Les bébés ont faim d'amour Georges est psychiatre et il vient d'avoir un deuxième fils. Il
a mal dormi la nuit dernière parce que son gamin se réveillait
en pleurant. Retour aux années 50. Au moment où la psychologie comportementale
affirmait que nous agissions tous en fonction des "récompenses"
et des "punitions" que Harlow, lui, regarda les choses autrement : et s'il s'agissait d'un besoin biologique d'amour ? Pour approfondir sa théorie, Harlow inventa un appareillage ingénieux : une cage, chauffée et éclairée, dans laquelle il installa des petits singes mais aussi deux fausses mamans en grillage, dont la forme rappelait le corps d'une femelle. La première était dotée de mamelles en plastique reliées à une bouteille de lait maternel : il suffisait de les téter pour être nourri. La seconde n'offrait pas de nourriture, mais était recouverte d'une chaussette de laine cachant une résistance électrique, pour simuler le contact et la chaleur du corps de la mère. Les petits singes ne quittèrent presque pas les bras de la fausse "maman-chaussette", qui jouait le rôle de doudou, ne s'en séparant que pour aller se nourrir, et ce, le plus rapidement possible pour retrouver au plus vite "l'affection" du bout de laine ("The Nature of Love" de H. F. Harlow in "American Psychologist" 13: 673-685, 1958). Depuis, on ne compte plus les études montrant les conséquences graves de l'isolement des bébés - singes ou humains - à la naissance. Il est désormais clair que la stimulation affective est aussi indispensable que celle du langage pour le développement des différentes structures du cerveau du nourrisson (1). Le besoin d'amour est donc bien un besoin biologique, au même titre que les autres, sinon plus. 1- "Toward an Interpersonal Neurobiology of the Developing Mind : Attachment Relationships, Mindsight, and Neural Integration" de D. J. Siegel in "Infant Mental Health Journal" 22(1-2): 67-94, (2001). Professeur de psychiatrie, David Servan-Schreiber a fondé et dirigé
un centre de médecine complémentaire à l'université
de Pittsburgh, aux Etats-Unis |