Un grand évènement m'a conduite à envisager l'accouchement à domicile comme étant une possibilité : la naissance de mon fils... et toute la grossesse. Moi qui n'aimais déjà pas aller me faire "examiner" (je dirais que le vivais plutôt comme un fouillage ...mais "examen" ça fait plus propre, plus correct) je ne supportais plus ces "touchers vaginaux" pendant ma grossesse...mais le gynéco me les présentant comme étant indispensables, je ne bronchais pas et me laissais donc faire, docile mais malheureuse. Aujourd'hui je pense que les 35 kilos accumulés au cours des derniers mois de grossesse trouvent en partie leurs racines ici, comme si j'avais cherché à protéger le nid de mon bébé par une épaisseur supplémentaire. L'autre partie étant ailleurs, dans l'éloignement de mes parents peut-être, dans l'arrêt du tabagisme certainement, bref dans des besoins de sécurité non comblés. D'ailleurs là, je maigris et laisse ces kilos vieux de 4 ans...comme quoi chaque enfant me fait évoluer physiquement et spirituellement. Naissance de T. : A la fin du 9ème mois lors de la visite avec la sage-femme elle trouve ma tension " limite " et mes oedèmes l'inquiètent, elle me ré-examine une deuxième fois et me fait très mal, elle a le gant couvert de sang, j'ai peur de ce qui se passe, elle me dit de ne pas m'inquiéter, que le saignement est normal et que ça va s'arrêter très vite, que le col est fragile à la fin de la grossesse bla-bla (j'ai compris il y a deux ans qu'elle avait décollé les membranes la vilaine, non mais quel toupet, quel déni de l'autre ma parole !) et hop pas question que vous rentriez, votre état nécessite une hospitalisation pour qu'on déclenche l'accouchement. Le déclenchement de cette naissance m'a été présenté comme anodin et raisonnable pour la santé de mon bébé ; pourtant je ne voulais pas qu'il soit forcé à naître, j'étais convaincue qu'il allait très bien et qu'il n'était pas en danger dans mon ventre. J'avais lu des textes sur le rôle joué par le bébé en tant qu'acteur et " déclencheur " de sa propre naissance. J'aimais bien cette idée, elle raisonnait si fort en moi que rien ne pouvait enlever ma persuasion de la nocivité d'une naissance forcée sur un individu. Après trois jours d'hospitalisation pour surveiller tension, albumine, découragée, par leurs discours sur ce fichu déclenchement que l'on me vendait à longueur de journée et de nuit, je me suis laissée faire une fois de plus et j'ai silencieusement suivi la sage-femme jusqu'à la salle de naissance. Cette sage-femme dans ma tête je l'appelle aujourd'hui accoucheuse, la sage c'est l'autre, celle qui est venue a côté du canapé, humble et discrète, oui c'est elle la sage. La salle de naissance c'est un terme mensonger, car c'est bien en salle de travail que je me suis installée oui, mais de travail des autres, médecin, infirmière, pédiatre, anesthésiste, pas de travail de moi. 8 heures du matin tapantes mon corps reçoit une superbe dose d'ocytocine ; mon corps ne devait pas en revenir de cette décharge d'hormones et à mon avis il a dû passer deux heures à se demander qu'est-ce que c'était que ce disfonctionnement terrible, lui qui s'était appliqué à concocter un subtil mélange d'hormones pendant 9 mois, voilà qu'on sabotait tout ça en un coup de seringue ! Mon utérus lui n'a pas pu faire autrement que de se contracter et j'ai expliqué à T. qu'aujourd'hui il allait naître, qu'il allait sortir de moi...je pleurais, je me sentais déjà vide de lui, c'était très triste comme sensation. Ce n'est même pas moi qui ai téléphoné à mon mari pour lui annoncer qu'il allait voir son fils bientôt, c'est la "sage"-femme, d'ailleurs à cet instant j'ai compris que je n'étais plus qu'un utérus posé dans une pièce, attendant d'être délesté de ce petit être porté avec amour... W. est arrivé, déguisé en cosmonaute avec deux blouses tellement il est grand et qu'il est un nid à microbes et une meringue sur la tête, lui qui n'a jamais aimé se déguiser...! Le personnel médical n'avait pas de meringue lui. Bref, nous étions ceux qui peuvent apporter des germes, nous étions les dangereux, avec nos bactéries, notre ignorance sur les terribles dysfonctionnements possibles d'un accouchement dont seuls eux (les blouses immaculées) pourraient nous sortir (et nous y mettre..) Evidemment j'étais allongée sur le dos, perfusée, monitorée et vêtue d'une simple tunique fendue dans le dos, prête à être en position gynécologique au moindre incident, mon vagin à la disposition de qui aura besoin d'y passer pour vérifier que le col s'ouvre assez vite pour que je squatte pas la salle de travail jusqu'au lendemain. Bon la matinée se passe, rythmée par les touchers vaginaux, les cris des autres femmes accouchant, les bip-bip en tout genre, les portes qui claquent, l'énorme pendule fixée en face de moi n'en finit pas de tourner...Je pense au gaspillage d'électricité occasionné par l'éclairage sur-puissant des néons, le plafond en est couvert, j'ai mal à la tête déjà! W. part manger dehors, ici c'est interdit-microbes encore et moi je suis à jeun depuis hier soir (nourriture et eau). Les contractions sont toutes les 5 minutes, elles durent longtemps mais ne me font pas mal. J'ai mal dans tout mon dos par contre, courbaturée. L'arrivée de l'anesthésiste est annoncée en grande pompe !!! Non pas de péridurale pour moi dis-je. " Quoi vous n'avez pas mal " ? Non. " Ha-ha, mais là ce n'est rien ma petite dame " me serine la sage-femme, " vous aller voir, dans quelques heures, avec les doses qui vont augmenter vous aurez des contractions très douloureuses et puis le travail sera long ". Oui mais je ne veut pas de péridurale quand-même. Et là elle s'approche et reprend d'une voix calme : "écoutez, il y a beaucoup de femmes qui accouchent aujourd'hui, l'anesthésiste est là maintenant, mais si vous n'en profitez pas il risque de ne pas pouvoir revenir quand vous aurez mal..Laissez-le vous installer la péridurale et on vous donne une pompe pour que vous mettiez vous-même le produit bla-bla-bla.. " Heu.bon, bon, d'accord. Voilà, j'avais perdu la bataille. Moi qui m'étais préparée à accoucher sans rien, à accueillir la douleur, qui avais reçu le soutien de la sage-femme qui faisait les cours de prépa, pfffff quelle déception, quel grossier mensonge encore une fois ! Je me sentais trahie. Allez, l'anesthésiste me pique m'explique que je dois injecter
du produit de suite, etc. Une aide-soignante me met une sonde urinaire pour vider ma vessie, et plus tard la sage-femme me percera la poche des eaux.J'ai toujours aussi peu envie de laisser mon bébé sortir, je sais qu'une fois dehors, ils vont lui faire mal, l'aspirer, le toucher avec leurs mains brutes, j'ose à peine demander si il est possible de ne pas le laver tout de suite.l'élève sage-femme ne sait pas si c'est possible. Je me sens partir comme dans du coton, je suis lourde, j'ai du mal à dire à W. que je me sens m'évanouir.Voilà j'ai fait un petit malaise vagual (un truc dans le genre) me dit la sage-femme. W. a eu un mal fou à la trouver il a eu peur (pas de sonnette dans la salle c'est eux qui décident de venir pas nous qui pouvons les appeler). Alors j'ai plus le droit de m'injecter du produit qui endort.M'en fiche j'ai pas mal et mon ventre est dur en permanence.je ne ressens rien. Plus tard, le monitoring sonne sans arrêt, W. ne trouve personne dans les couloirs alors on attend et quand la sage-femme arrive elle me dit que c'est le coeur de mon bébé qui faiblit un peu que ce n'est rien et m'examine encore. Elle explique à l'élève je ne sais quoi et l'élève est toute excitée dit qu'elle n'a jamais fait ça. Et voilà qu'elle plonge toute sa main dans moi et là je ferme les yeux parceque trop c'est trop, j'espère juste que W. ne regardera pas par le hublot à ce moment là. Puis c'est au tour de la sage femme et elle y met beaucoup d'énergie pour tourner la tête de Tom me dit-elle quand je lui demande enfin ce qu'elles me font !! Tourner sa Tête ?!! Il n'était pas comme il faut paraît-il. 20 minutes plus tard il paraît que je dois pousser pendant la contraction, mais j'ai très mal partout en permanence ! Je n'arrive pas à sentir quoi que soit d'autre que mon ventre dur en permanence (et encore c'est en posant mes mains dessus) et tout mon bassin est devenu très douloureux lui. Je suis schlass, complètement crevée d'être restée allongée comme ça, à moitié nue toute la journée, leur néons dans les yeux. J'ai de plus en plus mal et c'est une douleur sourde, intense, continuelle, diffuse qui me serre tout le dedans du ventre et me coupe le souffle, l'angoisse monte dans ma poitrine. L'anesthésiste revient à ma demande me réinjecte une dose de produit anesthésiant dans la péridurale, me donne un verre d'eau sucrée (oh ! il est humain !!!!) et m'encourage à respirer profondément pour bien oxygéner mon bébé. Je sens que mon bébé va mal, n'arrive pas à descendre, je me demande si c'est moi qui le " coince " ou si il n'a pas envie de sortir non plus ; la sage-femme a attrapé mon gros ventre dans ses bras et elle le presse vers le bas ; j'ai m'impression de ne plus exister qu'à travers ce ventre que l'on torture. Je ne veux pas accoucher. Je voudrais tout arrêter. Refaire mon bébé à un autre moment donner vie à Tom dans d'autres conditions, nous transporter dans une autre dimension. Je pleure et je n'arrive plus à respirer dans ce fichu masque qui m'étouffe plus qu'autre chose ! Je n'ai plus de forces pour accoucher maintenant, j'ai envie de mourir. On m'enlève le monitoring, je réalise que W. n'est pas là, mais je ne l'ai pas vu sortir ? Il y a beaucoup de monde autour de moi, un homme me dit qu'il va aider mon bébé à sortir et demande qu'on lui emmène d'autres cuillères. Ils n'ont pas l'air contents, j'ai l'impression que tout est de ma faute, que j'ai bloqué mon bébé, je suis morte de peur. J'ai peur que mon bébé meure, manque d'oxygène et soit handicapé ou meure. Mon corps s'arrête sous mes seins, en dessous je ne sens plus rien je ne peux même pas bouger mes orteils, je me sens comme amputée et lestée à la fois.c'est désagréable. Je ne sais pas qui tire comme ça mais il a beaucoup de force : j'ai l'impression que mes entrailles vont se déchirer et sortir avec le bébé, puis c'est le silence, tout le monde sort, et me laisse là pendant les minutes les plus longues de ma vie. Je touche mon ventre vide, mon bébé est parti : ils me l'ont arraché. Je pense qu'il est mort et que c'est pour cela que personne ne vient. Il est 20 h 15, temps protocolaire respecté. L'élève sage-femme arrive et commence à me recoudre, au bout d'un moment je lui demande où est mon bébé.elle me dit qu'on lui fait les soins. Je lui demande si il est vivant et là elle éclate de rire en me disant que oui, qu'il va très bien. Et moi je pleure alors en pensant que jamais je ne pourrais réparer cela, que jamais je ne pourrais refaire naître mon bébé. Je ne voulais pas cela. Je regrette infiniment... " pardon T." est la seule pensée qui tourne dans ma tête. Plus tard quelqu'un me le ramène il hurle dans une caisse transparente vêtu de bleu flash et d'un bonnet écru. Je ne peux pas m'arrêter de pleurer, une profonde tristesse est là, W. regarde par le hublot et voit le spectacle surréaliste d'une femme qui recoud le sexe de la sienne. J'ai honte, comment pourra-t-il me désirer à nouveau ? Je ne sais pas comment faire pour toucher T., il crie si fort, il est comme parti dans sa colère. Celle qui me coud lui dit d'arrêter de pleurer, qu'il ne l'aide pas en criant ainsi. Ses mots résonnent encore dans mes oreilles.et dans les siennes peut-être aussi. Je le touche du bout des doigts, l'appelle par son prénom, il crie, il crie, les poings serrés sur ses oreilles, il hurle sans cesse. Enfin, on me laisse, W. me rejoint, il est blanc comme un linge. On arrive plus à se parler, on regarde ce bébé qui hurle sans savoir quoi faire. Point d'instinct maternel ou paternel. Rien. Seul un énorme élan d'amour pour mon bébé, et une énorme culpabilité de tout ce que j'ai laissée faire. Je reste pétrifiée. J'en veux à W. de ne pas nous avoir protégés, mais je n'arrive pas à lui dire. Je ne le regarde même pas. Enfin il prendra T. dans ses bras pour me le rendre et moi qui n'étais spécialement motivée pour l'allaitée bien que tentée je le laisse chercher mon sein. Il le trouve très vite et tète vigoureusement, enfin il ne pleure plus. Ses petits yeux sont restés fermés, ses poings aussi, il est au moins aussi blanc que son papa. Il s'endort bien vite, pendant que l'on roule mon lit jusqu'à une belle chambre neuve tout ce qu'il y a de plus impersonnel, et déprimant. Il est 22 heures. Une infirmière me demande de poser T. dans la caisse transparente joliment nommée berceau, car elle doit me prendre la tension. Sans réfléchir je le pose, il dort toujours. Elle fait son truc, puis me dit qu'elle va emmener mon bébé à la nurserie pour que je me repose ! Je refuse vivement. Elle a déjà roulé le berceau un peu et me soutient que je dois me reposer. Là W. s'en va et elle roule mon bébé endormi en dehors de ma chambre. Toute la nuit je l'entendrais pleurer, toute la nuit je sonnerais en demandant qu'on me rende mon bébé. Personne ne m'écoute, ils sont fous ! Vers 5 heures du matin j'arrive enfin à bouger mes jambes et je lève tant bien que mal pour aller à la nurserie reprendre mon pauvre T. Bien-sûr je dois retourner dans ma chambre et c'est une puer qui roule le berceau devant moi, vraiment pas contente que je me soi levée seule. Je reconnais à peine T. Il a des hématomes aux deux mains, à la tête. Prises de sang. Il a un autre pyjama (il n'aura même pas gardé une molécule d'odeur de sa maman le pauvre) : oui il a vomi le bib de lait. il régurgite encore d'ailleurs, et le fera pendant plus d'un an. Il a un visage crispé, il dort pourtant. J'attendrais 9 heures du matin pour que l'on me donne de quoi lui changer sa couche.Ce n'est pas moi qui donnerais son bain, je dois regarder pour apprendre, demain peut-être. T. me regardera dans les yeux 20 heures après sa naissance. Il pleure beaucoup, j'ai du mal à comprendre ce qui le gêne, je doute, W. ne s'en occupa pas du tout. Il va retourner travailler trois jours après la naissance de son fils. C'est sage-femme à domicile qui va me suivre après les trois jours d'hôpital, ouf. Elle va beaucoup m'apporter, notamment l'idée farfelue que certaines femmes accouchent chez elles. Sont-elles folles ou quoi ? Et les risques !? Puis je croiserais LLL sur mon chemin, avec mon bébé qui pleure toujours, et j'y parlerais avec ces folles que je ne trouve pas si folles finalement. J'y lirais beaucoup de livres sur la grossesse, l'accouchement à la maison et le maternage aussi. J'irais sur Magique Maman et enfin chez vous (la liste naissance), merci à tous. Voilà, la suite vous la connaissez : c'est une belle grossesse épanouie et la merveilleuse naissance de A. (Témoignage n° 14), qui pousse comme un champignon et que je comprends sans mal. W; a pris un mois de congés pour paterner ses enfants, il s'occupe beaucoup d'eux et de moi encore aujourd'hui. E.
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