Cela fait un moment que je vous lis tous, et que votre débat autour des projets de naissance m'inspire quelques réflexions.

J'avais vécu une première expérience de la naissance qui ne m'avait pas convenu du tout, je me suis donc demandé comment éviter que cela se reproduise pour mon deuxième enfant à naître. J'avais décidé de changer de lieu, et au lieu d'une clinique privée classique, je me retrouvais dans un tout petit hôpital, plutôt branché naissance naturelle. J'aurais donc dû être rassuré, comme me l'indiquait la sage-femme qui suivait ma grossesse, mais ça ne me suffisait pas, j'avais besoin de "garanties" sur certains points et surtout, de pouvoir me dire que ça allait être comme ça, que je sois avec n'importe qui de l'équipe soignante, le jour où j'allais accoucher.

Mon mari et moi avons donc élaboré un projet de naissance, qui a été très bien reçu par le chef de service qui me suivait, bien qu'il ait marqué un peu de surprise (appparemment, je n'étais pas la première mais presque à demander une telle chose). Nous avons rediscuté de certains points ensemble, il coinçait notamment sur le fait que je ne veuille pas qu'on vérifie la perméabilité de l'oesophage sur mon bébé après sa naissance. Il m'a dit que si j'étais seule avec la sage-femme ou avec lui ça ne poserait pas de problème mais que s'il y avait un pédiatre dans le coin au moment de la naissance, ça ne passerait pas. J'ai donc modifié ce point, tout en précisant que je me résolvais à le faire, sous la contrainte, et que je voulais que le bébé soit dans nos bras pendant cet acte (est-il besoin d'ajouter barbare...). J'avoue que j'ai lâché prise aussi parce qu'après discution avec certains professionnels, on m'avait brossé un super tableau catastrophe de ce qui risquait de se passer à la première tétée si on n'avait pas fait la vérification et qu'il y avait un problème...

Le jour de l'accouchement, la sage-femme qui m'a reçu, en prenant mon dossier m'a dit "ah, c'est vous qui avez fait un projet de naissance" avec un petit sourire en coin. Je me suis donc dit que cela avait dû faire le tour du service mais cela ne m'inquiétait pas, j'ai eu tout de suite un bon contact avec cette sage-femme, d'autant plus qu'elle avait accouché une de mes amies la semaine précédente, assise par terre, et mon amie accroupie, je savais donc qu'elle travaillerai sans problème dans le sens que nous souhaitions. Je savais aussi que je n'aurai à faire qu'à cette sage-femme, le service étant tout petit, il n'y en a qu'une de garde la nuit, avec une auxiliaire de puériculture et un gynéco, et ils sont là pour 24h. En plus, le service était complètement vide, chambres et salles de travail, j'étais donc tranquille.

Seulement voilà, pendant le travail, le gynéco de garde (extérieur au service, vacances oblige) est venu se présenter à nous (c'était bien le moment!) pour nous dire texto "bon, j'ai vu ce que vous avez mis dans votre dossier (sous entendu, le projet d'accouchement), ce n'est pas du tout ma façon de travailler, de toutes façons, s'il y a une césarienne, je ne veux pas que votre mari soit là, un forceps non plus d'ailleurs, c'est moi qui suis de garde, et on travaille à ma façon. Mais bon, si vous n'avez pas besoin de moi, et je vous le souhaite, vous ferez comme vous voudrez" Je lui ai répondu sèchement "mais j'espère bien, on n'aura pas besoin de vous" et il a quitté la chambre. Après son départ, j'étais plutôt effondrée mais je me suis vite reprise, en me disant que non, j'allais y arriver toute seule, qu'il fallait que j'y arrive toute seule, mais quelle pression!!!

Plus tard, la sage-femme est venue nous voir en nous disant qu'elle avait réussi à parler avec le gynéco et qu'il acceptait mon mari s'il y avait césarienne. Apparemment, ça n'avait pas été facile et elle avait l'air bien remontée contre lui.

Tout le travail s'est super bien passé, l'accouchement était bien engagé, quand en pleine action, la sage-femme me dit "bon, j'appelle le gynéco, je suis obligée, c'est le chef de service qui l'a demandé". J'ai eu un moment de panique et de révolte, mais il est quand même arrivé (on voyait les cheveux de Raphaël qui arrivait) et la sage femme lui a dit d'un air victorieux "je vous ai appelé mais vous voyez, elle va accoucher toute seule cette dame!" Là, le gynéco, le visage plus que fermé, s'est campé en face de moi, les bras croisés, et il a commencé à me fixer, ou plutôt à m'observer. Inutile de vous dire l'humiliation et la révolte que j'ai ressentie alors, j'étais incapable de quoi que ce soit. En plus, comme j'étais assise, impossible de regarder ailleurs vu qu'il s'était mis bien en face de moi. Il a alors commencé à dire "mais elle est épuisée, il faut l'aider", après une poussée infructueuse. Ne sachant pas à quoi je m'engageais, j'ai accepté le forceps qu'il me proposait, ayant l'air d'avoir pitié de moi. Et voilà, forceps à vif, plaie hémorragique d'où, on coupe le cordon, on sort le placenta, on fait un toucher de la cicatrice et on recoud après une anesthésie plus que sommaire. Pendant qu'il me recousait, m'ayant si bien anesthésiée, il me disait "ah, vous vouliez une déchirure naturelle, eh bien vous l'avez eue! ah, c'est sûr qu'avec une péridurale, ce serait plus facile!"

Quelle belle fin d'accouchement n'est-ce pas? tout cela parce qu'un gynéco mal luné et à l'égo démesuré a mal pris le projet d'accouchement que nous avions élaboré, s'est senti atteint dans ses fonctions, peut-être menacé par un témoin gênant en cas de problème (mon mari), il nous a clairement dit qu'il ne voulait pas être observé pendant qu'il travaillait. Grâce à la sage-femme, mon mari a pu rester en permanence à mes côtés mais il a été traumatisé (il a parlé de boucherie à la première personne qu'il a vue après l'accouchement). C'est clair, ce gynéco nous a fait payer notre projet d'accouchement, qui ne cadrait en rien avec sa personne et ses habitudes.
Et pourtant, vu l'endroit où j'accouchais, la façon dont j'avais préparé les choses, j'étais persuadée que tout se passerait bien au niveau de ce que j'avais demandé, des relations humaines. Alors voilà Catherine, sache qu'on n'est à l'abri de rien quand on est dans un endroit où on peut accoucher avec n'importe quelle personne et que malgré ce qu'on pourrait croire, le projet d'accouchement peut parfois être une bombe à retardement!!!

En tous cas, cela a fait progresser mes choix de naissance tout court. nous voulons encore deux ou trois enfants et je sais qu'ils ne naîtront pas en structure hospitalière. J'avais déjà ce projet pour la naissance de Raphaël, irréalisable alors en France selon ce que j'avais trouvé. Mon mari n'était pas prêt à aller alors à l'étranger, et la logistique me faisait un peu peur. Mais ça y est, je suis prête à faire beaucoup de kilomètres pour accoucher comme je veux, où et avec qui je veux et ce coup ci mon mari me suit, lui non plus ne veut plus de la structure hospitalière. Et si jamais je n'avais pas d'autre choix que celui d'y retourner, en tous cas je ne me risquerait pas à faire un projet d'accouchement!
Je pense qu'un projet de naissance est valable avec UN partenaire, avec lequel il y a un véritable échange, c'est-à-dire, pouvoir poser des exigences, mais accepter qu'il en ait aussi et qu'elles soit recevables (donc, ça va mieux lorsqu'on a la même vision de l'accouchement). Avec l'expérience que j'ai eue, je pense que c'est vraiment la seule façon d'avoir l'accouchement qu'on désire, quand on ne rentre pas dans le cadre de ce qu'est un accouchement en structure aujourd'hui.

Ma belle-soeur qui vit et va accoucher au Québec m'a envoyé ce qu'ils appellent là-bàs un plan d'accouchement. En gros, c'est un peu un projet (très) sommaire d'accouchement, avec choix multiples, les parents cochent les cases qui leurs correspondent et on sait un peu ce qu'ils veulent. Je crois qu'en France on est encore loin, même de ça!

Catherine, maman de Gabriel (29.07.99, césarienne, allaité 28 mois) et Raphaël (10.09.01, forceps, toujours allaité)