Diversification alimentaire et petits pots

Moi, je n'ai rien contre les marchands de lait en poudre et les marchands de petits pots (même si j'ai constaté qu'il suffit de prononcer le mot Nestlé ici pour déclencher une avalanche de messages). Ce sont des commerciaux qui font bien leur travail. Ils essaient de créer un besoin dans la population et ils y arrivent très bien, ensuite il arrivent à point nommé pour combler ce besoin. Il me semble assez inutile de s'attaquer à eux. Tant que le besoin existera, il y aura aussi des gens pour en tirer profit.
Moi, ce qui me choque c'est quand le corps médical qui n'est pas censé être commercial, (n'oublions pas que c'est nous qui le finançons via la sécu) s'efforce de créer ce besoin.
Je suis sûre qu'il y a des laits en poudre commercialisés en Suède parce que si 98% des mères allaitent, il faut bien nourrir les 2% restants. Pourtant ça n'empêche pas les autres 98% d'allaiter, je crois donc que le mal ne vient pas des firmes commerciales, elles profitent juste de la situation.

Pour ma part, j'ai ressenti une seule fois un besoin de petits pots pour des raisons pratiques. Alicia avait 15 mois et nous étions aux sports d'hiver. Je m'attendais à ce qu'elle se jette dessus, eh bien, elle n'en a pas avalé une goutte, je viens de lire que d'autres ont constaté la même chose.

A côté de ça, j'ai travaillé à 80% quand Alicia a eu 4 mois et demi et jusqu'à mon congé de maternité suivant quand elle avait 22 mois, mais à ce moment-là, elle mangeait comme nous depuis longtemps, donc je travaillais pendant la période critique. Je n'aime pas beaucoup faire la cuisine et je suis tout sauf la reine des fourneaux. Nous sommes aussi très voyageurs, étant un peu isolés de nos familles sur Paris, nous faisons de grands trajets en train (entre 4 et 10h) au moins un WE sur 3. Je crois que tout ces points font de moi la cible idéale qui devrait dire merci aux petits pots pour se simplifier la vie.

Pourtant, je n'ai jamais eu l'impression que ça m'avancerait beaucoup. Pourquoi ? Une des raisons est que j'ai diversifié Alicia assez tard, elle n'a pas eu beaucoup de choses avant d'avoir ses premières dents à 9 mois. Tant qu'elle n'était pas capable de mâcher, je lui ai donné des aliments mous ne faisant pas de travail (bananes, bouillie de céréales, tofu, etc), du pain à machouiller, de la purée ou de la soupe s'il y en avait au menu familial.
Dans ses repas, ce qui me prenait du temps était de tirer mon lait mais les WE c'était tout bénéfice (allez donner un petit pot ou autre chose à la cuillère couchée sur un lit). Rien que pour ses petits déj/tétées au lit qui nous permettaient de faire la grasse matinée, j'acceptais de tirer mon lait les autres jours (c'est un choix personnel que je ne recommande pas forcément mais que d'autres personnes de Lacta ont fait aussi, d'où, peut-être, notre ressemblance à ne pas trouver géniaux les petits pots).
J'ai réussi à tenir des mois avec seulement quelques aliments mous en dehors du lait. Tant qu'elle était allaitée à 90%, c'était vraiment juste histoire de faire plaisir à la nourrice qui me poussait sans arrêt à la diversification.

Ensuite, à chaque fois que nous avons mangé du légume, nous lui en avons mouliné et donné un peu et mis le reste au congélateur. Les jours où nous avons mangé juste une pizza parce que nous n'avions pas le temps de faire plus, il nous suffisait de sortir une boîte du congélateur. Je n'ai pas eu l'impression que peler quelques carottes de plus faisait un travail énorme et le mixer a peu servi car il a bientôt été possible d'écraser les pommes de terre à la fourchette ou de couper les aliments plus durs en petits morceaux. Finalement, elle a voulu absolument manger tout ce que nous mangions vers 15-18 mois et il n'était plus question de lui faire des plats à part surtout qu'elle avait des molaires entre temps.

A mon avis, le besoin de petits pots vient du fait qu'on diversifie trop tôt, à un âge où l'enfant n'est capable de manger que des "solides" de consistance liquide (pourquoi ne pas donner du lait à ce moment-là quand le lait maternel a tout un tas de goûts différents selon les jours ?). Comme à 6 mois, l'enfant "moyen" a seulement 30% de sa nourriture qui est du lait, il faut faire tout un tas de plats différents pour combler ses besoins, qui en plus doivent être systématiquement mixés ce qui fait effectivement beaucoup de travail à la mère si elle ne veut pas donner de petits pots.
Donc elle en donne et elle n'a pas forcément tort dans ce cas, si l'alternative est de passer son temps à faire la cuisine au lieu de s'occuper de son enfant. Mais pourquoi ne pas donner plus de lait ? Même préparer un bib de lait en poudre me semble faire moins de travail que de préparer des plats.
Pour les déplacements, le menu pour nous était tétée puis tétée + banane pendant très longtemps (jusqu'à ce qu'elle mange nos sandwiches). On peut toujours donner autre chose avant de partir ou après si on pense que c'est toujours la même chose. Quand je vois ce que les gens donnent dans les trains à leurs enfants, ça me sidère. A part les petits pots, ils donnent uniquement des gâteaux. Dans ce cas, il vaut mieux les petits pots. Est-ce qu'un fruit ou un morceau de fromage est plus difficile à transporter qu'un gâteau ? Pour les enfants qui ne mangent pas encore des aliments durs, il y a aussi des fromages mous, genre "cottage cheese" qui remplacent très bien le flan au lait de croissance. L'avantage est de laisser l'enfant déterminer lui-même la quantité qu'il va manger et les parents finissent ce qui reste tandis que les petits pots incitent à le forcer à finir parce que les parents n'ont peut-être pas envie d'en manger.

Je n'ai l'expérience que d'un enfant pour l'instant mais je pense que même en tirant mon lait, j'ai gagné beaucoup de temps sur les mères qui sont obligées de faire des plats compliqués à leurs enfants.

Pour les mères qui n'ont pas d'activité professionnelle nécessitant de se séparer de leur enfant, donc n'ayant pratiquement jamais à tirer du lait, je trouve que le moins fatiguant est bien de diversifier le plus tard possible, au moment où l'enfant est capable de manger comme les adultes et avant cela, de se limiter à quelques aliments pratiques. Ca n'empêche pas l'enfant de manger de tout plus tard.
Pour les mères devant s'absenter, si on a choisi de tirer son lait, je trouve que l'on n'a pas besoin de petits pots non plus. Pour celles qui ne tirent pas leur lait, tant qu'elles allaitent partiellement, il suffit qu'elles donnent un biberon le jour où elles n'ont pas beaucoup de temps (lait en brique pour un voyage, peut-être, je ne suis pas experte là-dedans). En fait, tant qu'on est près de son enfant les tétées c'est vraiment la solution de facilité.

Si l'on est suffisamment patient pour attendre que l'enfant soit prêt à passer aux solides et ne pas vouloir lui faire goûter tous les aliments d'un coup, ils suffit de le diversifier avec les aliments naturellement mous en premier et de passer tranquillement à des aliments de plus en plus durs.

Mais comment avoir cette patience quand chaque mois, le pédiatre vous tanne avec ses "vous avez commencé les légumes ?" à 4 mois, l'entourage avec ses "tu ne lui donnes que du lait à son âge ?!!!" avec de grands yeux écarquillés. Voilà ce qui crée le besoin, ce n'est pas le fabricant de petits pots directement. Là où c'est anormal c'est quand la seule information qu'ont les pédiatres sur la nutrition des enfants provient des fabricants de petits pots. Si l'on interdisait les visiteurs médicaux et aux médecins de recevoir de la publicité professionnelle, si l'on prévoyait une formation de diététique infantile et adulte aux médecins pendant leurs études, je crois que c'est ça qui ferait changer les choses. Tant qu'il y aura une brèche dans la législation permettant de manipuler le corps médical, il y aura toujours quelqu'un pour s'y engouffrer.

Ce qui me gêne dans les petits pots, c'est que souvent ils sont salés, qu'ils contiennent des ingrédients dont on ne sait pas trop ce que c'est (je crois que ça dépend des petits pots), qu'ils sont souvent des mélanges de plusieurs légumes ou fruits par ex. Je pense que, d'une part, pour éviter les allergies, il faut introduire un seul aliment à la fois, d'autres parts, on dit que les petits pots servent à apprendre plein de saveurs aux enfants mais je me demande ce que la saveur fraise-abricot-miel apprend comme goût, sans parler que je ne trouve pas spécialement bien de donner du miel ou des fraises à 4 mois.
Je me demande si les commerciaux sachant que les parents vont goûter ne cherchent pas à flatter le goût des parents en mettant du sel ou de la moutarde dont le bébé se contrefiche tant qu'on ne l'a pas habitué à en manger et du sucre plus que nécessaire. Beaucoup des choses que j'ai donné à manger à ma fille avant 1 an étaient assez inmangeables pour moi car fades, pourtant elle aimait bien et elle mange aussi bien les plats qui ont du goût maintenant.

Je viens de jeter un oeil sur une étiquette de petits pots à l'épicerie. J'ai pris un petit pot, le plus basique possible, les carottes Blédina étiquetées "à partir de 6 mois". Ingrédients : carottes 65%, eau de cuisson (à partir de là, plus de %), sucre, 2 sortes d'huile (bonjour les allergies, je suppose que c'est pour les acides gras essentiels mais moi je les donne par mon lait), sel, + un floppée de vitamines artificielles. Je ne vois pas du tout l'intérêt de tout ce qui vient après l'eau de cuisson, par contre, j'en vois bien le côté néfaste. Chez moi la règle (issue d'un livre de diététique) était : pas de sucre, de sel ou de gras ajouté avant 1 an. Je n'aurais pas donné un truc pareil avant un âge où il n'y en avait plus besoin.
Je n'ose pas imaginer le contenu des pots plus élaborés genre "pomme tatin" que j'ai vu à côté. Alicia n'a encore jamais mangé de tarte tatin et ça semble lui manquer autant que de n'avoir jamais fait de ski nautique. Est-ce que les pots bio sont plus pur fruit ?

Avec le recul, je constate aussi que beaucoup d'enfants qui ont toujours mangé uniquement des petits pots ont tendance à ne supporter que la nourriture moulinée mais c'est peut-être pareil si les parents moulinent toute la nourriture fraîche aussi (sauf que la paresse va naturellement faire cesser tout ça rapidement). Je crois que les petits pots sont surtout un gadget permettant aux parents de penser que leur enfant est plus précoce parce qu'il mange plein de choses différentes. Mais le plus précoce à 4 mois, n'est pas le plus précoce à 2 ans.
Je constate la même chose avec l'allaitement et la diversification. On sèvre très vite du sein mais l'enfant garde le biberon jusqu'à 5 ans, on apprend très tôt les légumes mais on est dépendant des petits pots jusqu'à 3 ans. Le temps qu'on a gagné au début, on le perd bien plus par la suite. On parle d'autonomie mais en fait, on met l'enfant dans un état de semi-autonomie qui dure très longtemps au lieu d'attendre simplement qu'il soit prêt à acquérir son autonomie petit à petit.

Mon expérience m'a conduite à plutôt améliorer la qualité de ce que nous mangeons à la table familiale (habitudes prises pendant la grossesse) et de le partager avec mes enfants via mon lait ou directement ensuite plutôt que de mal me nourrir et d'acheter autre chose pour mes enfants. Pour ma deuxième fille, je pense diversifier encore plus tard, convaincue encore plus que ce n'est pas dommageable pour la santé de l'enfant quand je vois comme la première a toujours eu une bonne santé et s'est bien développée. Je fais partie des malheureuses (!) 3% de mères dont l'enfant sort de la courbe de taille par le haut et j'aurais certainement du allaiter encore plus pour que mon enfant soit plus petit et rentre dans la courbe :-). Si on conseille aux mères des bébés qui sortent des courbes par le bas d'allaiter moins, on devrait conseiller d'allaiter plus dans le cas contraire, non ?

Hélène, maman d'Alicia (27 mois) et d'Iris 4 mois.