24 jours c'est long et si c'était à refaire, je recommencerais,
je revivrais chaque minute pour obtenir sa petite main déployée
sur mon sein et son souffle qui s'apaise quand mon bébé
s'endort.
Xavier est né le 2 juin 03, à 36 semaines. J'ai eu la chance
de connaitre un accouchement naturel, sans séparation. Tout le
personnel à la maternité connaissait notre projet de naissance
et d'allaitement (obstétricien respectueux, sage-femme extraordinaire,
merci Martine, pédiatre aussi convaicu que moi pour l'allaitement).
En salle d'accouchement, 4 heures se passent , Xavier me regarde, regarde
son père, Martine, ses grands-parents qui sont tous 4 venus dire
"Bienvenu Monsieur Bonhomme".
Seul et unique geste fait sur lui : un prélèvement de salive
car les membranes s'étaient rompues 52 heures avant sa naissance
(je ne savais pas que j'avais perdu les eaux). A 24 heures, toujours rien
: si je lui propose le sein, il s'endort dessus et si on essaie de le
lui mettre en bouche (ce qui n'est pas simple, j'ai les mamelons plats),
il rue en arrière, se débat, se cambre et hurle.
Grand désarroi pour moi, je rêvais de ces mises au sein où
le bébé apprend à sa mère à allaiter.
Bref on me confie un tire- lait, une seringue et une sonde de gavage pédiatrique,
et on m'explique la marche sur la langue pour déplier cette langue,
la tétée au doigt et on me rassure : "c'est l'affaire
de quelques jours, tu sais il est préma..."
Un jour avec son bébé qui hurle comme à la torture
quand on lui présente son sein, c'est long. Deux jours comme ça,
c'est encore plus long. Les jours passent et je me demande ce que j'ai
fait. J'avais le sentiment que Xavier me détestait, que j'étais
une mauvaise maman, qu'il aurait mieux fait de naître dans une autre
famille, que n'importe qui d'autre se serait mieux occupé de lui
que moi. Bref, mais je m'accroche, je le garde 24 h sur 24 sur moi, contre
ma peau. "il devrait encore être dans mon ventre, alors il
reste dessus." Passent deux semaines, un engorgement avec 4 jours
de fièvre à 40, et là je décide d'abandonner.
Je décide de ne plus lui proposer le sein, c'était trop
dur pour moi. Je continue à la seringue jusqu'à sa date
théorique de naissance et là et seulement là, j'essaye
de ne lui proposer que le sein pendant 48 heures. Si ça marche
tant mieux, sinon, je lui donne mon lait au biberon et tant pis pour le
rêve, l'idéologie et tout le reste.
Arrivent ses 3 semaines et voilà qu'un soir, il se met à
hurler, comme ça sans préavis. Paniqués nous appelons
le pédiatre qui rigole: ce sont les fameux pleurs du soir, Xavier
a un comportement de bébé à terme!
Dès le lendemain, nous appelons Martine qui vient chez nous. Elle
a passé la journée avec nous, à me rassurer, à
m'encourager, à me soutenir : j'avais tellement peur que Xavier
réagisse mal... J'avais peur de me sentir mise en échec
! Mais ça a marché, depuis le 25 juin 03, il ne boit qu'à
mon sein. Pendant un temps il buvait le lait qui coulait, puis il s'est
mis à véritablement téter! Il a mis un peu plus de
temps pour prendre l'autre sein dont l'aréole est restée
engorgée longtemps après la lymphangite, mais peu importe,
il a aujourd'hui 5 mois 1/2 et maintenant que je le tiens cet allaitement,
je ne suis pas prête d'arrêter.
Ce texte ne raconte que des faits, il ne dit pas 24 jours de doute, de
larmes, d'incompréhension de la part de l'extérieur, 24
jours de souffrance et de torture mentale, de "quel est le prix d'un
allaitement ?"
24 jours c'est long et si c'était à refaire, je recommencerais,
je revivrais chaque minute pour obtenir sa petite main déployée
sur mon sein et son souffle qui s'apaise quand mon bébé
s'endort. A ses début au sein, il a encore fallu quelques temps
lui maintenir les bras sur la poitrine pour le "branchement"
et veiller à ce que rien ne touche ses pieds (sinon il poussait
de toutes ses forces). Je sais maintenant que Xavier était aussi
perdu et malheureux que moi et je l'aime!
Agnès et Xavier
|