Les mamans qui allaitent longtemps leur enfant entendent parfois des questions très étonnantes et naïves à propos de leur allaitement qui se prolonge.

Il arrive souvent qu'elles ne sachent pas quoi répondre à ces questions tant l'état d'esprit que traduisent ces questions est éloigné du leur ! Voici un florilège de ces questions naïves, assorti de réponses tout aussi naïves…

- Moi, ça me choque qu'un bébé de deux ans tète encore le sein de sa mère.

Aujourd'hui, notre vision de la petite enfance est tellement encombrée par les objets destinés à remplacer la présence humaine que nous en oublions que c'est le biberon qui remplace le sein et non pas l'inverse ! Ainsi, ça ne choque personne de voir un enfant de 4 ans prendre encore un biberon de lait le matin, alors que beaucoup de gens se disent choqués qu'un enfant de deux ans soit encore allaité… Si ce qui est naturel doit choquer davantage que ce qui est artificiel, alors nous en arriverons aussi à trouver choquant qu'un enfant de 2 ans suce son pouce, tandis qu'un enfant de 4 ans pourra sucer sa sucette sous nos regards attendris !

- Oui, mais ce n'est pas pareil, le biberon et le sein.

Dans toutes les maternités françaises, on déculpabilise les mères qui ont décidé de ne pas allaiter en leur disant que sein et biberon se valent quasiment. Si biberon et sein se valent pour un bébé qui vient de naître, alors sein et biberon se valent également pour un enfant de deux ans. C'est une question de logique ! Admettre que le sein et le biberon ne sont pas pareils, ce serait admettre également qu'il manque quelque chose de très important à un nourrisson privé du sein ! Si vous n'êtes pas prêt(e) à entrer dans cette démarche, alors il faudra vous résoudre à considérer que le sein et le biberon sont équivalents quel que soit l'âge de l'enfant.

- A partir d'1 an, un bébé n'a plus besoin du lait maternel, alors à quoi bon l'allaiter ?

Certains pédiatres conseillent de donner à un enfant entre 1 et 3 ans du lait de croissance. Le lait de vache, en effet, ne couvrirait pas les besoins du bébé en fer et en acides gras, et serait trop riche en protéines. Nul n'oblige les mères à donner du lait de croissance à leur enfant si elles ne le souhaitent pas, le pensent inutile ou trop cher. Mais à l'inverse, personne ne reprochera aux mères qui souhaitent suivre les recommandations des pédiatres les plus stricts d'être persuadées du bien-fondé de leur démarche. Il en va de même pour les mamans qui allaitent leur bébé de plus de 1 an. Les pédiatres qui préconisent l'emploi du lait de croissance entre 1 et 3 ans leur donnent raison puisque la composition du lait de croissance a été formulée à partir de celle du lait maternel.

- Moi ça me choque de voir un grand bébé téter car il y a là une dimension érotique qui me gêne.

Que le sein ait une dimension érotique est une réalité qui n'interfère pas avec sa dimension maternelle. Après tout, cela ne dérange personne d'utiliser sa bouche dans des contextes amoureux comme maternels. Ainsi, une femme embrasse sur la bouche son amoureux, et la seconde d'après dépose un baiser sur la joue de son petit, sans que cela n'inspire à personne la moindre gêne. Pourtant, un baiser amoureux est un acte au moins aussi sensuel qu'une caresse sur le sein… Aussi est-ce davantage le côté insolite d'une situation dont nous n'avons pas l'habitude qui peut déstabiliser, car, le sein féminin, contrairement à la bouche, est généralement considéré dans notre société uniquement dans sa dimension érotique.
Notre culture nous éloigne fortement de notre état de nature, et il nous faut parfois faire des efforts pour retrouver l'esprit innocent de certaines situations naturelles. C'est pourquoi il est plus facile aux personnes très à l'aise avec leur corps de retrouver des gestes aussi élémentaires que de donner le sein à son bébé ou de mettre son enfant contre sa peau nue pour lui communiquer sa chaleur. Cependant, les personnes que l'allaitement met mal à l'aise, devraient reconnaître que c'est leur regard qui est vicié, et non pas l'acte lui-même qui n'a rien que de très naturel et a conditionné la survie de notre espèce durant des millions d'années…

- Oui, mais c'est empêcher son enfant de grandir que de l'allaiter trop longtemps.

Dans la mesure où le biberon constitue un substitut du sein maternel, l'enfant allaité et l'enfant au biberon sont, d'un point de vue de la maturité psychologique, à égalité, puisqu'ils satisfont à travers le sein ou le biberon leur besoin de succion en même temps que leur goût pour le lait. La différence entre les deux réside dans le fait que l'enfant qui tète le sein de sa maman obtient d'elle un câlin qu'aucun biberon au monde ne procurera jamais. Mais ce n'est tout de même pas empêcher son enfant de grandir que de le câliner !
Encore une fois, soyons logique : le substitut ne peut pas être meilleur que l'original, et si l'on trouve normal qu'un enfant soit attaché à ce substitut, on ne doit pas s'étonner de ce que d'autres enfants ayant la chance d'avoir la version originale de ce même plaisir y tiennent encore !

- Mais votre lait, après si longtemps, il ne doit pas être très bon ni très riche !

Certaines publicités vantant la qualité du lait de vache affirment que les vaches laitières bien traitées et bien nourries produisent du bon lait. Si c'est vrai pour les vaches, c'est vrai aussi pour les femmes ! Ajoutons que généralement, dans les pays développés, les femmes sont beaucoup mieux traitées et mieux nourries que les vaches, heureusement pour elles. Elles doivent donc réussir sans problème à produire un lait d'excellente qualité.

- Et quand est-ce que vous allez sevrer votre enfant ?

Cette question semble si essentielle aux yeux de nombreuses personnes qu'il arrive que cela soit la seule question que l'on vous pose au sujet de votre allaitement. Pourtant, la relation de l'allaitement, le bonheur qu'elle induit, les bienfaits qu'elle entraîne, mériteraient bien que l'on s'y intéresse plutôt que de se focaliser uniquement sur sa fin, comme si cela seul importait. Pour les mamans qui laissent leur bébé se sevrer de lui-même, il est difficile de dire à quel moment l'allaitement a pris fin. Considérez-vous qu'un enfant qui tète une fois tous les 2 jours soit encore allaité ou bien diriez-vous qu'il est déjà sevré ? Et cela a-t-il vraiment une si grande importance ? Si des parents vous confiaient vivre des moments très câlins avec leurs enfants, trouveriez-vous adéquat de leur faire remarquer, avant toute chose, qu'il faudra bien que cela cesse un jour ?

- En tout cas, ça ne fait pas des enfants autonomes…

Ce préjugé se fonde réellement sur aucune base solide, dans la mesure où les personnes qui le véhiculent n'ont parfois jamais connu d'enfant ayant été allaité plus de 6 mois. C'est justement parce qu'elles ne connaissent aucun enfant ayant été allaité longtemps que ces personnes continuent de penser que ces enfants sont moins autonomes que les enfants sevrés tôt. A l'inverse, lorsqu'une personne se trouve convertie aux bienfaits de l'allaitement long, c'est souvent parce qu'elle a eu la chance de rencontrer des familles où l'allaitement long est pratiqué, et a pu observer à quel point les enfants issus de ces familles étaient agréables et équilibrés. A l'âge où la majorité des enfants supportent difficilement les frustrations, contrôlent mal leur agressivité et recherchent l'approbation et l'attention des adultes de façon excessive, les enfants ayant été maternés à volonté sont souvent plus calmes, plus doux, plus autonomes.

De toute façon, chez tout enfant normal et bien portant, la volonté de grandir, d'imiter l'adulte et de se sentir progresser est si impérieuse, qu'il n'est pas nécessaire de forcer l'enfant à abandonner ses habitudes de bébé telles que téter ou porter des couches. C'est de lui-même que l'enfant souhaite, un jour, être propre et ne plus téter, si on en lui laisse l'initiative. Et l'on peut être certain que l'enfant qui aura de lui-même décidé de passer un cap important comme celui de ne plus téter le fera avec d'autant plus de succès et de fierté ! L'idée selon laquelle il est nécessaire qu'un progrès de l'enfant se fasse dans la frustration et la souffrance, comme le sevrage forcé que l'on fait subir à la majorité des enfants, ne se fonde sur aucune observation tangible. Tous les bébés heureux, aimés et choyés, ont plaisir à progresser et sont acteurs de leur développement sans qu'il y ait besoin de les contraindre.

Sylvaine