Il y a un an tout juste, un si grand amour est venu bouleverser mon existence…

Dimanche 18 janvier : je me sens bien, un peu fatiguée mais c’est normal, je suis dans ma 33e semaine de grossesse. La césarienne est prévue aux alentours du 10 février. J’y crois… pour Gabriel, la césarienne avait été prévue mais j’ai accouché avant suite à la rupture prématurée des membranes… dans mon lit, en dormant, dans la nuit du dimanche au lundi.

Avant de me coucher, je repense à la naissance de Gabriel, j’avais été heureuse qu’il arrive au moment où la nature l’avait décidé, j’aimerai bien que ça se passe comme ça pour Timothée, mais je me dis que cette deuxième grossesse a toutes les chances de durer plus longtemps que la 1e (37 SA + 3 jours), que mon corps s’est habitué à cet état, j’ai moins de contractions, mon utérus biscornu est plus souple…

Je m’offre même le luxe d’aller chercher des rideaux chez Leroy-Merlin le dimanche soir… c’est dire !

Avant de dormir, Gabriel me tient un discours bizarre : « Maman, je veux pas que tu ailles à l’hôpital quand le bébé va sortir », il est tout triste. Je le rassure en lui disant que ce n’est pas demain la veille, le bébé ne naîtra pas avant le 10 février !

Lundi 19 janvier : 1h30 du matin… Je ressens une très grosse contraction douloureuse qui me réveille. L’idée de perdre les eaux comme pour Gabriel me traverse l’esprit… non, il ne faudrait pas, c’est trop tôt, mon bébé risquerait d’aller en couveuse, je ne suis qu’à 35 SA + 2 jours ! Je demande à Jérôme de se lever et d’aller me chercher deux spasfons et un suppositoire de salbumol. Il marche au radar, mais comme toujours, il se lève et va me chercher mes médicaments.

Je sens alors comme quelque chose qui s’écoule… non, j’ai rêvé, ce n’est pas ça ! 30 secondes après, j’ai à nouveau la même sensation, je m’assois sur mon lit… je suis trempée !

Tout va très vite dans ma tête : c’est trop tôt, mais j’ai lu qu’à 35 SA, de nombreux bébés étaient « finis », ma valise n’est pas prête, je ne peux pas aller accoucher à la clinique, je dois aller à l’hôpital près de chez moi, qui possède une unité de néonat au cas où, mais je ne suis pas inscrite…pffffffffff ! J’espère seulement que cette naissance prématurée ne compromettra pas mon projet d’allaitement …

Je réveille mon mari avec un « oh nooon, je suis trempée ». Il comprend tout de suite et se lève, dans le noir, affolé… il cherche la lumière comme un fou, ne la trouve pas… il la trouve enfin, il est blanc comme un linge, la main sur la poitrine, il est au bord du malaise !!!!

J’ai du dire quelque chose du genre : « non, t’affole pas, le bébé est fini, il ne craint rien, si tu tombes dans les pommes, tu ne me serviras à rien, reprends tes esprits » ! C’est incroyable ce que l’on peut garder comme sang froid dans ces situations…

J’appelle la clinique où je devais accoucher, une sage-femme bizarre ne répond à mes questions qu’à moitié :

- « Si mon bébé doit aller en couveuse, il ira où ? »
- Elle : « j’en sais rien »… je crois que j’ai ri !

Ma décision est prise : je vais à l’hôpital de Pontoise, tant pis si j’ai pas de dossier, c’est un service public oui ou non ?!

Entre temps, j’appelle ma mère qui arrive pour garder Gabriel et qui téléphone à mon père afin qu’il nous accompagne, elle craint que Jérôme ne soit pas en état de conduire !

Nous arrivons à l’hôpital à 3 heures, j’ai des contractions douloureuses toutes les 4 minutes.

Compte tenu de mes antécédents obstétricaux, la césarienne aura lieu le jour même, lorsque les équipes de jour seront là. Mais, impossible d’arrêter les contractions malgré la perf, la décision est prise de pratiquer la césarienne plus tôt dans la matinée, je dois être la première.

Je passe sur la préparation, sur la méchante humeur de l’anesthésiste qui se demandait pourquoi je n’avais pas fait la visite préparatoire obligatoire… mais c’est que je n’avais pas prévu d’accoucher ce jour là moi, ni à cet endroit !

9h45 : on me descend au bloc. Je dis à mon bébé qu’il va bientôt quitter ce nid si petit, une « moitié d’appartement » disait mon gynéco ! L’obstétricienne vient se présenter, elle a l’air gentille et rassurante. Une sage-femme m’explique que mon bébé n’ira pas nécessairement en couveuse, tout dépendra de son aptitude à respirer seul, de son poids, bref, tout un tas de paramètres…

J’arrive au bloc, l’ambiance est à la rigolade… plein de monde là dedans : c’est un hôpital universitaire et à ce titre, sont présents les « élèves » infirmiers, anesthésistes, bref, il y a foule !

On finit de me préparer, on commence « l’intervention »…

10h10 : Timothée est là. On baisse le champ, je vois mon bébé, enfin. Il est beau ! J’en reviens pas… je vois son cordon, son petit corps plein de sang (le mien). Il crie. Je pleure. Il est là, je l’attendais, je l’ai tellement voulu ce bébé surprise, ce bébé cadeau. Je dis « oh, qu’il est petit ». La sage-femme, très douce, me le met dans les bras quelques instants et me rassure, elle le trouve très bien pour 35 SA mais doit l’emmener vite parce qu’il fait vraiment froid dans le bloc. Elle promet de m’interphoner pour ses mensurations. 2 kg 434 et 47 cms. C’est bien pour le terme.

Je reste en salle de réveil une ou deux heures mais je brûle d’impatience de voir mon petit amour. Mon mari a été appelé pour les soins, il a été près de Timothée tout le temps et ne cesse de l’admirer, il est beau, il est parfait, il respire seul, son apgar est irréprochable !

Je les rejoins dans la chambre où une puéricultrice me le met au sein, tout en me prévenant qu’il faudra compléter à la pipette puisque tout beau et fort qu’il est, Timothée est un prématuré. Il tète comme un chef, je suis si heureuse…

Je suis loin des récits d’accouchements naturels que je ne connaîtrai jamais mais que j’ai toujours un immense plaisir à lire. Il n’en reste pas moins que ce jour là, j’ai mis mon enfant au monde, c’est ce que j’ai décidé de retenir.

Je pourrais écrire davantage sur ce bonheur que la vie m’a offert, sur cet amour indicible que j’ai éprouvé dès la première seconde, sur la place que Timothée a occupé dès lors dans ma vie. Je ne pensais pas éprouver cela une 2e fois… Je sais maintenant combien chaque enfant est unique, chaque naissance singulière.

Mais, je découvre avec Timothée une dimension différente dans le maternage : je me laisse plus facilement aller à ce qu’il me semble naturel, logique, sans arrière-pensée éducative. Je vis une relation forte d’allaitement et de fusion empreinte du respect des rythmes de mon enfant. Si parfois je regrette de ne pas avoir connu ça avec Gabriel, je chasse ces sombres idées en me disant que la mère que je suis devenue, il en profite désormais tout autant que son frère.

Une histoire d’amour. C’est ce que je vis depuis un an avec Timothée.

Une histoire d’amour et de lait maternel si simple, si douce. Après des débuts « particuliers » mais sans véritables difficultés, je suis dans une phase sereine. D’ailleurs avec le recul, c’est le seul mot que j’utiliserai pour qualifier mon allaitement : sérénité. Je le souhaite long, encore doux, qu’il accompagne encore mon petit garçon durant quelque temps, je ne sais pas quand nous aurons envie que cela cesse. Je ne suis pas encore exactement la mère que je souhaiterai être, mais je suis sur la bonne voie. La voie lactée.

Pour finir, je fais miens les mots de Josée Blanchette parlant d’allaitement, ils résument si bien ce que je ressens :

« Ce temps volé à aimer en silence, je le porterai en moi jusqu'à ma mort. Ce temps de peau, de succion, de lèvres humides, de regards saouls, de goutte de lait qui roule vers le menton, cette petite main qui s'accroche, cette parenthèse de confiance et d'abandon, de rots qui délivrent, je l'emporte au paradis comme un souvenir entre l'écrin de mes deux seins. Prière de ne pas déranger. »

Je crois avoir été un peu longue. Merci de m’avoir lue.

Isabelle, maman de Gabriel (5 ans, allaité 4 mois) et de Timothée (1 an, toujours allaité)