IMMUNITE ET LAIT MATERNEL

Une mère transmet des anticorps à son enfant pendant la grossesse, à doses massives dans le colostrum, puis à doses plus faibles mais en continu pendant toute la durée de l'allaitement. La plupart des facteurs immunitaires du lait maternel restent actifs dans le tube digestif de l'enfant : le niveau d'acidité de son estomac est moins important que chez l'adulte, et le lait contient des facteurs qui protègent les composants immunocompétents. Ci-dessous une paire d'études récentes sur le sujet. Par ailleurs, on commence à se demander si certains facteurs du lait maternel ne sont pas apportés à l'enfant sous une forme qui deviendra biologiquement efficace après légère digestion par les sucs gastriques (cela semble être le cas pour une molécule qui semble avoir des propriétés anticancéreuses après avoir été soumises à des conditions similaires à celles de l'estomac du bébé). Bref, il nous reste encore beaucoup à apprendre. Cela dit, pas besoin de savoir tout cela en détail pour savoir que le lait de maman est le lait normal pour bébé.

Cela dit, le fait que l'enfant soit allaité n'est pas une garantie absolue pour qu'il n'attrape pas de maladies. Le risque est beaucoup plus bas que celui retrouvé chez le bébé nourri au lait industriel, et c'est en général moins grave.

Lorsqu'une mère est exposée à une maladie, tels un rhume ou une grippe, son corps commence très rapidement à produire des anticorps particuliers qui protègent son bébé allaité. Avant que la maman ne commence à se sentir malade, son bébé a déjà été exposé à sa maladie. La poursuite de l'allaitement aidera le bébé à repousser la maladie. S'il devient malade, le bébé allaité est presque toujours moins malade à cause des anticorps qu'il reçoit par le lait maternel.

Les maladies sont généralement transmises par un contact physique, par des sécrétions de nez, de la bouche, et non par l'allaitement. Lorsqu'une mère est malade une bonne hygiène peut diminuer les risques que le bébé contracte la maladie (lavage des mains, éviter les contacts face à face...).

Lorsque la mère allaite, elle transmet à son enfant, via son lait, des anticorps contre les maladies qu'elle a eu. Si une mère a eu la varicelle, elle transmettra à son enfant des anticorps contre la varicelle. Cela ne veut pas dire qu'un bébé allaité par une mère qui a eu la varicelle ne pourra pas attraper la varicelle, même si c'est souvent ce qui se passe ; mais quand il l'attrape, elle est généralement très atténuée, et de ce fait il pourra même avoir à nouveau la varicelle lorsqu'il sera plus âgé, parce que la première fois n'a pas été suffisante pour lui permettre de développer une immunité forte (de tels cas ont été rapportés).

Dr Françoise Railhet


Le granulocyte colony-stimulating factor résiste aux sécrétions gastriques

Concentrations of granulocyte colony-stimulationg factor in human milk after in vitro simulations of digestion. DA Calhoun, M Lunoe, Y Du, SL Staba, RD Christensen. Pediatr Res 1999 ; 46(6) : 767-71.
Mots-clés : granulocyte colony-stimulationg factor, lait humain, lait industriel, sécrétions gastriques.

Le lait humain contient des protéines qui résistent aux enzymes digestives du tractus gastro-intestinal du bébé. Diverses études ont été publiées sur la présence, dans le lait humain, du granulocyte colony-stimulating factor (G-CSF), une cytokine hématopoïétique qui joue un rôle dans la prolifération et la différenciation des polynucléaires neutrophiles. Les auteurs, dans une précédente étude, avaient constaté chez le foetus l'existence d'un récepteur spécifique du G-CSF dans les entérocytes. Toutefois, le rôle in vivo de ce facteur reste toujours à étudier.

Les auteurs ont évalué par cette étude la capacité du lait humain à protéger le G-CSF de la protéolyse par exposition aux sécrétions gastriques. Ils ont obtenu ces sécrétion par intubation de prématurés et d'enfants nés à terme, et ont étudié leur impact à pH 3.2, 5.8 et 7.4, et ce :
? soit sur le G-CSF contenu dans des échantillons de lait humain provenant d'une femme ayant accouché prématurément (n = 15) ou à terme (n = 15)
? soit sur du G-CSF humain recombinant (rG-CSF) ajouté à une solution tampon ne contenant pas de protéines
? soit sur du rG-CSF ajouté à du lait humain pré-terme (n = 6) ou à terme (n = 6), à diverses marques de laits industriels (n = 15) et à du lait de vache du commerce courant (n = 5).

Le G-CSF et le rG-CSF ajoutés au lait humain résistaient à l'action des sécrétions gastriques pendant 1 à 2 heures. En revanche, plus de 95% du rG-CSF ajouté à du lait industriel était détruit en 1 à 2 heures par les sécrétions gastriques, et ce à tous les pH étudiés, tandis qu'environ 60% du rG-CSF ajouté à du lait de vache du commerce courant était détruit après 1 à 2 heures dans les mêmes conditions.

Les auteurs concluent que le lait humain protège le G-CSF et le rG-CSF de la destruction par les sécrétions gastriques dans des conditions physiologiques et aux pH physiologiques. L'ajout de rG-CSF aux laits industriels n'a aucun intérêt dans la mesure où il est détruit en quasi-totalité par les sécrétions gastriques. Le G-CSF du lait humain résiste à la digestion, et pourra jouer un rôle physiologique chez l'enfant allaité.

L'ALLAITEMENT ET LE SYSTEME IMMUNITAIRE DE L'ENFANT

Does breastfeding affect the infant's immune responsiveness ? AE

Les enfants allaités ont effectivement un système immunitaire en meilleur état, et ils réagissent de façon différente aux vaccins. Mais les études sur le sujet restent peu nombreuses et difficilement interprétables. Ci-dessous un petit texte sur le sujet :

" Il semble que, bien que leur niveau de base d'activation immunitaire soit plus bas, les enfants allaités aient une réponse plus importante en présence d'un antigène spécifique ; toutefois, les études effectuées sur le sujet donnent des résultats contradictoires. La réponse immunitaire aux vaccins concernant des germes à tropisme digestif (rotavirus, poliovirus) est souvent plus faible chez les enfants allaités, fait attribué aux propriétés anti-infectieuses du lait maternel. Une étude montrait un taux plus important d'anticorps chez des enfants allaités que chez des enfants nourris au lait industriel après vaccination parentérale (tétanos, diphtérie et polio), mais cela peut dû à l'apport d'anticorps provenant de la mère par le biais du lait maternel. "

Il existe peu d'études sur la réponse immunitaire à médiation cellulaire chez les enfants allaités ou nourris au lait industriel, et elles donnent, elles aussi, des résultats contradictoires. Une réponse plus importante après vaccination par le BCG à la naissance avait été retrouvée chez des enfants allaités, mais, dans une autre étude, la réponse cellulaire après vaccin contre la rougeole était plus basse chez ces enfants.

L'ALLAITEMENT INDUIT UNE IMMUNITE PASSIVE DE LONGUE DUREE

Breastfeeding provides passive and likely long-lasting active immunity. LA Hanson. Ann All Asthma Immunol 1998 ; 81(6) : 523-33.

Cet article fait le point sur les mécanismes par le biais desquels le lait maternel protège vis-à-vis des infections pendant et après l'allaitement, ainsi que vis-à-vis de certains troubles immunologiques, allergiques en particulier.

L'auteur a étudié toute la littérature médicale parue sur le sujet depuis les 30 à 40 dernières années, jusqu'à 1998. Il a compilé tous les textes parus dans des revues scientifiques, ainsi que ce qui a été publié dans des livres, en anglais, français, allemand et espagnol.

Les Iga sont l'un des principaux facteurs du lait humain entrant en jeu dans la protection de l'enfant allaité, mais de très nombreux autres composants ont fait la preuve d'un effet protecteur. Il est remarquable de constater que les agents protecteurs du lait maternel agissent sans induire d'inflammation ; le lait humain contient même un certain nombre de composants anti-inflammatoires. L'effet protecteur de l'allaitement est amplement démontré vis-à-vis des diarrhées sévères, des pathologies respiratoires, des otites, des infections urinaires, des septicémies et de l'entérocolite ulcéro-nécrosante. Des études ont fait état d'un effet protecteur se prolongeant pendant des années après la fin de l'allaitement vis-à-vis des diarrhées, des infections pulmonaires, des otites, des infections à
Haemophilus influenzae du type b et du wheezing. Pour certaines pathologies, la protection semble d'autant plus efficace que l'allaitement est long. Certaines études (mais pas toutes) ont trouvé une meilleure réponse immunitaire aux vaccins chez les enfants allaités que chez les enfants nourris au lait industriel. Des facteurs du lait humain tels qu'anticorps et lymphocytes B et T ont démontré une capacité d'induction du système immunitaire ; en conjonction avec les cytokines et les facteurs de croissance aussi présents dans le lait humain, ils semblent stimuler activement la mise en place des processus immunitaires chez l'enfant. Ce dernier sera moins sensible aux infections, tant grâce à l'effet direct des composants immunologiquement actifs du lait maternel qu'en raison de leur action favorable sur la mise en place d'un système immunitaire plus compétent. Tout cela peut aussi expliquer pourquoi l'allaitement peut protéger vis-à-vis des pathologies auto-immunes et des troubles allergiques, et ce à long terme, même si cela n'est pas encore confirmé avec autant de certitude que son impact sur les troubles infectieux.