A propos de la violence ordinaire mères-filles
C'est au triple titre de maman (d'un petit garçon de 3,5 ans),
future maman (enceinte de trois mois), et fille que je témoigne
sur les relations mères-filles.
Pourquoi me dirait-on ? Parce que je suis choquée de la violence
qu'on peut infliger à nos enfants, verbalement, et notamment à
nos filles, violence qui laissera des traces indélébiles
dans leur coeur et dans leur âme. J'en sais quelque chose !
Que je m'explique : il y a trois semaines, je recevais à dîner
un couple d'amis et leurs deux enfants, un garçon de 8 ans et une
petite fille de 2.5 ans. En arrivant, la maman me demande si je souhaite
connaître le sexe du bébé à l'échographie.
Je lui réponds que oui, surtout que, rêvant désormais
d'une fille, il faudra que je m'habitue à l'éventualité
d'avoir un second garçon pour l'accueillir et l'aimer de mon mieux.
Et voilà cette maman, avec son petit ange blond accroché
à ses jambes, debout dans l'entrée, qui m'assène
: "ben, moi, tu vois, si j'avais pu choisir, j'aurais eu deux garçons
parce que franchement les filles, c'est plus pénible...."
Cela m'a fait l'effet d'un coup de poing ! Je reste bouche bée.
Elle me demande si ça va. Je lui réponds : "Oui, oui,
mais, s'il te plait, fais attention à ce que tu dis devant ta fille...si
tu savais combien j'ai haï ma mère quand je l'ai entendue
dire qu'elle aurait préféré avoir trois garçons
!". Mon amie me rétorque : "Mais, je l'aime de tout mon
coeur pourtant". Ah bon, et comment veux-tu qu'elle le sache avec
ce que tu viens de dire ? Tu sais, quand ma mère a dit ça,
j'ai pensé, logiquement, qu'elle regrettait ma naissance....et
ça, c'est gravé à tout jamais dans mon coeur et ma
mémoire.
Plus tard dans la soirée, la conversation revient sur le sujet.
Je répète à mon amie de faire attention à
ses paroles. Elle me répond que je ne peux pas savoir encore combien
c'est "plus dur" avec une fille. Et, je l'écoute....elle
raconte la complicité de sa fille avec son papa, qu'elle a parfois
l'impression que le papa a une préférence pour elle, qu'elle
est moins câline, moins tendre que son fils. Et là, me vient
une évidence qui a soulagé la petite fille que j'ai été
: ce n'est pas l'enfant qui est en cause, mais la maman ! c'est la maman
qui ne sait pas comment se comporter avec sa fille, c'est la maman qui
est jalouse de la relation avec le papa, et c'est finalement la maman
qui câline moins sa fille que son fils...
Ce "discours", je ne l'ai que trop entendu ! Cela fait tellement
mal à la petite fille en moi ! Il y a quelques jours, même
ma psy s'y est mise..."vous verrez, si c'est une fille, ce sera plus
difficile, les filles sont plus critiquantes, plus agressives" etc...Là,
j'ai senti que ce n'était pas la psy qui parlait mais la maman
d'une fille !
Qu'est ce qui génère ça ? Je ne peux y apporter de
réponse. Je cherche pourtant depuis longtemps. J'ai fait deux psychothérapies
(à chaque début de grossesse) car j'ai peur, terriblement
peur de "reproduire" l'agressivité, la violence, l'animosité
de ma mère envers sa fille.
J'arrive à calmer cette peur à chaque fois mais je ne trouve
pas de réponse à ma question : pourquoi ? Je suis déjà
maman d'un petit garçon. Je suis heureuse qu'il soit venu en premier
dans mon histoire de maman. Je suis devenue mère avec lui sans
avoir trop peur de reproduire, puisque c'est un garçon. Il m'a
préparée à recevoir la petite fille que j'espère
tant dans ma vie. J'espère être digne d'elle et l'aimer comme
tout enfant le mérite et non "comme une fille". Mon défi
? Que ma fille, si j'ai le bonheur d'en porter une un jour, soit une enfant
heureuse qui ne ressemble pas à la petite fille qu'a été
sa maman, triste, seule, angoissée, agressive, brisée par
la violence méchante de sa mère, poignardée par cette
phrase qui dénonçait tant son "inutilité"
dans la vie de sa mère.
Aimons nos filles autant que nos fils, elles n'ont rien fait pour mériter
"ça", et nous le rendront bien !
Pascale.
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