Récit de la naissance à domicile de Louise : "Quelle tornade !"

Depuis plusieurs jours, de plus en plus intensément, je sens que mon corps se prépare. Cela fait plusieurs nuits que je suis réveillée par des contractions assez intenses mais comme je ne veux pas aller à l’hôpital trop vite, je ne m’affole pas et j’attends. Et puis certainement que si j’allais à l’hôpital, on constaterait une certaine dilatation et des contractions et on me garderait et on interviendrait car ces contractions s’arrêtent d’elles mêmes au bout de deux heures environ. Je préfère attendre et ne pas savoir jusqu’au moment ou ce sera sûr. Depuis trois jours, quand je marche le soir je ressens une sensation bizarre dans la fesse droite surtout, comme si mes os s’écartaient et je sens nettement bébé qui appuie avec sa tête comme pour chercher la sortie.

Lundi, séance de Yoga très forte sur le plan physique : on visualise l’ouverture, on prend des postures qui ouvrent… La prof sait que je suis à terme et elle me pousse un peu. Et psychologiquement, elle nous met deux par deux face à face pour raconter par le corps notre grossesse… Je refais le bilan de ces mois d’attente et la femme qui me regarde me dit qu’elle a ressenti beaucoup de dynamisme et de joie dans ce que j’ai fait. C’est vrai que je suis heureuse d’être arrivée au bout et impatiente de découvrir mon bébé.

Mardi, piscine, là aussi travail de respiration, de visualisation et détente.

Mes parents arrivent Mardi soir. On se dit que si bébé arrive, on pourra leur amener Gabriel dans le camping car pour le reste de la nuit.

Mardi Minuit, impossible de dormir, je suis toute excitée. Alors comme nous sommes en plein déménagement, je range, je fais des cartons. Je décide quand même d’aller me coucher car je ne veux pas non plus m’épuiser. Dur de s’endormir mais j’y arrive.

3h07 : une contraction. Ouh, c’est fort, ça tire, je respire fort par le ventre. Elle dure assez longtemps. J’ai envie que cela soit le début et en même temps, je dors et je n’ai pas envie d’avoir mal. Bon j’attends la suivante. Je sais qu’elle va venir.

3h23 : la voilà. Je me dis qu’elle est assez loin de la première, que j’ai encore le temps. Mais je ne peux plus attendre dans mon lit. Je me lève en me disant que je vais attendre encore une heure avant de réveiller Guillaume, le temps de bien prendre mon rythme et de bien me mettre dans ma bulle.

Je ne sais pas si c’est le fait de me mettre debout mais à partir de cet instant c’est un cyclone qui me traverse. Très vite je réveille Guillaume. Il me rejoint dans le salon, je suis à genoux et je lui dis que ce n’est pas possible, j’ai trop mal, je ne tiendrais jamais (je ne sais pas encore que ça va aller si vite). Je tremble de tout mon corps. Guillaume est génial, il me murmure tout prêt des paroles rassurantes. Cela me fait un bien fou de sentir son contact.

Il va ensuite réveiller Gabriel pour l’emmener " chez " papy-mamie. Un dernier bisou à mon grand que j’aime de tout mon cœur. Je sais que je ne le retrouverai pas pareil, il sera le grand frère.

Pendant ce temps je tourne autour de la table du salon en criant sur chaque contraction. Après celle là, je bois un peu… impossible une autre arrive juste derrière. Après celle là je mange un fruit sec, il faut que je tienne. Impossible. Bon, il faut que je prenne une douche maintenant avant d’aller à l’hôpital car après je vais avoir de plus en plus mal et je ne pourrais plus. Je parviens sous la douche. Hum l’eau chaude sur le ventre… Mais je ne peux rester. Je ne suis bien nulle part. Je sors et me sèche. Je me regarde dans le miroir en mettant les mains sur mon ventre et je crie " oui, oui, viens mon bébé, viens ".

J’entends un bruit de claquement et splasch par terre. Je cours dans la chambre et me mets à quatre pattes. Guillaume est de retour : "habille toi, on y va je vais rapprocher la voiture". Il m’enfile ma robe comme il peut. Je lui dis "on n’aura pas le temps, je me sens bien, on reste là, ça va bien se passer. Laisse moi le faire ici". "Non, non, je rapproche la voiture". Il repart.

A chaque contraction, je plonge la tête en avant et je rugis de tout mon ventre. Oh ça pousse. Je mets les doigts dans mon vagin et sens la petite tête. Combien de temps me reste-t-il ? ? ?

Guillaume revient : "Allez on y va ". Moi : " Non, il est là, il est là ". Je suis toujours à quatre pattes et les fesses en l’air. Une poussée, hum c’est bon, la tête sort. Guillaume la tient. Une seconde poussée, le reste du corps sort dans les mains de son papa. Ouf, il pleure. Je me retourne, Guillaume me tend le bébé et comme il a le cordon entre les jambes, je crois que c’est un garçon mais en y regardant de plus près on voit que c’est une fille. Je la prends tout de suite dans mes bras. Nous sommes toute nues toutes les deux (j’ai viré la robe). Je perds beaucoup de sang et nous sommes sur la moquette de la chambre… Je migre dans la baignoire. On met une serviette sur Louise pour ne pas qu’elle ait froid.

Elle est née à 3h58… Quelle tornade. Je me sens si bien. On profite…

On appelle V, l’accompagnatrice à la naissance qui m’a beaucoup aidée pendant la grossesse mais qui se trouve à Lyon. Nous sommes tous très émus. On parle très peu mais elle est là… C’est tellement beau. Elle vit en direct la première tétée de Louise. Nous rassure. Je repense à ce qu’elle m’avait dit une fois : "On consent à faire naître ses enfants". Maintenant je comprends : être avec son bébé, le sentir et le laisser faire son chemin . C’est tellement beau.

Guillaume appelle la maternité et on lui explique comment couper le cordon. Le placenta sort et on le récupère.

Pendant que Guillaume essuie un peu Louise, je me lave aussi.

Nous allons à la maternité. La sage-femme est géniale, elle nous félicite et nous dis que nous venons de vivre un moment merveilleux. Elle voit tout de suite que Louise va bien. Nous demande ce que l’on veut (elle est au courant de notre projet). Donc on lui soigne le cordon, la pèse (3kg 330) et mesure (49cm) et c’est tout. Elle nous dit ensuite que comme elle est née à la maison nous pouvons choisir de rentrer ou de rester (quel monde aberrant !). Je n’en reviens pas, moi qui étais venue à l’hôpital pour rassurer Guillaume (et moi aussi d’ailleurs) mais avec la crainte de ce qu’ils allaient nous faire. Bien sûr, je choisis de rentrer. Elle m’examine : juste une éraillure.

Nous rentrons. Quel bonheur ! ! !

Vers 9h00, Gabriel découvre sa nouvelle petite sœur. Il découvre qu’elle a des mains, des pieds… Il lui fait un bisou. C’est très émouvant.

Ma fille m’a fait le plus beau cadeau de ma vie. Elle est géniale et magnifique. Je vais la pourrir d’amour cette puce !

J’ai envie de me battre pour que toutes les femmes (pour Louise aussi) puissent accoucher librement, dans l’intimité et dans le respect des choix qu’elles font. Le respect et la découverte de leur instinct de mère. Et Guillaume rajoute qu’il y a aussi un instinct de père : protéger et sécuriser les siens, ce qu’il a magnifiquement fait. Je me sens une vraie femelle mammifère maintenant : un croisement de lionne et d’éléphante tiens !

Murielle, Gabriel (14.11.01) et Louise (30.06.04) née à la maison dans les mains de son papa