Récit de naissance difficile suivie d'une séparation, et difficulté maternelle

Mon fils, N. est né en 1986... Naissance très difficile (toxémie gravidique maternelle), souffrance foetale... On me dit que bébé souffre trop, qu'on va me faire une césarienne puis panique générale... plus le temps de faire une césar... et on me sort mon fils aux forceps. Direction réanimation... on me dit juste que c'est un p'tit garçon. Et mon mari qu'est même pas là... J'étais hospitalisée et on devait me déclencher le lendemain... et personne n'avait songé à le prévenir (de toutes façons, il n'aurait sûrement pas été admis en salle de travail... trop de problèmes). Mon fils est allé 10 jours en néonat... il avait été "contaminé" par le liquide amniotique infecté.

Et là... tenez-vous bien ! Je n'avais le droit d'aller le voir que l'après-midi !!!! Je tirais mon lait mais n'avais pas le droit de le mettre au sein ! Je pouvais le prendre sur mes genoux 20 à 30 minutes une fois par jour dans une espèce de "parloir" où on était deux ou trois couples de parents avec leurs bébés dans quelques m².

Mon fils devait ressortir de là le 24 décembre au soir... Le 23, on m'a dit "Vous pouvez le prendre... les résultats sont bons".... Et me voilà avec un bébé dans les bras... Heureuse qu'il s'en soit sorti mais désemparée puisque je ne m'étais jamais occupée de lui et que c'était mon premier bébé. J'ai dû improviser pour tout ! On m'a même pas envoyé une puer chez moi (d'ailleurs je ne savais même pas que ça se faisait...).
L'allaitement s'est très bien passé... un vrai miracle, non ? après tout ça... Ce bébé n'a été mis au sein qu'à 10 jours et même si il avait été nourri avec mon lait il ne savait pas ce que c'était que le sein (et moi je ne savais pas ce que c'était de faire téter un bébé... je ne connaissais que le tire-lait électrique !). J'ai eu du bol ! Enfin, c'est mon instinct maternel qui a fait le boulot...
A côté de ça... pleins d'autres soucis.

Peur de l'eau ... impossible de donner un bain... Solution du pédiatre : ne plus essayer de le mettre dans le bain... le laver au gant. J'ai compris 16 mois plus tard à la naissance de son frère que la peur de l'eau était due à la souffrance qu'il avait endurée à la fin de la grossesse et au moment de l'accouchement... Comme aux autres bébés le bain lui rappelait le liquide amniotique mais pour lui c'était des mauvais souvenirs. En effet, quand il a vu son petit frère, au retour de la maternité (naissance sans problème), heureux dans la baignoire il a demandé le jour même à prendre un bain ! La peur de l'eau est restée quand même...

Peur du noir ... Peur de la solitude... Difficultés d'endormissement...
Solution du pédiatre : le laisser pleurer... Il m'avait dit "Il ne souffre pas, c'est son rite d'endormissement". J'ai "écouté" les conseils du pédiatre... mais je souffrais terriblement de l'entendre pleurer. Et puis ça a pris de l'ampleur... il s'est mis à se balancer et à se taper la tête pour s'endormir... ça a duré des années.

Je ne comprenais rien à l'époque... j'écoutais le pédiatre ! Pourquoi je n'ai pas écouté mon coeur de maman qui aurait voulu prendre son petit contre soi ? Au lieu de ça... je lui donnais la tétée à heures fixes et le laissait pleurer seul dans son lit parce qu'on m'avait dit de faire comme ça !
Aujourd'hui... je m'en veux de ne pas avoir su comprendre mon bébé. Si j'avais eu plus de confiance en moi je n'aurais pas écouté le pédiatre... mais bon, il avait l'air d'en savoir plus que moi sur les bébés.

Je comprends aujourd'hui que N. était un bébé aux besoins intenses... Que de souffrances j'aurais pu nous éviter en ne suivant que mon instinct de mère.

Je voudrais tant que personne ne vive ça !

Aujourd'hui les services de néonat' ont évolué et accueillent davantage les mamans mais la séparation est quand même une épreuve difficilement surmontable même si elle est nécessaire. Il faut que les mamans qui doivent vivre ça se fassent aider, même si on ne leur propose pas.

Peut-on "récupérer" ce temps perdu ? je ne le crois pas... Quand I., mon troisième enfant, a eu 10 jours et que je me suis rendue compte de tout ce que j'avais déjà partagé avec elle... je me suis dit qu'il nous manquait quand même quelque chose à N. et à moi.

Malgré tout ça je remercie le personnel de l'hôpital parce qu'ils ont sauvé mon fils... (tous n'ont pas cette chance...). J'aurais juste aimé qu'ils se rendent compte qu'il avait une maman et que 20 minutes par jour c'est vraiment pas assez.

Câlinez vos bébés !
Prenez-les dans vos bras autant qu'ils le demandent !
Faites durer les tétées autant qu'ils le veulent !
Eux seuls savent ce qu'il leur faut.
Ecoutez votre coeur de maman... même si parfois c'est un peu fatigant.

E., maman de N. 15 ans, M. 13 ans 1/2 (allaités tous les deux entre 3 et 4 mois) et I. 2 mois (allaitée à 100 % !)