Ce qui m'a fait choisir l'allaitement.

Plus jeune, avant d'avoir un vrai désir d'enfant, je suis passée par une phase où enfanter et allaiter me semblait tellement animal que je n'en voulais pas.
Lorsque le désir d'enfant et l'enfant se sont présentés c'est justement cet aspect animal que j'ai trouvé tellement valorisant. Alors l'allaitement me semblait normal et naturel.

J'avais l'impression qu'autour de moi il n'y avait que des bébés allaités. Ma sœur et moi avions été allaitées, les 5 enfants de ma
belle-mère aussi. Mes deux proches collègues de travail avaient allaités après la reprise, en tirant leur lait.
Je disais : "je vais essayer d'allaiter", mais plus pour ne pas porter la poisse que parce que je pensais que je n'y arriverais pas. On veut y croire mais on n'ose pas de peur d'être déçue. Comme au début d'une relation amoureuse.

J'ai lu Marie Thirion à 5 mois de grossesse et je partais sur une idée de "tout ira naturellement"; à la demande, cool quoi ! Avec ma mère on disait "tu allaiteras", mais sans rentrer dans les détails.

Tout c'était nickel passé en salle d'accouchement. Vers 4h bébé tète goulûment les deux seins et s'endort. On monte dans notre chambre. Je la laisse dormir, puis vers 10 h elle réclame. Je lui donne le sein jusqu'à plus soif, on s'endort toute les deux sur mon lit.
La puéricultrice se pointe, moi toute fière je lui annonce que bébé s'est endormie au sein après avoir tété presque une 1/2 heure.

Et je me fais traiter de FOLLE ! Il ne fallait pas la laisser dormir 6 h sans la réveiller et ne pas la laisser téter plus de 5 mm à chaque sein. Ont suivi 2 jours horribles de doute, pendant lesquels elle m'a en outre persuadée de la laisser à la pouponnière pendant deux nuits. (Je suis sûre maintenant qu'elle a pleuré comme une malade et je me demande si elle peux en garder des séquelles).
Terrible je partais sans peurs, sans a priori et cette vieille puéricultrice a tout cassé.
Au bout de 5 mm de tétées bébé crevait encore de faim. Je lui donnais des compléments à la seringue. Elle crevait tellement de faim que le piston montait tout seul dans le cylindre.

Les puéricultrices ne comprenaient pas : la position était bonne, bébé tétait bien, j'avais du lait, mais ça n'allait pas, il fallait complémenter car elle avait faim. En plus bébé n'avait même pas perdu de poids.

Au bout de 2 jours je téléphone à Action pour l'Allaitement qui intervient sur mon hôpital. Elle m'a permis de reprendre confiance en
moi. Elle m'a dit de stopper les compléments et de mettre bébé plus souvent au sein.

Mais alors que je croyais que tout serait naturel et simple cette puéricultrice qui est partie 2 jours après en retraite a vraiment failli tout faire rater. En plein baby-blues traiter une maman de folle c'est vraiment criminel.

Il m'a bien fallu 1 à 2 mois pour déculpabiliser de dépasser les 5 mm par sein et les 6 tétées par jours, sans attendre 3 heures entre les tétées. Mais je la laissais prendre à la demande tout de même. Heureusement que j'étais bien briefée avant sur l'allaitement car j'avais perdu toute confiance en moi et j'aurais pu complètement foirer mon allaitement.

A ce moment j'ai découvert que dans ma famille tout n'était pas aussi simple. Ma belle-sœur aînée a foiré son 1er allaitement car sa mère lui téléphonait toutes les 2 heures pour savoir si ça allait. Elle est passée au bib. Elle a conseillé à mon tendre de faire le vide autour de moi et de me laisser faire. Merci à elle et à lui.
Ma mère s'inquiétait de savoir si j'avais du lait. Du coup je l'envoyais sur les roses. J'ai découvert qu'elle avait stoppé l'allaitement de ma sœur à 6 mois et le mien à 4,5 pour cause de plus de lait, coïncidant avec l'introduction de jus de légumes au bib conseillée par le médecin. Dans les années 1970 : je pense plutôt à une confusion sein tétine. Il paraît que dès qu'on nous mettait au sein on hurlait.
Du coup je suis devenue hyper anti-tétine.

C'était hyper important pour moi d'allaiter, mais je ne sais pas vraiment pourquoi. C'est viscéral. Dans un premier temps aussi c'était pour positionner mon rôle de mère vis-à-vis de mon mari. J'avais peur qu'il ne me pique mon rôle en maternant trop.
Je n'y connaissait rien en bébé et lui si. En allaitant je sentais que je m'affirmait comme la mère de ce bébé. Petit à petit j'ai appris à
devenir une mère compétente parce que je savais subvenir à ses besoins.
Mon mari était un peu frustré, mais petit à petit il a lui aussi appris à se positionner en tant que père et seulement père.
Peut-être aussi parce qu'inconsciemment je gardais un souvenir de la frustration de ma mère lors de mon sevrage ?
Je pense, contrairement à d'autres témoignages, que moi je l'ai bien vécu à l'époque, mais que ma mère a été très frustrée.

Pourquoi ça dure ?
Comme je n'y connaissait rien en bébé qu'en j'ai commencé à allaiter je n'avais aucune idée de quand je devrais arrêter. J'avais prévu de continuer et de tirer mon lait après la reprise du boulot. La gynéco m'a déjà promis un mois de congés pathos pour allaiter. Je pensais que les bébés se sevraient vers l'âge d'un an spontanément car j'avais ces exemples autour de moi.
A une réunion d'Action pour l'Allaitement dans les premiers jours de bébé, j'au vu une mère venir en disant qu'elle allaitait sa fille de 1 an deux fois par jour. La petite marchait j'ai trouvé ça bizarre. Cela m'avait mis mal à l'aise. Mais l'allaitement long me semble une évidence au fil des jours.
J'ai du lait, Marie-Luz veut mon lait, alors pourquoi en acheter ?
Mon mari a été allaité jusqu'à 2,5 ans jusqu'au sevrage naturel, car c'était le dernier de 5. Je viens récemment de le découvrir. Du coup j'ai le soutien inconditionnel de ma belle-mère, et je m'en sers de justificatif lorsque les gens m'interrogent.
Lorsque je parle de mon allaitement autour de moi tout le monde à une histoire d'allaitement long à raconter. On me parle de 6 ans en ajoutant que là c'est trop, et mon mari approuve. Qui vivra verra.

Je dois signaler mais sans développer car ce serais trop long qu'une anorexie de Marie-Luz de 4,5 mois à 6 mois due à un mauvais placement en nourrice avait à l'époque été mis sur le compte de l'allaitement maternel, et abouti à une grève de tétée. Je commençais à me laisser convaincre mais ma volonté d'allaiter me soufflait que je n'étais pas responsable. Je m'en suis sortie grâce à la LLL.

Désolée d'avoir été aussi longue.
Je concluerais juste en ajoutant que je ne précise pas combien de tétées de jours et de nuit aux non spécialistes, dont le pédiatre. Je n'ai pas envie d'avoir à me justifier.
Au passage merci au pédiatre qui au moment de la canicule et de la crise de croissance des 3 semaines m'a conseillé de me mettre à poil au lit avec bébé et de la laisser téter toute la journée si elle voulait et qui ne dit rien lorsque je lui dis que j'allaite encore si ce n'est que "il ne faut pas lui donner que du lait, hein ?".

Sabine maman de Marie-Luz (11/05/2002) qui pourrait encore en raconter des pages et des pages.