Oh ! Non, rien ne justifie la violence sur l'enfant, vraiment rien.

Comme tu le verras dans un texte que j'ai écrit voilà déjà pas mal de temps, les châtiments corporels et les humiliations verbales font beaucoup de mal. Je suis toujours à vif et je ne me suis jamais permise de pleurer, je n'y arrive même plus, parce qu'en plus de nous frapper, il nous la faisait fermer, il n'était pas permis de pleurer trop fort ou hurler notre douleur... c'est tellement imprimé dans mon esprit, qu'encore aujourd'hui je ne peux me défaire de ces actes et paroles. Mes parents ont toujours agi "pour notre bien". Ma mère voudrait que je ne vois pas mon père comme un monstre. Je ne lui veux pas de mal, c'est sûr (je lui ai même souhaité d'être heureux avec sa nouvelle compagne) mais si l'on me demande si j'aime mon père, j'ai toutes les difficultés du monde à dire que oui. A défaut d'aimer, je crois que je le hais, purement et simplement. Je ne peux pas aimer ni faire confiance à l'homme qui m'a détruite.

C'est sûr, éduquer des enfants n'est pas facile, il faut sans cesse répéter, éloigner du danger. La violence instille la violence. On vit aujourd'hui dans un pays en proie à cette violence, on s'en plaint, comment pourrions avoir le droit de s'en plaindre puisque c'est nous qui avons créé ce phénomène en corrigeant nos enfants. La suède est un pays pacifiste... et pour cause ! La violence, les fessées et châtiments corporels y sont interdits, strictement. Et si je ne m'abuse, les maltraitances sur les enfants avoisinent les 0% (3 % si mes souvenirs sont bons). Comment ont été créé des gens comme Hitler ou Hussein ? Comment peut-on voir aux infos un enfant de 13 ans brandissant une kalachnikov ? Si ce n'est par la violence qu'ils ont subi....

Frapper est un mode de communication mauvais, frapper un enfant est un exutoire à sa propre colère, un moyen de se défouler et se décharger de sa propre colère. Noah a pris récemment une légère claque par son père sur la couche, nous en avons reparlé ensemble et il a reconnu que ce n'était qu'un moyen de se soulager de sa colère. Dans ces conditions qu'apprend l'enfant ?
Que lorsqu'on est en colère, on frappe ? Tsss ! Tsss ! Tssss ! On lui interdira de la même façon de se batte contre un petit copain parce qu'il lui aura piquer son jouet. Pas très cohérent....

Ma meilleure arme lorsqu'un de mes enfants a un comportement inacceptable, c'est l'isolement ("pour réfléchir à tes actes"). Lorsque Kenny (qui apprend la violence à l'école où les bagarrres sont fréquentes) a lancé un coup de pied dans la tête de son petit frère, la tentation a été grande de lui poser mon 39 fillette où je pense, mais au lieu de ça, je l'ai envoyé dans sa chambre. Il est revenu 1/4 d'heure plus tard et s'est excusé auprès de son frère. Lorsqu'une colère est latente sans vraiment exploser, je les incite à la laisser exploser, les choses n'en vont que mieux ensuite. Il y a deux jours, je suis allée me faire faire une prise de sang. Pendant que j'étais prise en charge, j'ai laissé les enfants seuls. Il s'est produit un incident qui a fait peur à Noah. Il était inconsolable vu que je ne me trouvais pas dans la pièce. Il a passé la matinée à me rejeter et s'amuser avec son frère (aaaah la thérapie par le rire ! Ils ont passé leur temps en crise de fou-rire). Même pour un simple verre d'eau, il voulait que ce soit son frère qui lui donne. J'étais translucide à ses yeux, je n'existais pas. A l'heure de la sieste, j'ai proposé de lui changer la couche et d'aller dormir un peu. Il a commencé par refuser, puis s'est laissé changé et a voulu s'échapper. Je l'ai tenu contre moi pour lui faire un câlin, mais il me repoussait tout en râlant façon "il y a qque chose qui me gêne". Je ne l'ai pas lâché, sa colère a soudainement explosé, violente (j'ai pris un coup sous le menton). Je l'ai bloqué et ai attendu que cela se calme. Il a du pleurer un bon 1/4 d'heure de rage. Mais une fois calmé, j'ai eu un petit garçon trèèèèèès calme, disposé à m'écouter et apprendre de nouvelle chose.
Il est allé se coucher peu de temps après et j'ai eu droit à des méga-câlins.

Pour finir, j'ai pris conscience des méfaits de la violence à deux reprises. La première fois, lorsque mon ami (papa de Kenny) m'a rattrapé par la ceinture et un pied lorsque j'ai voulu sauté d'une corniche du 8° étage, la deuxième fois, lorsque j'ai eu ma première pulsion de violence contre Kenny (je me suis littéralement fait peur). Depuis, je m'ingénie à trouver des alternatives, des trucs pour ne jamais arriver à frapper.

Ci dessous un message que j'ai envoyé il y a qques temps sur une autre liste :
"Ce qui m'a aidé à prendre conscience que mes parents faisaient mal et qu'il y avait une autre méthode pour élever ses enfants que la violence, c'est d'avoir rencontrer des enfants de mon âge élevés sans coups et qui étaient bien moins torturés que moi. Leurs parents aussi me disaient avec horreur "taper ! ha ! non, jamais !" Enfants et parents étaient très proches les uns des autres. Et puis, mes parents se sont rendu-compte que finalement cela ne servait à pas grand-chose puisque mes 2 plus jeunes soeurs n'ont pratiquement pas été touchées.... elles sont aussi les plus équilibrées de nous 4.

Le témoin lucide et compatissant pour moi, en premier lieu, a du être ma marraine. Mais elle a épousé en seconde noce un homme qui frappait et humiliait ses belle-filles(une en particulier) et elle laissait faire.
J'étais déçue et cela me choquait (j'ai assisté à des scènes terribles qui se passaient généralement à huis clos). Puis, il y a eu une voisine qui m'a consolé après avoir pris une raclée. Sans juger mes parents, elle me "pansait". Puis, vers 12 ans, j'ai assisté à une des pires violences que j'ai jamais vu. Des images terribles... un homme qui a battu sa femme sous mes yeux, ma presque-cousine qui hurlait de peur et lui intimait l'ordre d'arrêter, les plats qui volaient à travers la pièce et tout d'un coup, la petite fille de 8 mois qu'il brandissait au dessus de sa tête pour la fracasser au sol... j'ai hurlé, terrifiée, ma cousine hurlait "pas ma petite soeur !". Il m'a entendu juste derrière lui, il tenait le BB par un bras et il m'a tendu le bras avec sa petite fille au bout, un doigt tendu, "toi DEHORS" et alors qu'il se précipitait vers moi le poing levé, j'ai lâché le chien que je serrais à l'étouffer et je me suis enfuie, honteusement mais pétrifiée d'horreur. Lorsque j'ai raconté la scène à mon père, il a été le premier à crier haro sur cette violence extrème et le premier à me dire que si cet homme m'avait touché, il aurait eu affaire à lui... et de gros ennuis. Mais quelle différence y a-t-il avec sa violence ? parce qu'à ses yeux la sienne était justifiée par les bêtises, les agacements,... ? Parce que je n'étais pas conforme à ce qu'il voulait ? C'est vrai, il ne nous "battait" pas en dehors d'un cadre particulier "d'éducation", jamais gratuitement (encore heureux !) mais cela arrivait très souvent, parfois des périodes où c'était quotidien et les humiliations, parfois pire que les coups, elles, par contre, ont toujours été gratuites tellement humiliantes qu'aujourd'hui encore, je ne peux les exprimer tant j'ai honte.

Quand je pose ma main sur les joues de mes enfants, si petits, j'ai peine à imaginer qu'elle pourrait frappait de la même façon qu'elle caresse.

Imaginez vous la main d'un homme d'1m80, 70 kilos de muscles, avec toute la force que lui donnait ses entrainements spécialisés en gendarmerie, arriver sur la joue d'une petite fille d'à peine 5 ans brusquement, violemment. Tellement violente d'ailleurs que la petite fille en reste pétrifiée, oublie de réagir et de pleurer, se tenant juste la joue avec sa main, geste dérisoire pour se protéger d'un éventuel retour et pour faire un premier pansement. Cette petite fille n'a jamais cessé de vouloir plaire à ses parents, cela devenait une obsession, faire plaisir. Mais la douleur des coups, leur fréquence la paralysait. Elle n'arrivait plus à savoir ce qu'ils attendaient d'elle, ce qu'ils voulaient. Et les coups pleuvaient encore plus. Elle a fini par ne plus avoir confiance en elle, à ne plus rien entreprendre de peur de fauter, pourtant, il fallait être parfaite et parce qu'elle n'était pas parfaite, à 11 ans, le père l'a mise au carreau, à coups de ceinturon. Elle a tellement honte d'avoir pris cette raclée qu'elle n'en parle à personne et puis, "c'est de ta faute, tu n'as pas assez bien travaillé, t'as pas fait comme il fallait". Et puis, le père lui aviat dit "tu en veux encore apparemment ! tu continues tes bêtises ! Faut croire que tu aimes ça !" Ca fait mal, comment pourrait-elle aimé ces châtiments qui s'impriment dans son corps, laissent des marques affreuses... ? La dernière fois qu'il l'a touché, elle avait 14 ans, il l'a mise au carreau encore une fois (on est plus à une fois près, hein ? une de plus, une de moins, ça ne change plus rien à près de... combien d'années exactement ?) pas à coups de ceinturon, il ne l'avait plus sous la main ayant pris sa retraite de gendarme, non, mais à coups de giffles qui étourdissent, et la colère montant, s'est défoulé à coups de poing (où les a-t-elle reçu ? elle ne sait plus, trop occupée à se protéger), puis l'a fini à coups de pied au sol, maigre refuge, roulée en boule, tel un foetus qui appelle sa mère au secours pour se protéger, genoux sous le menton, les coudes relevés jusqu'aux oreilles serrés devant le visage, le souffle court, des cris qui s'échappent parfois, et une petite voie au fond d'elle qui appelle "maman, maman !" Elle a grandi, elle est devenue rebelle.. Elle déteste cette souffrance, elle déteste cette soumission, la loi du plus fort sur le plus faible. Elle passait son temps à rêver, à dessiner et refaire son monde à sa façon...."un jour, j'aurai des enfants et je les aimerai". Elle a grandit, mal, si mal. Il ne pouvait plus la battre, elle pourrait parler, dire l'indiscible, et puis, on bat facilement un enfant qui mesure 1 m, mais 1 m72, c'est plus dur. Alors, les humiliations prennent le relais toutes aussi pénibles les unes que les autres. La violence s'est arrêtée, d'un seul coup... et ça manque. Elle passe alors par tout un tas d'état allant de la prostration à la haine viscérale et violente... mais où tourner cette violence ? Elle ne peut pas la faire aux autres, elle en est incapable, mais elle ne peut vivre sans cela, cela fait partie d'elle... alors elle la retourne contre elle, elle se fait du mal, se met en danger, perpétuellement, devient une ado difficile, anorexique, fumeuse, même l'alcool la tente.... son père ne comprend pas cette détresse et veut l'émanciper pour la fouttre dehors au lieu de l'aider. Il est dépassé par sa propre violence instillée avec soin pendant toutes ces années. Les études finies, elle prend son job d'été, avec son père. Et là, nouvelles humilations, devant des collègues... il part un mois en vacances, revient pour insulter, humilier encore cette pauvre fille, il ne la laissera donc jamais en paix, elle ne sera donc jamais à la hauteur... avec tout ce qu'elle a traversé cette année là. Elle part qques temps chez sa grand-mère, pour quelques semaines de repos. Les 3 premiers jours, elle n'a fait que dormir non stop, à peine si elle a pu manger. Trop fatiguée, au bord de la rupture, la grand-mère lui a dit "toi, si tu fais une dépression, tu retournes chez toi, j'ai eu assez de ta mère !" C'est pas grave, elle est habituée, elle ravale tout, sa hargne, sa rage, sa haine, sa souffrance, et elle continue. Au bout de 15 jours, elle se rend compte qu'elle ne peut pas retourner chez elle, c'est une idée insupportable. Elle restera chez sa grand-mère et cherchera du travail pour s'installer là où elle se sent le mieux. Après plusieurs mois, la grand-mère la renvoie, pour veiller sur sa mère qui ne va pas bien. Elle non plus ne va pas bien, à l'annonce de cette nouvelle, elle se sent désespérée, elle hurle qu'elle préfère se tuer que de revenir vivre là. Elle a très vite rencontré quelqu'un, à vif, comme elle et elle se réfugie très souvent chez lui. Pour finir par vivre ensemble.

La violence a continué, insupportable. Elle a continué à se faire du mal, jusqu'à vouloir mourir et tenter de mettre fin à sa souffrance permanente. Elle est fond d'un trou dont elle pense ne jamais sortir. C'est trop dur, elle est si fatiguée, si faible, si malheureuse... Elle veut juste que ça s'arrête, suspendre le temps, dormir éternellement pour ne plus avoir mal.
Il n'y a plus rien d'autre qui compte, ni parents, ni soeurs, ni ami amoureux et attentionné. Le néant l'attire, ne jamais avoir existé. Elle pense qu'elle n'aura jamais d'enfant, pour ne pas leur faire vivre cet enfer. Elle ne sait pas ce que c'est que d'être heureuse comment pourrait-elle l'apprendre à un enfant ? Pourtant, peu de temps après, elle est enceinte. Mais très vite, il faut perdre cet enfant, la peur la saisie. Aux yeux des autres, elle n'est qu'un ventre et on prend soin de ce ventre. Mais qui se soucie d'elle ? Personne. Elle a failli le perdre et au dernier moment, elle décide de poursuivre cette grossesse pourtant si attendue. Elle restera allongée jusqu'au bout pour donner toutes les chances à ce bébé pour lequel elle déborde d'amour, sans soutien d'ailleurs, comme d'habitude "la grossesse n'est pas une maladie, t'en fais un peu trop !" Elle les emmerde tous. La violence s'est effacé un temps, juste le temps de cette grossesse menée à terme. Le jour de l'accouchement, elle ne veut pas que cet enfant sorte, elle veut le garder pour elle, que personne n'y touche, que personne ne lui fasse du mal. Elle fait de "l'anti-travail" pour qu'il reste encore un peu à elle toute seule. Enfin, elle le laisse venir. Se séparer de lui est une torture, la première nuit se passe mal. La 2° nuit, il est sous les lampes bleues, elle pleure toutes les larmes de son corps "rendez-moi mon bébé", elle s'accroche à lui comme à une bouée, il sera celui avec qui elle pourra panser ses blessures, réparer le mal qu'on lui a fait en lui faisant tout le bien qu'elle n'a pas eu. Mais les choses rêvés se passent moins bien que dans la réalité. Cet homme à vif qui devait servir de père à son enfant a lui aussi des comptes à rendre à la violence et dès le retour de maternité, il entre dans des rages folles, ne supporte pas sa femme en mère poule de son enfant, prête à tout pour le protéger. Il menace de l'enlever, il menace du poing, giffle parfois... la loi du plus fort, la soumission... elle s'était promis de ne jamais revivre cet enfer, elle devient violente, se rebiffe et se dit que tant qu'à être pleine de bleus, autant en donner aussi. Elle ne frappera pas la première mais si lui frappe, elle se défendra quitte à se faire tuer et jamais, au grand jamais, il ne touchera un cheveux de son enfant. Cet enfant si doux, si câlin qui panse ses blessures, lui donne le droit d'être aimée enfin, simplement, totalement. Il a souffert de ces violences contenues comme une tempête qui passe au large des côtes et ne génère que de vents violents. Il est malade, appel au secours de tout son petit être. Elle est désespérée. Puis, un psy va les aider. Leur couple tiendra encore 10 mois. Elle s'est lié d'amitié avec un homme qui lui apporte la stabilité, le réconfort... et d'amitié en amitié, l'amour plein et entier est apparu. Un BB est venu compléter le tableau. La violence a disparu, tapie dans un coin, quelque part, on ne sait trop où. Elle ressurgit parfois comme un moteur pour avancer : la rage de vaincre. Vaincre son passé, son malheur. Avancer toujours plus loin et aller toujours plus haut."

Je t'ai donné bien de la lecture, mais comme tu le vois, la violence éducative peut faire beaucoup plus de mal qu'on ne le pense en général. J'aurai encore beaucoup à dire à ce sujet (pour moi, intarrissable). Si les gens savaient ce que ressent l'enfant lorsqu'on lui colle une raclée ou une giffle, cela changerait il quelque chose ? Bon, c'est vrai, je prêche pour ma paroisse ;-))

Thalie, Kenny 6 ans, Noah 26 mois