Je trouve personnellement tres difficile de vivre "la révolution douce du respect des bébés, des enfants"

J'ai vecu presque 35 ans (avant d'etre mère) dans l'inconscience totale de ce que subissent les petits, les faibles, les dépendants, me croyant en "démocratie" (je vis à Paris). J'en ai honte quand j'y pense. Ca me rend très tolérante vis a vis de "ceux qui ne voient pas, n'entendent pas". Oh bien sur je n'ignorais pas la partie "émergée" de l'iceberg, et j'en suis si triste,mais je me sens régulièrement fracassée, bouleversée, en colère, mal à l'aise etc en découvrant toute la partie immergée. Je me demande où ça s'arrête.

Je crois que cette découverte est très dure, et puis ça a l'air tellement "normal" pour un tas de gens, ce statut d'inférieur pour les êtres plus petits, que je me demande parfois si je ne suis pas folle. J'ai l'impression qu'il est d'autant plus difficile de voir ces faits qu'ils risquent de réveiller des souvenirs personnels douloureux. En élargissant ma vision de tous ces mécanismes interactifs aux interactions sociales, culturelles, je me rends compte qu'il est inutile de vouloir "lutter" contre ces atteintes aux enfants, inutile de s'épuiser à changer les autres... mais indispensable pour moi d'essayer de diffuser, communiquer, montrer, échanger, répandre, dire AUTRE CHOSE. Ca touche trop personnellement les gens, il est impossible, je crois, d'aborder cela sans que les personnes se sentent touchées là ou elles ont mal : qui est prêt à vivre un tel contact ? Tres peu de gens d'apres mon expérience et en tout cas seulement dans la confiance, avec le temps, le moment venu. Pour moi je suis portée dans cette voie avec l'Amour partagé avec mes enfants, totalement ... (pas de mots !). Mais d'autres, qu'ont ils pour les porter ainsi ? Ca aussi ca me rend tolérante.

Que c'est long, trop long pour tous ces enfants croisés tous les jours le regard déja éteint, ces bébés qui hurlent tous seuls dans le noir des appartements ou dans l'anonymat des chers landeaux, poussettes, déja perdus dans le vide à un mètre de leur mère qui fait les soldes ("ils ne manquent de rien" ... non ? NON ??? si pourtant). Tout ca pour dire qu'être fragile par rapport à l'entourage est, je crois, non seulement inévitable mais aussi nécessaire si l'on s'engage à essayer de respecter l'humain, en nous, en l'autre, en chacun. Réveiller notre sensibilité ne peut se limiter à une gamme de ressentis : tous se réveillent, y compris ce qui est insupportable, ou non. Au fur et à mesure du réveil de ma sensibilité et des prises de conscience de tous ces petits "riens" qui sont en réalité une accumulation grave d'atteintes multiquotidienne à l'intégrité des enfants, et en fait de TOUS, destructrice de liens puissants, je sens que je restaure bien des choses, et c'est si douloureux : laisser à l'autre le choix du moment où il peut faire face, c'est déja, je crois, commencer ce travail.

Valérie