eu mon bébé sur le ventre que 5 secondes (et même pas en peau à peau) et ils l'ont amené dans un endroit juste assez loin pour que je ne le vois pas mais assez près pour que j'entende ses cris...
Lorsqu'ils me l'ont ramené dans un berceau en plastique, je ne l'ai pas reconnu. Bien propre avec des petits habits, on aurait dit un enfant différent de celui qui avait planté durant 5 longues secondes son regard dans le mien. Et bien sûr, il etait posé bien trop loin de moi pour que je l'attrape seule ou même que je le vois bien, engourdie par la péeridurale et incapable de me lever...
Heureusement, mon ami me l'a mis rapidement dans les bras.

Je me souviens encore de mon médecin qui m'a dit lorsqu'il m'a vu pleurer de douleur durant le travail : " Et oui ! Cela fait mal d'accoucher !", d'un ton paternaliste et d'aller féliciter la sage femme pour la perf d'ocytocine qui " accélère"...

Ce n'est que beaucoup plus tard que j'ai pu remettre les évènements bout à bout pour deviner ce qui s'était produit, et réaliser que j'avais remercié tous ces gens malgré le mal qu'ils m'avaient fait, en brave fille que je suis...

Je suis heureuse de pouvoir te le raconter maintenant, car c'est un sujet que je ne peut aborder avec personne car " le bébé va bien et tu as eu la péridurale, non??"

J'ai été infantilisée, observée, touchée, mal traitée, rasée et attachée "pour mon bien "...

Bien sûr, l'enfant va bien...Mais je ne sais même pas ce qu'ils lui ont fait dans cette pièce lointaine pour qu'il revienne si endormi, lui qui était parfaitement réveillé à sa sortie. Bien sûr, l'allaitement renoue des liens et les solidifie jours après jours.

Mais à l'heure de faire un second enfant, je doute et je m'interroge sur les autres options qu'il me reste. L'accouchement à la maison reste mon grand rêve mais il va être très difficile à réaliser : la seule sage femme à le pratiquer est à 100 km de chez moi et elle n'accepte pas tout le monde. Et surtout mon ami est résolument hostile à cette idée (sans parler de la famille et des amis). Personne ne comprend mon désir et mon envie de faire autrement car "ce n'est pas si terrible et vous êtes vivants tous les deux !"

Alors, je me renseigne sur l'accouchement naturel, j'engrange le maximum d'informations pour faire face le moment venu quand les hostilités seront declarées entre mon conjoint et moi (mais j'ai l'habitude de me battre pour mon enfant : il est contre l'allaitement de plus de 3 mois et notre fils de 2 ans 1/2 n'est pas sevré, il est pour une éducation stricte et on ne lui a jamais donné une tape ou une claque...!!)

Je rêve pour mon prochain enfant d'une naissance silencieuse dans la pénombre où on ne l'arrachera pas à son cocon dès la premiere inspiration pour lui faire je ne sais quel examen.

Je veux (et j'ai besoin) d'un deuxième accouchement où je ne serais pas humiliée, infantilisée et manipulée, où je pourrais me prouver à moi même que je suis une femme qui peut donner la vie.

Aurore

Sur ce site, on peut y lire toutes les vérités, qui ne sont pas dites ou écrites ailleurs, un petit peu comme un pavé lancé dans la mare sans avoir peur des éclaboussures. Je pense par exemple au témoignage d'une maman : "naissance médicalisée : le viol du 20ème siècle".

Avec beaucoup moins d'expérience, j'ai vraiment ressenti ces émotions à la lecture de ce témoignage. J'ai vraiment l'impression que l'entourage souhaite s'approprier notre corps, notre grossesse voire ce bébé qui est en nous. Et en bonne petite fille obéissante, nous nous laissons faire. Cependant, je pense vraiment que petit à petit les femmes vont se prendre en mains et croire en leurs capacités.

Pourquoi n'arrivons nous pas à accoucher sans tout l'attirail médical, pourquoi tant de femmes n'allaitent pas ou si peu ? Parce qu'on leur à fait croire qu'elles n'étaient pas capables et elles y ont cru. On nous a amputées dans nos capacités parce qu'on a cru au soutien de ces mêmes personnes. Finalement, le vrai soutien ce sont ces femmes qui apportent leurs témoignages de grossesse, d'accouchement et d'allaitement épanouis, réussis comme on peut en lire sur ce site et même en rencontrer grâce à des associations.

Je suis très confiante en l'avenir, en s'épaulant, en allant ensemble dans le même sens, les femmes réussiront à protéger et propager le bien-être. Une maman heureuse d'être maman