Je n'y crois pas, ce n'est pas possible, je suis venue pour accoucher NORMALEMENT et non pas pour être découpée…..je veux vivre la descente de mon bibou à travers le col, le bassin…et l'attraper pour l'accueillir dans notre monde…

Ce récit à été écrit 3 semaines après pour la psychologue (de la maternite) qui m'a aidé à éviter de m'enfoncer encore plus profondément dans mon trou.

Après 1 semaine où les faux travails se sont accumulés voilà qu'en ce 14 décembre 2004 à 23h30 après avoir permis mentalement à mon bibou d'arriver, des contractions démarrent alors que la journée avait été très calme à ce niveau là mais beaucoup moins calme au niveau ménage dans la maison…….. Je patiente, je compte : 7 mn / 9mn / 5mn……je me lève du lit et je vais prévenir le papa que se sera peut être pour le 15 décembre mais qu'il a le temps de se reposer……..je prend un spasfon vers 1h00….Rien les contractions sont maintenant toutes les 6mn et totalement douloureuses allongée et presque indolores assise…donc je reste assise.
A 3h00, je téléphone à la mater pour leur demander si je dois me déplacer où non vu que ma dpa était le 3/1/05….elle me pose des questions, me dit d'aller prendre une douche et que si rien n'y fait alors attendre qu'elles soient bien régulières toutes les 5mn……je m'exécute…..douche puis je vais voir un document sur arte….. Il est 3h30 du matin….je me sens bizarre : je sais que je ne rentre pas encore dans le cadre de je dois partir mais je sens qu'un truc ne va pas comme il faut…..je téléphone à ma meilleure amie à Montréal pour lui dire que je file à la mater et je vais réveiller mon hom.
On se prépare tranquillement , je suis très zen malgrè tout et surtout persuadée qu'un truc ne va pas mais qu'à la mater ils vont me prendre pour une dingue d'être venue si tôt ou pour rien et qu'on va rentrer à la maison…… 4h00 : on décolle, il fait –3° dehors tout est gelé, on est un peu excité de se dire que peut être que dans qq heures on va voir la tête de notre fils tout en se disant qu'on se fait une nuit blanche pour rien.
Dans la voiture, les contractions se rapprochent toutes les 3/4mn mais pas trop douloureuses……à chaque contraction le bibou pousse avec ses pieds dans les haut de mon ventre comme s'il prenait appui pour descendre……. 4h30 : on arrive à la maternité, le garde du parking nous souhaite bonne chance et nous félicite par avance, je trouve cela super sympa, on se gare. Mon hom veut prendre les valises, je lui dis que cela ne vaut vraiment pas la peine car à 99% on va nous demander de rentrer à la maison car c'est un faux travail ou qu'on est à 30h de l'accouchement…..donc on rentre aux urgences maternité les mains dans les poches et on voit 2 papas stressés (leurs femmes doivent sûrement accoucher) Arrivés aux urgences, on attent que quelqu'un vienne nous voir au moins 5 à 10 mn….je me dis pour des urgences et ben c'est pas rapide. Mais bon vu mon attitude toujours très zen, personne ne doit trop s'inquiéter…… 4h40 : pipi sur une bandelette, prise de la température et on patiente toujours, la sf n'est pas disponible encore.
Par la suite j'ai appris qu'elle avait 4 femmes en travail est qu'elle était seule. 4h50 : la sf arrive, nous fait entrer dans la salle d'examen, mon homme était un peu dans le brouillard du sommeil et oublie de venir avec moi…..la sf lui demande donc de venir. Elle me demande de m'allonger sur la table d'auscultation, me pose le monito contraction et commence par le toucher du col et me dis col effacé et ouvert à 1cm….donc cela a avancé et me demande où j'habite. Trop loin pour elle, on reste le travail a commencé. Là déjà un soulagement je ne me suis pas déplacée pour rien......Examen suivant : monito pour le coeur du bibou et là tout s'enchaîne à une vitesse affolante, violente, horrible que je ne souhaite à personne et même pas à mon pire ennemi. La SF n'arrive pas à trouver le coeur de p'tit bout. Je lui dis logique il nous a toujours fait le coup il n'aime pas qu'on l'écoute. La sf s'acharne à le trouver, le trouve puis le perd, le retrouve puis le reperd. Moi je reste toujours zen, le futur papa s'est endormi sur la chaise de la salle. 15 mn plus tard on prend la direction de l'echographie, on sait qu'il bouge le monsieur dans mon bidou car je le sens et la sf aussi mais pas de signe régulier de son coeur....là à l'écran on voit son p'tit coeur qui bat mais la sf me dit qu'elle n'arrive pas à l'enregistrer : vérité ou mensonge ? je ne sais pas mais elle appelle l'interne de garde.
Moi je suis toujours zen, pourquoi je ne stress pas ? Je ne sais pas, peut être que j'étais tellement certaine que tout allait bien se passer….que je n'allais pas vivre l'accouchement que ma mère a eu pour moi, ce n'était pas possible, j'avais eu une grossesse difficile en vomissements, reflux, insuffisance veineuse, dorsalgie, paralysies donc je ne pouvait avoir qu'un accouchement de rêve, et puis au dernier examen tout allait bien…. L'interne arrive, je rigole car on l'a réveillé et il a la trace de l'oreiller sur le visage. L'interne regarde, réfléchit me refait passer en salle monito car maintenant on sait où est son coeur......il est dans les 5h15 5h30.....monito en place.......et là boumbadoum mon accouchement tant rêvé, tant souhaité s'envole. Le p'tit coeur de bibou ralenti à 50 pour remonter à 170 et redescendre et remonter.......Pendant que la sf remplit le dossier, l'enregistrement du coeur du bibou continue puis la sf a fini, vient voir, arrête tout et me met en salle de travail, va réveiller le papa (qui s'était endormi dans la salle d'attente).... et là je commence à paniquer un tout petit peu…..je ne suis ouverte qu'à 1 cm et je vais en salle de travail……ils vont donc forcer la nature pour faire avancer le travail plus vite……je ne veux pas car cela veut dire monito en continu, perfusion, péridurale……, j'arrive dans la salle de travail et là on me dit qu'il y a une possibilité de césarienne…je n'y crois pas, ce n'est pas possible, je suis venue pour accoucher NORMALEMENT et non pas pour être découpée…..je veux vivre la descente de mon bibou à travers le col, le bassin…et l'attraper pour l'accueillir dans notre monde…..

Dans la salle de travail qui est toute petite et assez glauque je me dis oulala plusieurs heures ici c'est à se taper la tête contre les murs (pas de fenêtre), mais j'y suis restée grosso modo 1 mn dans mes souvenirs. L'interne appelle le chef obstétricien et on m'amène darre darre en salle d'opération. On me demande de passer sur l'autre lit, on m'écarte les bras, je vois une sf avec une perfusion, une autre avec un épilateur électrique. Qu'est ce qu'il se passe ? Je vais être césarisée ? Pour l'instant j'étais toujours dans l'hypothèse de la césarienne. Je panique, je suis en pleurs, je tremble, je fais une crise de nerf ou d'anxiété je ne sais pas mais plus rien ne va, je dérape mentalement dans le processus de l'accouchement, je ne maîtrise plus rien.
Et puis tout à coup j'hurle : STOP on m'explique ce qui se passe et je crie je veux ALLAITER MON BEBE. Mais l'anesthésiste ne l'entend de cette oreille il faut aller vite……on vient de me sonder avec l'interne qui appui sur mes 2 jambes tellement je tremble, de me raser, de me bétaniser, de me perfuser…..j'ai un masque sur le visage et on ne m'a toujours rien expliqué.
Là une sf comprend que je ne vais pas bien, elle demande qu'on arrête tout et qu'on m'explique, elle prend 10 secondes pour m'expliquer l'urgence : " votre bébé ne va pas bien, son coeur ralenti, il faut le sauver et la seule solution c'est la césarienne, on vous fait une anesthésie générale car on n'a pas le temps de vous faire la prise de sang pour la péridurale". Ok je comprend mais je tremble toujours autant, je dis à l'anesthésiste : "je sais que je dois me calmer mais je n'y arrive pas". On amène le papa, il est en pleurs, me fait un bisous sur le front me dit que tout va bien se passer et refuse l'invitation de rester dans la salle d'opération.
L'oxygène du masque se transforme en pouvoir anesthésiant et là trou noir.
5h56 : notre bibou naît, il n'a pas de prénom, 3kg110 pour 48 cm.

7h00 : moi je me réveille avec mon bébé sur le ventre .......ca y est je suis maman.................. il est là nu avec juste une couche, je n'arrive pas à bien le voir il est tout flou, mais je ressent un bonheur si puissant que j'en suis toute déboussolée : c'est mon bébé, c'est mon fils. Je vois le papa, je vois mon bibou : je suis VIVANTE et le bibou AUSSI......Ce sentiment indescriptible de le voir pour la première fois, lui que j'avais tant imaginé, rêvé, il est là devant moi, ce sentiment je ne l'oublierais jamais………..

AÏE j'ai très mal au ventre j'en peux plus, j'ai l'impression d'être découpée en 2 le haut de mon corps et le bas font 2 et non plus 1, mais je n'ai plus mal au dos et ca c'est du soulagement cela fait 9 mois que je souffrais....mais je veux garder mon bébé oui mais non il faut m'amener en salle de réveil et lui n'est pas invité. OK mais je veux l'allaiter. Salle de réveil : j'ai tellement mal je nen peux plus, qu'est ce qu'il s'est passé pour avoir si mal, oui je me souviens je viens d'être césarisée et je suis maman…..j'ai tellement mal, je n'en peux plus. Une personne du corps médical vient me voir pour la morphine et me demande où je placerais la douleur sur une echelle de 1 à 10, et ben je la place à 9 monsieur, je n'en peux plus…..Première injection de morphine, c'est tout chaud dans mes veines, la douleur reste toujours aussi importante….le monsieur revient quelques minutes plus tard et me repose la même question et je réponds toujours 9……le tout sous mon masque à oxygène…il me remet une dose puis me met la pompe à morphine et m'explique comment ça marche et là je m'en donne à coeur joie dans les injections…. 10h00 : je sors de la salle de réveil après avoir été désondée, nettoyée….. direction ma chambre. Accueil à la maternité superbe par le personnel soignant, on me dit que mon bébé est là à la nurserie et qu'on va me l'amener….ils savent qui je suis par rapport à ce bébé qu'on leur a apporté…..et ça me fait du bien de savoir que je ne suis pas qu'un numéro de dossier…..et mon fils arrive...on fait connaissance, on me le met sur moi, je le sens, le respire, je me dope à l'odeur de mon fils……mais je suis aussi triste que le papa ne soit pas là. Une sf arrive, on parle toutes les 2 de ce qui se passe et comprend très vite qu'il me faut mon mari à mes côtés, elle va lui téléphoner pour qu'il vienne……Il arrive, il est là, le bébé aussi, la douleur est estompée par la morphine……je suis HEUREUSE.

On parle tous les 2 avec mon mari de ce qui s'est passé, les larmes sont aux bords de nos yeux respectifs, il me dit avoir eu la peur de sa vie de me perdre…..il me dit quand tu le souhaiteras je t'expliquerais les premières heures de ton fils auquel va falloir trouver un prénom….Pourquoi on ne lui donne pas de prénom ? On a peur qu'il meure ? On n'arrive pas à se dire qu'il est là ? Je ne sais toujours pas mais son prénom on ne lui a donné qu'à 18h30 et jusque là pour le personnel c'était Garçon D. Cette césarienne je n'ai pu la voir que par inadvertance quelques jours plus tard car je suis tombée nez à nez avec elle, j'ai mis 15 jours pour la regarder dans une glace de façon spontanée. Cette cicatrice de plusieurs centimètres de long qui traverse le bas de mon ventre comme une frontière entre le haut et le bas, entre le avant et le après de cette nuit du 15/12/04, sera toujours là comme une preuve de ce qui s'est passé. J'arrive 21 jours plus tard à la toucher et à la nettoyer sans avoir peur sans essayer de ne pas y penser pour éviter de souffrir. Mais mon mari ne peux toujours pas toucher mon ventre et encore moins cette cicatrice même s'il elle est très belle. Mais je sais que sans lui je n'arriverais pas à m'accepter dans ce nouveau corps qui pour moi n'est toujours pas le mien……

Du temps doit passer, l'acceptation de ce qui s'est passé doit se réaliser et le deuil de l'accouchement tel que je l'aurai souhaité doit aussi se faire…combien de temps cela mettra – t-il ? Je ne sais pas, nous ne savons pas…….Le fait de voir mon fils ne me permet pas non plus d'oublier, à l'inverse de mon mari qui en me voyant vivante ainsi que son fils lui facilite l'acceptation. Ce n'est pas mon cas…alors je parle, j'explique, j'essaye de rattacher tous les morceaux de cette histoire les uns avec les autres, j'essaye de comprendre ce qui s'est passé. Au cours de mon hospitalisation, j'ai eu la chance de rencontrer du personnel qui était présent lors de ma césarienne et cela m'a permis de mieux comprendre certaines choses notamemnt certaines douleurs. Mon mari m'a expliqué au retour à la maison comment notre fils avait été pris en charge à la sortie de mon ventre. Petit à petit, mon accouchement se met en place, s'image. Mais cette sensation d'avoir eu un accouchement de second ordre reste encore assez présent dans mon esprit malgré le fait que la psychologue de la maternité m'ait bien expliqué que ce n'était pas le cas de nos jours. La violence de cet accouchement a eu le privilège de m'éviter le baby blues….je n'ai jamais pleuré par ce que mon moral n'allait pas bien à cause de l'arrivée de mon fils….j'ai eu l'accouchement blues par contre, ce sentiment qu'on m'a volé mon accouchement…de ne pas avoir pu maîtriser la venue de mon fils, que j'ai du délégué cela : est-ce que je suis vraiment une mère, une femme si je ne peux pas mener à bout la naissance de mon fils ? Ces questions très présentes en mon esprit les premiers jours se sont peu à peu estompées lorsque j'ai pris conscience et cela grâce au personnel, que j'avais su écouter mon fils lors des contractions, que j'avais su comprendre que quelque chose n'allait pas bien : qu'il fallait qu'on y aille même si je ne rentrait pas dans "contractions toutes les 5 mn pendant au moins 2 heures". En cela je suis une mère avant la naissance de mon fils : j'ai su l'écouter, agir pour le sauver.

Mais je ne supporte plus de voir des documentaires ou de lire des histoires d'accouchement par voie basse, ça m'est impossible et si j'écoute ou lis alors je rentre dans une colère noire…..colère de ne pas avoir eu cet accouchement tant souhaité qui pour moi me permettait de rentrer dans le cercle très fermé des femmes qui ont accouché et donc dans le cercle des personnes qui savent comment cela se passe au niveau sensation….moi les seules sensations phyiques que j'ai c'est la douleur…..de la cicatrice, de l'opération…..mais je connais ce sentiment de béatitude, de bonheur de découvrir son enfant pour la première fois. J'essaye de tirer de cette césarienne, tous les côtés positifs de la chose……même si cela est très difficile. Il s'est révélé après avoir obtenu mon dossier médical que j'ai été prise en charge à 5h15 par la SF. Merci de m'avoir lue.

Marie