Cette naissance, c'était que des imprévus... qui se sont goupillés parfaitement entre eux pour faire une situation idéale - Naissance de Maïa, le 25 mars 2005

***Avant Maïa***

Il me paraît difficile de parler de cette naissance sans évoquer brièvement ce qui nous amené à elle... En décembre 2001 est né Jules, notre premier enfant. Etudiante consciencieuse, je me jette sur l'information que je trouve concernant la grossesse, l'accouchement... c'est de l'information « grand public » qui, sans doute parce qu'associée à certaines idées reçues de ma part, me fait choisir d'aller accoucher dans une chouette clinique de ma ville, avec un gynéco que « tout le monde adore ». Avec aussi, c'est évident pour moi, une péridurale garantie, parce qu'il me paraît impensable d'être obligée de souffrir – à notre époque ! - pour faire naître son enfant. J'ai l'accouchement de mes rêves. La péridurale est posée tout de suite, je ne sens rien jusqu'à ce que j'ai Jules dans les bras – un très court instant. Dire que pendant ma grossesse je n'osais croire que mes rêves (ne pas avoir à accoucher) puissent être prémonitoires ! Cette impression de victoire sur la fatalité de la douleur s'est peu à peu estompée. Les suites de l'épisiotomie aidant, la jubilation de ne rien avoir senti a laissé peu à peu la place à de l'amertume...

Dans les mois qui ont suivi, j'ai ressenti le besoin de me renseigner autrement sur la manière dont pouvait se dérouler une naissance. Je suis tombée sur des sites internet parlant de naissance « naturelle », sur lesquels j'étais sans doute déjà tombée avant mais en les ignorant. Je me suis inscrite sur une liste de discussion mettant en relation des personnes qui envisagent la naissance un peu différemment de ce que j'avais vu jusqu'alors... J'ai écrit, lu, et ruminé ma colère de m'être faite « abuser » de la sorte jusqu'à la naissance de Jules ; non pas par l'hôpital – j'avais eu tout ce que je voulais, après tout – mais par tout ce qui avait fait que je m'étais crue maîtresse de ces choix-là. Ma conclusion après ces quelques mois de remise en question ? Pour mon prochain enfant, je ne me sentirai libre qu'en accouchant... à la maison.

***A quelque temps de la naissance***

Cette deuxième grossesse, si on omet les trois premiers mois difficiles (hormonalement), s'est déroulée sereinement. Nous avions rencontré, Mathieu et moi, un médecin généraliste d'accord pour nous accompagner dans notre démarche, avant même la conception de Maïa. J'ai eu un suivi de grossesse limité mais presque classique (3 échographies, deux prises de sang, un toucher vaginal presque chaque mois), auquel je me suis accomodée sans difficulté. Ce que je redoutais plus que tout, c'était un professionnel qui essaie de prendre le pouvoir sur moi, de quelque façon que ce soit ; et je crois malheureusement que c'est le cas de beaucoup de partisans de naissance naturelle... Bref, je ne voulais pas d'un « gourou », même pavé des meilleures intentions du monde ; je ne voulais pas qu'on me dissèque psychologiquement ; je ne voulais pas qu'on l'enseigne quoi que ce soit, aussi « alternatif » que ce quoi ce soit puisse être ! Ce médecin – cela m'est apparu vers 6 mois de grossesse – me donnait l'impression d'un vétérinaire : il allait venir pour la mise bas, c'est tout. De par les réflexions qui m'étaient venues depuis Jules, j'avais aussi le désir d'accoucher seule. Seule, sans médecin et peut-être même sans Mathieu, à la limite avec Jules, avec qui je pourrais être moi-même, ne pas me sentir manipulée ni obligée de « paraître » comme-ci ou comme-ça (un accouchement où on me fiche la paix). L'éventualité avait été rapidement écartée : Mathieu acceptait déjà l'idée de l'accouchement à domicile, pour laquelle il n'était vraiment pas chaud au départ... je n'allais pas trop lui en demander... ni lui imposer un accouchement non assisté. C'était comme un contrat passé avec moi-même. Cette grossesse sereine a donc suivi son cours. J'ai senti beaucoup plus de choses que pour Jules ; en particulier j'ai été très consciente du travail préliminaire qui a commencé dans les 2 ou 3 semaines précédant la naissance : je sentais plein de trucs qui se passaient dans mon ventre et j'en étais heureuse à chaque fois. Toutefois, l'approche du terme a été un peu difficile à vivre : persuadée que j'allais accoucher deux semaines à l'avance comme pour Jules, quand je n'en étais plus qu'à 10 jours ou une semaine d' « avance » sur le terme prévu, j'ai commencé à me sentir stressée. Certains matins je me suis réveillée complètement angoissée, sûre que ça allait finir par un dépassement de terme (et un déclenchement). Sûre que ce bébé ne voulait pas venir... sûre que je m'étais montée la tête toute seule avec ces histoires de naissances naturelles... me demandant si quelque part je n'avais pas un peu pété plus haut que mon... bref. Le terme prévu était le 29... je comptais quand même un peu sur la pleine lune du 25.

***Pleine lune***

Dans la nuit du 24 au 25, je me fais doucement réveiller par quelques contractions. Ca m'est déjà arrivé, je ne crie pas victoire trop vite : en général ce sont des contractions peu fortes, qui me laissent dans un demi-sommeil. Je ne sais pas combien de temps elles durent, ni d'ailleurs si ce sont vraiment des contractions. Cette fois-ci, j'ai conscience qu'elle sont assez régulières, je dirais toutes les 5 minutes, sur une période d'une bonne demi-heure, mais je suis fatiguée, j'ai la flemme de me concentrer dessus, je me dis juste que c'est chouette, si ça se trouve je ne ferai pas de dépassement de terme parce que mon corps a enfin décidé de s'y mettre. A six heures, quand Mathieu se lève, j'ai redormi plusieurs heures, mais je me rappelle qu'il s'est passé quelque chose. Je lui dis et il s'en réjouit ; il part au boulot et je me rendors. Vers 8h30 je me lève, j'ai quelques contractions peu douloureuses, je décide de prendre une douche pour avoir les cheveux propres. Quand je sors il me semble que j'ai dû perdre du bouchon muqueux (de la bave d'escargot sort un peu de moi), je me dis qu'effectivement cette nuit c'était – enfin ! - des contractions. Alors c'est peut-être pour aujourd'hui ? Mais c'est bien possible, même si mes contractions sont assez proches, qu'elles s'arrêtent au bout d'un moment comme cette nuit. Jules (3 ans) se lève vers 9h30. On n'a rien prévu de spécial pour lui pour la naissance, c'est un des points sur lesquels on est le plus d'accord Mathieu et moi : on lui fait confiance, il saura où se mettre. Alors je lui dis juste que le bébé va peut-être naître aujourd'hui, que j'ai des contractions, et que peut-être je vais faire du bruit. Je lui donne aussi comme instruction de ne pas me toucher ou me parler quand je lui dis « contraction ». Il est ok, il dit « chouette, c'est la fête, Papa va être là ! ». J'écris un mail à Mathieu pour lui dire d'aller acheter des fruits, et en PS je lui dis que c'est peut-être pour aujourd'hui, que je le tiens au courant. Je téléphone à ma soeur, du coup elle chronomètre la fréquence des contractions : un peu moins de 5 minutes. Quand j'ai une contraction je l'annonce, je pose le téléphone, et je mets dans ma position fétiche : à genoux, le buste appuyé sur une petite table. Depuis quelques minutes je suis mieux quand je change de position pour les contractions et que je me concentre un peu sur ma respiration... de cette manière elles se suivent très facilement. Pendant chaque contraction Jules revient et prend la relève au téléphone, il m'engueule un peu quand je suis vautrée sur le fil du téléphone. Ma soeur me conseille d'appeler Mathieu, elle doit avoir peur que je lui fasse le coup d'accoucher seule. Je comptais l'appeler de toute façon, je lui demande de prévoir de partir à midi de son travail. Jemima, ma voisine, arrive. On s'entend très bien toutes les deux ; elle vient très souvent chez moi, sans sonner, sa présence ne me dérange jamais... Aujourd'hui elle est en RTT, ça n'arrive pas très souvent, ça tombe bien. On discute un peu entre les contractions, Jules va jouer dehors, elle va le voir quand il réclame des trucs... elle l'emmène au jardin avec elle ; ils feront quelques allers-retours pour venir me voir et finalement Jules décidera de passer la journée avec elle. C'est chouette : je comptais sur lui pour savoir trouver une échappatoire s'il ne voulait pas rester à mes côtés, mais là en plus il part de gaîté de coeur, c'est idéal. Entre les contractions je pète la forme, je suis capable de faire des allers-retours dans l'escalier facilement. Il faut juste que je me dépêche de partir juste après une contraction, pour être à nouveau vers un « spot à contractions » quand la prochaine, rapprochée, surviendra. Je me rends compte que je commence à être complètement shootée aux hormones, ça me fait rire. Je mélange un peu mes mots quand je parle à Jemima, et quand je suis toute seule, je plane complètement. C'est dans cet état que Mathieu me trouve quand il rentre vers 13h. Ca continue un moment comme ça, puis je sens que le travail change de rythme, enfin, j'en ai l'impression. Je crois que les contractions sont plus longues, peut-être un peu plus espacées, en tout cas plus fortes. Je suis contente de pouvoir demander de l'aide à Mathieu : il s'assoit sur une chaise derrière moi, et me soutient sous les bras. Une ou deux fois j'ai essayé de m'examiner, je ne trouve toujours pas le col, comme pendant ma grossesse. Ca me fait supposer qu'il est encore assez postérieur, et donc qu'il me reste encore un peu de chemin à faire avant de rencontrer mon bébé. Toutefois, les contractions sont plus fortes, je suis un peu frustrée de ne pas savoir où j'en suis : j'étais persuadée que ça serait facile de m'examiner pendant l'accouchement ! Deux ou trois fois j'ai fait pipi dans le seau, parce qu'il n'y a pas de toilettes à l'étage. Maintenant que Mathieu est là il me soutient par-derrière, ça me rassure, au cas où une contraction arriverait... J'aimerais me reposer allongée entre les contractions, mais elles sont rapprochées, et elles arrivent tellement vite que me remettre en « position contraction » est vraiment pénible... Je reste plus ou moins accroupie ou assise pendant les moments de répit. Est-ce parce que les contractions sont plus fortes ? Mathieu me demande si on appelle le médecin. Moi qui ai redouté ce moment pendant toute la grossesse, curieusement, je suis d'accord tout de suite, je ne cherche même pas à négocier !? Il est à peu près 14h, Mathieu descend pour téléphoner. Je l'entends parler mais ne décrypte pas ce qu'il dit... visiblement il ne parle pas directement au médecin. Il remonte... c'est le coup de théâtre... le médecin est EN VACANCES A L'ETRANGER... Je le sens paniquer, je suppose qu'il a peur que je le mette au pied du mur pour un accouchement non assisté. Mais non, je me l'étais promis, je ne lui ferai pas ce coup-là. Quelques contractions passent, il me soutient toujours et en même temps fait des sons graves ; de temps en temps je l'accompagne de quelques cris. Je me demande après coup si j'avais mal ou peur. Peut-être peur... parce que, comme je me l'étais promis, donc, je lui dis qu'on va partir pour l'hôpital. Je lui donne quelques instructions sur les affaires à préparer, il va aussi prévenir Jemima qu'on part ; et entre-temps il essaie de remonter le plus souvent possible me voir, pour essayer de m'aider pendant les contractions. Les contractions sont plus fortes, je crois, et puis j'ai vraiment pas envie de partir pour l'hôpital. En réalité, c'est surtout le trajet qui me fait très peur : je me demande comment je vais faire pour ces contractions qui sont très fortes et rapprochées, que je supporte de moins en moins dans mes positions fétiches, alors attachée dans la voiture... Sinon, curieusement, aller à l'hôpital ne me fait pas peur. Il faut dire que je ne sais tellement pas où j'en suis du travail... On a essayé de passer un coup de fil à une des voisines du village, qu'on connaît à peine mais qui est sage-femme, je me disais que si elle était là on pourrait lui demander de venir m'examiner... elle n'était pas là. J'essaie à nouveau de m'examiner. Ah, ça y est, je sens quelque chose. Mais c'est quoi ?? C'est dur, c'est la tête. Mais pas les cheveux, parce qu'il y a comme de la peau par-dessus. De la peau, mais pas de liquide amniotique derrière ? Pourtant, la poche des eaux doit encore être là... je ne comprends pas bien. Je continue mon auto-examen et il me semble trouver, enfin, le col. Peu dilaté... peut-être dilatable à 2 centimètres ? Du coup cette décision de partir à l'hôpital me semble d'autant plus justifiée. Je me dis même que tant qu'à faire, si le travail est aussi peu avancé qu'il en a l'air, je demanderai peut-être une péridurale ? Ou même, s'il y a quelque chose de bloqué, qu'on me fera peut-être une césarienne ; et curieusement, ça ne m'effraie pas. Avant de me rhabiller (j'étais en chemise et culotte), il faut que je refasse pipi, mais sur le seau, j'ai aussi envie de faire caca. Je trouve ça trop bizarre, je croyais qu'on avait plutôt envie de faire caca vers la fin ?? Enfin, je fais juste pipi et je dois descendre pour finir de m'habiller. Dans la salle de bain, je mets un pull et mes chaussures, et une contraction me projette littéralement à quatre pattes par terre. J'ai le temps d'appeler Mathieu, il a le temps d'arriver, ouf ! Je ne me voyais pas la vivre seule celle-là. Il se pense en avant, pour faire comme si j'étais appuyée sur un canapé, ça m'aide bien. Il faut partir maintenant. A cause des contractions, je dois faire une pause dans le salon, mais zut, l'envie de faire caca a recommencé. Mathieu va chercher le seau en haut, et me soutient pendant que je suis dessus. J'ai laissé ma pudeur de côté, tant pis... Mais c'est bizarre, ça pousse bizarre. Je me demande si je ne suis pas en train de faire n'importe quoi : si ça se trouve je demande à mon corps de pousser juste à cause de la peur du trajet pour l'hosto ; et si je pousse sans être dilatée, tout va exploser... Je peux me remettre à genoux, le buste sur le canapé, pour la contraction suivante. Mais là je dis à Mathieu que je crois bien qu'il n'y a pas QUE du caca. Il jette un oeil (aïe ma pudeur !!), me dit que si (re-aïe), mais moi j'ai compris que non. Quelques secondes après Mathieu comprend qu'effectivement, non ! Le bébé va arriver et on le sait tous les deux maintenant. Il se produit comme un changement de phase : Mathieu est maintenant complètement flippé, il stresse, pleure presque, dit « Non, pas le bébé, pas déjà »... et pour moi : tout va bien ! C'est incroyable... j'ai ratteri d'un coup, je me sens super lucide, un sentiment bizarre. Je ne suis pas seulement rassurée pour le trajet à l'hôpital, c'est plus que ça : je comprends ce qui se passe maintenant ; je n'étais pas dilatée à 1 mais plutôt à complète... c'est normal que ça pousse... dans pas longtemps le bébé sera là... Je me sens super efficace ; je donne des instructions à Mathieu : mettre la couette sous moi, se mettre derrière. Pendant ce temps Mathieu est bien paniqué : « Il arrive, il arrive, mais qu'est-ce que je dois faire ? ». Moi je m'entends répondre « Mets tes mains » ; c'est drôle, je m'entends de l'extérieur, et j'entends que ma voix est super posée, je suis tellement sûre de moi... Je crois qu'il y a une contraction pendant laquelle le bébé avance d'un coup. Moi, je dois faire une tête style « caricature de personne constipée », lol, je me demande pourquoi je pense à ça maintenant ! Je pousse, ou ça pousse, ni l'un ni l'autre en fait. Je suis obligée, c'est tout. Je n'ai ni peur, ni mal. Une autre contraction, la poche des eaux se romp, du liquide amniotique est projeté à plus d'un mètre de moi ! C'est tellement puissant que je crois un instant que le bébé est sorti ; mais non, il y en a une autre tout de suite derrière, c'est là qu'il sort. Tout de suite on entend des « bruits de bébé », Mathieu l'a pris dans ses mains, « Aaah, un bébé !J'en fais quoi ? » « Ben, mets-le dans une serviette. C'est une fille ou un garçon ? » « Une fille » Je me retourne et la regarde pendant que Mathieu, en pilotage automatique, va chercher une serviette de piscine qui traînait sur l'autre canapé. Elle est « belle », je veux dire rose et propre. Si on ajoute ça au fait qu'elle ait déjà fait des bruits, je sais que tout va bien. Je crois qu'elle est née à 15h15, en tout cas, en pleine lumière, dans le salon. Il fait beau dehors. Une fois qu'elle est dans la serviette, il faut que Mathieu me la passe ; il est tellement speed qu'il aurait du mal à la garder dans les bras. Comme le cordon pend entre mes jambes et que je suis à genoux, il faut la passer entre mes jambes, c'est périlleux ; cracra aussi, y'a une bonne flaque de sang sous moi sur la couette, mais on y arrive. Ca y est, je l'ai dans les bras. Je demande à Mathieu « Alors, c'est Maïa ? » On n'avait pas encore choisi le prénom, on en avait plusieurs en course, mais celui-là était quand même notre tête de liste. Il dit oui, mais je crois que j'aurais pu proposer ce que je voulais à ce moment-là !! Je suis toujours dans cet été bizarre de « super-conscience », je continue à donner des instructions, principalement pour que j'aie chaud pour favoriser la délivrance du placenta. Mathieu doit aller chercher une couverture, et surtout le radiateur à bain d'huile qu'il met à fond juste contre moi. Je suis accroupie ou assise et adossée au canapé, toujours dans ma flaque de sang, avec Maïa dans les bras. Mathieu va chercher des bassines au garage. Il s'assoit derrière moi pour me soutenir quand je lui dis que le placenta va sortir. En fait ce n'est pas comme pour le bébé, je crois que c'est conscient, d'ailleurs j'ai dit « Soulève-moi, je vais faire sortir le placenta. » c'est pas simple car j'ai toujours Maïa dans les bras, il faut quand même que je me mette au-dessus de la bassine. Ca fait floutch, il sort, j'ai l'impression d' « entendre » un bruit de placenta entier. Chouette, je vais pouvoir m'allonger. Il doit être 15h40. Je me nettoie avec un gant et de l'eau chaude que Mathieu m'a apportés. On protège le canapé avec une alèze jetable; je m'allonge dessus, le placenta est dans la bassine sur une chaise à côté de nous. Je crois que le cordon est plutôt long, tant mieux, ça ne tire pas sur le nombril de Maïa. Ca y est, c'est fini. Mathieu fait un peu de ménage, il enlève toutes les affaires ensanglantées (mes baskets sont imbibées, c'est assez impressionnant). Il se passe plein de moments où il ne se passe rien... le temps est comme supendu... Ensuite Mathieu va chercher Jules, qui n'a qu'une idée en tête : couper le cordon et retourner jouer avec sa copine Adèle. On lui dit qu'il n'y a pas d'urgence pour le cordon, qu'il peut y retourner, on l'appellera quand on voudra le couper – promis, on ne le fera pas sans lui. Mathieu a vu passer la voiture de Virginie, la sage-femme de notre hameau, alors je lui demande s'il veut bien aller sonner chez elle pour lui demander si elle serait d'accord pour nous filer un coup de main, à savoir vérifier l'état du placenta, voir s'il est bien entier. Elle est d'accord, et arrive chez nous, vers 17h peut-être. Le placenta est ok, et elle a emmené des gants pour m'examiner. Je comptais lui demander, car j'ai perdu bien plus que les 2 tasses de sang « réglementaires », je suppose que j'ai déchiré, bien que je ne sente rien... oui, effectivement, j'ai beaucoup déchiré : plusieurs centimètres en surface, et ça file à l'intérieur. J'ai des baisses de tension, ça va un peu mieux quand je me mets à manger du chocolat blanc. Jules revient, on lui dit qu'il peut couper le cordon. Je ne comptais pas le clamper, Virginie est d'accord pour dire que ça n'est pas nécessaire, mais apparemment ça la rassure qu'on le fasse quand même et comme je m'en fiche pas mal on met un bout de ficelle. Jules coupe avec les ciseaux de cuisine, il n'est pas très fort pour utiliser des ciseaux, et le cordon est épais ! Il s'y prend à plusieurs fois et du coup je l'aide un peu. Il doit être 18h, le temps passe à une allure bizarre. Pour la déchirure, il va falloir recoudre, et pas qu'un peu apparemment. Malheureusement, Virginie n'a pas son matos de sage-femme, et ne peut pas le faire. On téléphone à quelques médecins du coin : Mathieu se fait bien remballer (« Allez à l'hôpital ») et Virginie moins, mais le médecin qu'elle appelle n'a pas de fil résorbable. Il va falloir se résoudre à aller à l'hôpital cette fois ; c'est les pompiers qui m'y emmèneront pour que je fasse le trajet couchée... Je suis un peu faible mais je me sens bien : Maïa est là, dans mes bras, j'ai le power malgré cette histoire de déchirure !! par contre j'ai super peur d'aller à l'hosto : j'ai trop peur qu'ils me forcent à rester, ou, pire, qu'il gardent Maïa contre mon gré. J'envisage même de partir sans elle, pour qu'ils me laissent rentrer... Mais dans tous les cas Mathieu devra être à l'hosto aussi, pour me ramener en voiture, donc Maïa y sera forcément aussi ; et je ne me vois pas non plus me séparer d'elle. Une fois à l'hôpital, d'ailleurs, la sage-femme me dit tout de suite qu'elle va l'emmener pour les soins. Elle ne comprend pas que je refuse, elle insiste, dit que c'est obligatoire. Mais je lui dis que c'est « non catégorique », et que je suis venue pour me faire recoudre, c'est tout. Elle, elle va bien ; je ne veux pas qu'on l'emmène, et en plus j'exige de sortir dès que ça sera fini. Ouf, avec une décharge on me laissera faire. Les pompiers, le samu et l'hôpital ont été assez cool finalement : j'aurais mis ma main à couper que j'entendrais 15 fois le commentaire « Vous avez eu bien de la chance qu'il n'y ait pas de problème », et en fait, personne ne le dit. Les pompiers en particulier sont tout gagas, tout contents ; bien sûr, ça doit aider qu'il soient arrivés une fois que tout était fini : ils ont trouvé un bébé tout rose, tout relax et tout habillé, forcément, ça rassure. C'est long à l'hosto, et la couture en elle-même dure longtemps aussi, une bonne heure je crois. C'est déchiré sur 3 « plans » différents : dans le vagin, dans le périnée et sur la peau. La couture est à peu près supportable, mais les contractions post-partum arrivent et ça c'est vraiment douloureux. La sage-femme refuse de me donner de l'eau, alors que je lui ai bien dit que j'avais mangé toute une tablette de chocolat blanc. Ahlala les protocoles à la con... exactement pour ça que je voulais pas accoucher à l'hosto ! Bien sûr je ne leur ai pas dit, ils savent juste que le bébé est arrivé trop vite quand on partait à l'hôpital... c'est vrai en plus... je n'ai pas eu à mentir. Ca y est, cette fois c'est vraiment fini, on rentre à la maison tous les 4, il est 21h30.

***Petit bilan... il changera peut-être au fil du temps ?***

Cette naissance, c'était que des imprévus... qui se sont goupillés parfaitement entre eux pour faire une situation idéale – au moins pour moi ! Je n'ai aucun ressentiment vis-à-vis du médecin (ce que ma mère ne comprend pas !). En fait, je ne sais pas comment on aurait fait si on avait su dès le début qu'il ne viendrait pas... Mathieu aurait sûrement voulu partir dès des premières contractions (remarque... c'était lesquelles ??) ; pour ma part j'aurais certainement voulu partir le plus tard possible à l'hosto (remarque... ça aurait peut-être fait pareil ?) ; dans tous les cas, je suppose qu'on aurait plus stressé, ou du moins qu'on se serait beaucoup plus pris la tête. Je suis encore plus sûre qu'avant que le choix d'un accouchement non assisté n'est pas inconscient, à cause de cette lucidité que j'ai eue à la naissance de Maïa. Disons que j'y croyais déjà en théorie ; maintenant, je le sais, c'est tout. A presque 24h de son arrivée sur la terre ferme Maïa pesait 3,5kg. Elle mesure à peu près 50 cm, d'après les mesures de son papa. Dans quelques jours on appelera un médecin et je demanderai sans doute à Virginie de venir vérifier que tout va bien pour la suture ; je n'ai pas trop mal.

Anne-Lise