Lorsque j'ai commencé à allaiter ma fille à sa naissance, je l'ai fait pour lui donner le meilleur de moi-même, sans penser que cela allait m'engager dans une si longue aventure.

Je suis la maman d'une petite Chloé âgée de 18 mois que j'allaite toujours. Je suppose que cette durée d'allaitement a de quoi étonner bien des gens pour qui cette situation est inimaginable ; pourtant je la vis (et mon enfant aussi) comme une chose naturelle, simple et confortable.
Lorsque j'ai commencé à allaiter ma fille à sa naissance, je l'ai fait pour lui donner le meilleur de moi-même, sans penser que cela allait m'engager dans une si longue aventure. En réalité, si je n'avais pas eu l'ambition de l'allaiter au moins six mois pour qu'elle profite des vertus du lait maternel jusqu'à la diversification, je n'aurais jamais su que l'allaitement pouvait être aussi merveilleux et constituer un pan si beau de la relation entre une mère et son enfant. Je l'aurais sans doute sevrée vers l'âge de trois mois, en me félicitant de retrouver, grâce au biberon, mes soutiens-gorges d'avant et ma liberté de travailleuse. Je n'aurais ainsi jamais su qu'en attendant un tout petit peu, ne serait-ce que deux ou trois mois de plus, j'allais retrouver les mêmes avantages sans avoir eu l'inconvénient de la sevrer. Ouf ! Je n'ai pas commis cette erreur grossière que de m'imaginer que le biberon allait résoudre tous mes problèmes, et j'ai donc continué de donner le sein à ma fille, pour son plaisir comme pour le mien, en faisant l'effort de tirer mon lait à la reprise du travail. Progressivement, elle a commencé à s'intéresser à bien d'autres mets qu'à mon lait, à d'autres visages familiers que le mien, à me laisser plus de temps pour moi en étant heureuse quelques heures sans moi. Nous avions toujours ce moment intime de la tétée pour nous retrouver, pour oublier tous les malheurs ou inconforts de la journée…
Lorsqu'elle a dépassé l'âge de un an, de très bonne mère que j'étais aux yeux des gens à qui je parlais de mon allaitement, je suis devenue progressivement " celle qui ne veut pas sevrer son bébé " . Avais-je donc un problème ? La question méritait peut-être d'être posée, mais il faut bien avouer que tous ceux qui se seraient risqués à me la poser de front, en utilisant des moyens plus francs que leurs minuscules insinuations, se seraient heurtés à une réponse un peu brutale : " Oui, j'ai un problème, celui d'aimer tant mon enfant que je souhaite lui épargner la souffrance d'un sevrage dont elle ne comprendrait pas les raisons, et qui lui apparaîtrait comme l'arrêt de mon amour pour elle. " Car je veux bien croire qu'il existe des bébés à qui l'on fait prendre le biberon sans problème et pour qui le sevrage ne représente pas un traumatisme. Mais ma fille, et je lui donne raison, a toujours pensé que mon sein lui apportait beaucoup plus que de la nourriture. Lorsqu'elle a eu six mois, elle a commencé à refuser les biberons que son papa lui proposait en mon absence et préférait attendre mon retour du travail pour téter. Ce refus est devenu de plus en plus franc et le moment est venu où elle ne prenait plus le moindre biberon, tétant en ma présence et buvant au verre lorsque je n'étais pas là. Aussi, même si je devais sevrer ma fille pour une raison valable, ce serait un crève-cœur pour elle, beaucoup de souffrance, et l'assurance qu'elle ne serait plus aussi bien alimentée. Je n'en vois donc pas du tout l'intérêt, d'autant que je vois beaucoup d'avantages à cet allaitement prolongé. Par exemple, je note que ma fille boit beaucoup plus de lait que les enfants du même âge qui sont au biberon. Elle tète environ trois fois par jour, ce qui lui assure une ration bien supérieure à plupart des enfants de 18 mois qui ont entre 1 à 2 biberons de lait par jour. Boire beaucoup de lait lui évite de manger des aliments trop riches en protéines, en graisses et en sucre. En cela, je crois fermement que le fait d'être allaitée très longtemps la protège du risque de surcharge pondérale et contribue vraiment à lui donner une alimentation très équilibrée. Autre avantage de l'allaiter encore, c'est que je dispose toujours de cette arme tout terrain qu'est le sein pour réparer les bobos du corps et de l'âme. A 18 mois, elle trouve toujours dans le fait de téter un réconfort extraordinaire. Et ce réconfort-là est miraculeux pour guérir les bobos, pour l'aider à surmonter les épisodes de maladies, pour la consoler d'une séparation un peu trop longue…
A propos des maladies, là encore l'allaitement prolongé trouve toute sa dimension. Tous les enfants gardés en collectivité, comme ma fille qui est en garderie tous les matins, sont soumis à une contagion extrême. Comme ses petits camarades, ma fille n'échappe généralement pas aux épidémies de rhino. Elle a même attrapé la varicelle. Mais, et ce mais est d'importance, elle a à chaque fois développé une version très faible de la maladie, à tel point que son carnet de santé ne notifie, depuis sa naissance, que sa varicelle et un rhume. Elle n'a jamais eu ni otite, ni bronchite, ni bronchiolite, ni angine… Pourtant, son pédiatre, en l'examinant toute petite, m'avait prédit que ma fille ferait otite sur otite, car son canal nasal étant étroit, le risque de contamination de la sphère ORL lors d'un rhume était très fort chez elle. Heureusement, cette prédiction a été déjouée… La seule gastro-entérite qu'elle ait attrapée n'a duré que 3 jours, et, soignée au lait maternel, n'a même pas nécessité l'intervention d'un médecin.
Lorsque ma fille attrape un rhume, elle tète généralement davantage qu'à l'ordinaire, et, dans les rares épisodes de fièvre qu'elle a connus, a toujours trouvé dans la tétée le réconfort et le soulagement lui permettant de guérir plus vite. Dans ces moments-là, je me réjouis de pouvoir résoudre avec mon sein tous les problèmes de ma fille. Car il n'est rien de pire que de se sentir impuissant à soulager son enfant. L'allaitement me préserve de cette douleur-là, en me donnant toujours une réponse adaptée à la souffrance de mon bébé. D'ailleurs, je peux même savoir si ma fille se sent bien ou au contraire n'est pas à son aise selon qu'elle me demande, ou non, la tétée. En effet, elle a l'habitude de téter avant de s'endormir pour la sieste ou pour la nuit, et à chacun de ses réveils (après la sieste, et le matin). En dehors de ces moments là, elle est trop occupée pour y penser et ne le demande jamais. Il y a bien sûr des moments spéciaux où elle va téter pour le plaisir parce qu'elle me voir nue dans la salle de bains et que l'occasion est trop belle… Mais, d'une manière générale elle ne demande jamais à téter en dehors des moments où elle veut dormir où au contraire vient de se réveiller. Si, exceptionnellement, elle me demande une tétée en dehors de ces moments, je peux en déduire qu'elle a peur, ne se sent pas bien, demande protection. C'est le cas lors de moments difficiles comme les visites chez le médecin par exemple…

Lorsque je ressens au jour le jour le bonheur de ma petite fille à se réveiller en tétant, j'avoue ne pas comprendre comment on peut vivre autrement sa maternité… Tous les matins, au premier son que j'entends venir de sa chambre, je me lève pour la chercher et la ramener dans notre lit entre son papa et moi. Là, encore engourdie de sommeil et les yeux clos, elle tète. On n'entend que le glouglou des gorgées qu'elle avale, et un petit bruit à peine perceptible qui marque le plaisir qu'elle éprouve. Allongées l'une contre l'autre, nous prolongeons ce moment au maximum. Et lorsqu'elle a finit, elle ouvre les yeux, s'étire comme un chat en nous offrant un sourire merveilleux. Dès le matin, elle trouve que la vie est belle, et je sais que j'y suis pour beaucoup… Je ne me priverais de ces moments magiques pour rien au monde. D'ailleurs, j'étais émue jusqu'aux larmes la première fois qu'elle m'a dit "c'est bon, tétée ", en me souriant d'un air complice. J'adore aussi quand elle s'amuse à vouloir faire téter sa peluche préférée en disant " il boit " !

Sylvaine