Je pense qu'il est important de profiter de la fusion tant qu'elle est là, et tout aussi important de réaliser qu'elle prend fin quand ça se produit Je trouve cette question du sevrage des petits pas très petits,
vraiment délicate, et pleine de pièges, encore plus par
chez nous où si peu de gens ont cette expérience de l'allaitement
d'un "grand" ("grand" signifiant malheureusement trop
facilement par chez nous "obéissant sous contrôle émotionnel",
dans les attentes "standards")...car si je dis que j'en ai marre,
entre ceux qui disent "bien fait, t'avais qu'à pas y aller"
et ceux qui disent "t'y es t'y restes, c'est ainsi", en effet,
où trouver son propre chemin...qui respecte celui de l'enfant. Sur l'allaitement, je ne crois pas qu'un enfant puisse "s'arrêter
tout seul" quand il n'en a plus "besoin" (besoin de quoi
? Qui décide ? Qu'est-ce qu'un besoin ?) : à mon avis c'est
une myhtologie qui fait des dégâts : parceque personne n'est
jamais seul, ne décide seul dans son coin. L'allaitement est une
relation, et cette vision du respect du "besoin" de l'autre
me semble en réalité terriblement isolante ! "Je n'ai
rien à voir là dedans, c'est lui qui ... " : je fais
quoi de mes inévitables influences parentales ? pas seulement pour
l'allaitement. Un enfant n'a pas du tout une représentation du
"temps" comme la nôtre (qui évolue toute notre
vie, de toute manière; à 15 ans, 20 ans 30 ans, 40 ans ...60,
70 85 ans c'est encore autre chose), et en tout cas tant qu'une conception
de quelque chose comme la fin, la mort, la finitude, la limite n'est pas
là, la décision d'arrêter l'allaitement n'a pas de
sens pour lui ! J'ai beaucoup cherché, dans les tous premiers mois d'Elfie, à
essayer de voir "combien de temps" (durée, fréquence
des tétées, durée de l'allaitement) était
"le mieux", avant de voir que PERSONNE ne pouvait répondre
à cela, que l'allaitement était bien loin de n'avoir qu'une
fonction essentiellement nutritive (ce que je croyais au départ),
et que les mieux placés pour répondre c'était nous,
tout simplement. Pas elle, ou moi, mais nous. Dans les premiers mois d'allaitement
exclusif, c'est simple. Encore quelques mois de rab le temps d'apprendre
à manger, ça va encore. Et après, on fait quoi ?
Là ça se complique sérieusement . De moins en moins
de nutritif, de plus en plus de ...quoi, au fait ? C'est en essayant de
voir ce "quoi" que le "sevrage" (en réalité
"techniquement" commencé dès la fin de l'allaitement
exclusif), et donc notre relation d'allaitement, a suivi son évolution.
Qui ne peut être la même pour personne, même si des
convergences s'observent : entre autres ce "ras le bol" de la
maman, plus ou moins fort, tôt...et sauvage parfois ! (ça
me fait penser aux petits mammifères qui se font croquer, battre,
griffer, bref chasser par la mère quand elle perçoit qu'ils
sont prêts à se débrouiller). Nous passons notre temps "sous influence", notre individualité
intervient dans le tri, par l'apprentissage de modes de sélection,
pas dans la réception des informations qui arrivent toutes, et
les enfants sont tellement réceptifs à toutes sortes d'impressions
que je ne vois pas comment l'entourage ne serait pour rien dans leurs
décisions ! Par exemple sur l'allaitement, si le papa n'est pas
d'accord (même sans en être vraiment conscient, sans avoir
fait quelque chose manifestement "contre"), l'allaitement est
compromis... même Il n'est absolument pas nécessaire de formuler quoi que ce soit sur un quelconque sujet, y compris "lui" (qui au départ n'est pas un "lui" constitué), pour qu'un enfant se fasse une idée de ce qu'il croit devoir adopter comme attitude vis-à-vis de ce sujet d'après ce qu'il perçoit de la(des) personne(s) de référence (c'est long à dire, mais ça va très vite). Il peut très bien arrêter de téter, même si personne n'a rien dit, ou même dit "vouloir continuer". Par contre un enfant peut très bien de lui-même se sentir attiré par toutes sortes de choses (et on ne peut l'y obliger ! le "trainer" quelque part, oui, mais mobiliser toute son énergie, ça ne peut être que de lui que ça vient) et en oublier de téter...de plus en plus souvent ! Et de plus en plus longtemps... jusqu'à ce que ce ne soit vraiment plus "d'actualité" : il se rend compte que "ce n'est plus ça", ça tombe bien pour la maman non plus. Personne ne l'a vraiment voulu, ni refusé, ça s'est fait en vivant le présent. Mais si ce présent est noyé sous des attentes, du "non-dit", ça complique... Je n'aime pas l'idée des "nécessaires frustrations"
constructives, au nom desquelles il est impératif de ne pas trop
materner les tout petits et de sortir vite fait de la fusion (théorie
psy en vigueur)... Tout simplement parceque selon moi il est inévitable
"d'en sortir", de la fusion. Ou plutôt "d'en rentrer",
car en fait il s'agit bien d'apprendre à fonctionner avec une "unité
spatio-temporelle" limitée fonctionnellement (dans son usage
courant) : un corps. Quoi qu'on fasse (sauf pour certains autismes, certaines
"psychoses", semble Je pense qu'il est important de profiter de la fusion tant qu'elle est là, et tout aussi important de réaliser qu'elle prend fin (disparaît du devant de la scène, notre écran intérieur, mais est là en fait) quand ça se produit : ce n'est pas notre volonté qui en décide, pas plus que celle (non construite au départ) de l'enfant. Respecter tout ça demande beaucoup d'attention, et les "ras le bol" qui surgissent dans l'allaitement me semblent un bon indice de cette fin...de la fusion, pas forcément de l'allaitement, mais d'un allaitement "à la demande", satisfaisant naturellement l'un et l'autre, oui. Ah ! Comme ça me semblait simple et facile, ces premiers mois... mais je le dis après, bien sûr ! Sur le moment, les bouleversements, la fatigue de l'accouchement, les ajustements à vivre étaient si importants que la simplicité de l'allaitement d'alors était particulièrement bienvenue. Pas de "non" à l'horizon...que du "oui". mmmhhh. Tristesse. Quand la prématurité du petit d'homme et de femme commence
à laisser la place à un être presque fini (reste à
grandir, peaufiner quelques systèmes, mais ça y est on rattrappe
les animaux : on peut suivre le troupeau), le PMP (programme maman prioritaire)
peut laisser la place à une légitime récupération
de la femme par elle-même. Il semble que si une mère a beaucoup "pris" sur elle, quand elle en a vraiment marre ça peut-être bien au-delà de ce qui a l'air de peser sur elle, ce qui démultiplie le ras le bol "contre" le maternage, même sans allaitement. Et ça fait très mal. J'ai vu des femmes tout a coup prises d'un irrésistible besoin de retravailler, au bout de 2 ans de "bons et loyaux services" : boum ! Plus personne, enfant avec sa maman du jour au lendemain en collectivité toute la journée, par exemple. Affreux. Et les mamans prennent beaucoup trop sur elles, pratiquement toutes, je trouve, parcequ'elles sont trop seules, dans un monde où beaucoup trop de gens sont trop seuls (au sens : isolés). Une autre possibilité est de nier cet irrépressible besoin de l'ego maternel à "reprendre ses droits sur ce qui lui appartient" : son corps, pour commencer. Je continue à donner à téter sans conscience du "non" qui ne peut manquer de se manifester tôt ou tard, je pense : je me coupe de moi-même, comme pour beaucoup d'humains c'est déjà fait, ça continue. La violence des "nons" accumulés, si elle sort d'un coup, peut amener des sevrages très brutaux : "non" pour toujours... sans préavis. Toutes ces difficultés de l'allaitement long, les mamans qui n'ont
pas allaité les vivent aussi, et pour moi je les trouve plus simples
à aborder dans l'allaitement : je ne peux pas les ignorer si j'écoute
mon corps (ce que j'ai entraîné pendant des années)
! Toutes les interrogations autour des doudous, sucettes, habitudes réconfortantes
me semblent plus difficiles parceque je n'y ressens pas la certitude,
l'assurance dans mon corps que j'ai bien donné tout ce que je pouvais
et que c'est le "bon" moment de dire non, et de me préparer
à accueillir les conséquences. Ce moment étant plus
incertain à évaluer, la transition peut souvent être
imposée au lieu d'évoluer, souvent sous pression sociale
(voir les doudous "qu'on laisse dans la caisse à l'entrée"
pour la vie en collectivité, les doudous de petits remplacés
par des doudous de grands mais l'habitude n'a pas été quittée,
en fait, si l'émotion ne s'est jamais faite "Je veux bien continuer à te prêter mes seins, mais tu me le demandes"..."toi tu veux, moi je ne veux pas : nous ne sommes pas d'accord"..."ce soir/à la maison/tout à l'heure/quand j'ai fini de ..." : ce n'est pas automatique, ce n'est pas un dû, et j'ai le droit de ne pas être d'accord. C'est ce que je vis avec Maximilien en ce moment. Pour Elfie, la limite de mon espace personnel est encore en négociation quasi-constante (je crois que nous n'avions pas achevé cela à la naissance de son petit frère). Inutile de dire que cet apprentissage est fondateur de bien des qualités relationnelles, immédiatement disponibles pour la vie de tous les jours ! Ainsi, Maximilien est très sensible au fait qu'on lui demande de lui emprunter ce qui est à lui : c'est souvent oui, mais si on lui prend sans rien dire, il est très en colère, à juste titre, je trouve. Et il vient à table "quand il a finit de ...". Forcément. La question est "suis-je prête à lui laisser autant de liberté que ce que je prétends vouloir lui donner ? Est-ce que moi-même j'en dispose, de cette liberté ?". Valérie, maman d'Elfie et Maximilien |