Avec la péridurale, j'ai pas eu l'impression d'accoucher

Le pire, c'est que j'étais assez conditionnée pour m'en vanter les jours qui ont suivi ("hé, vous savez quoi ? j'ai RIEN senti !! trop bien ! même pas eu l'impression d'accoucher !")
Maintenant, mes idées sont, euh;... **plutôt différentes** de cette époque ! pour le prochain, c'est sûr, pas de péri. Je veux savoir ce que c'est. Je veux tout sentir.

J'ai lu dans un livre ("accouchement, grossesse : un parcours initiatique" une analogie qui m'a parlé.
L'accouchement était comparé à l'ascension d'un sommet. Le texte décrivait l'ascension : longue, difficile. Quand on est presque en haut (mais qu'on ne le sait pas) on est prêt à abandonner, c'est trop dur, on est à bout de forces... puis on arrive en haut. et le texte décrit, ou plutôt essaie de décrire, le sentiment d'accomplissement que l'on a lorsqu'on regarde autour de soi, quand on est en haut. Le sentiment d'être allé au bout de soi-même et d'y avoir survécu, aussi, alors qu'il n'y a que peu de temps on croyait qu'on allait y rester.
Et là, l'analogie pour la péridurale est assez brutale : c'est comme monter en hélico. On est en haut quand même. On regarde le même paysage. Mais a-t-il vraiment les mêmes teintes ?

Et ça me fait penser à ma mère. Elle ne m'a jamais trop parlé de ses accouchements, et la seule chose qu'elle ait laissé filtrer, c'est qu'après coup, elle était (de sa propre expression) "fière comme la poule qui vient de pondre son oeuf", et dans un état de béatitude qu'elle n'a jamais retrouvé à un seul autre moment de sa vie. J'en ai reparlé avec elle il y a peu, et elle avait parlé de cet état à une amie à elle qui est bouddhiste, et qui a fait le rapprochement avec un état -dont j'ai perdu le nom- que les bouddhistes cherchent à atteindre par la méditation. Enfin bref, elle se sentait tellement bien, malgré la douleur intense qu'elle venait de vivre, qu'elle était étonnée de se "voir" penser qu'elle était prête à refaire un autre bébé tout de suite !! et parallèlement à ça elle dit que si elle avait à accoucher maintenant, elle profiterait de la péridurale... :o( ça me déçoit énormément, surtout vu comment elle en parle, de ses accouchements... Mais je lui ai parlé de la montagne, de l'hélicoptère. Je crois qu'elle a commencé à y réfléchir, enfin, c'était la première fois qu'elle semblait commencer à comprendre ce que je dis à propos d'"être privée de son accouchement".

Il y a aussi une autre chose : lorsque j'ai accouché de Jules, je ne sentais rien. J'aurais pu jouer aux cartes. En fait l'attente était interminable, et si je n'ai pas dormi c'est que le monito me gênait pour me mettre dans ma position favorite. Et en fait, je me dis que même si j'étais super pressée de voir mon bébé arriver, je ne pensais pas à lui. Je ne l'ai pas aidé. Je ne lui ai pas parlé. Et d'ailleurs il n'a pas pu sortir tout seul...

Anne-Lise